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Riad Sattouf : "Devenir comme tout le monde, je trouve ça dommage"

riad sattoufriad sattouf
Écrit par lepetitjournal.com Madrid
Publié le 15 décembre 2022, mis à jour le 17 octobre 2024


Plus spontané que cérébral, plus étrange que "comme tout le monde", Riad Sattouf frappe dans le mille avec son premier film Les beaux gosses. L'auteur de la bande dessinée La vie secrète des jeunes livre un cinéma drôle mais "sans message". Sa motivation ? "La curiosité d'une période que l'on a tous connue", l'adolescence


LePetitJournal.com : La vie secrète des jeunes, et maintenant Les beaux gosses : pourquoi se pencher autant sur l'adolescence ?
Riad Sattouf : Je n'ai pas de réponse précise ... C'est un âge où les gens sont marrants. Les adolescents expriment leurs émotions directement. Je m'y intéresse sans doute par curiosité pour un âge que je n'ai pas l'impression de connaître. C'est amusant cette période qui est à la fois différente à chaque génération et en même temps qui se ressemble toujours... On me demande aussi souvent si ça n'a pas un caractère autobiographique, mais je ne pense pas. J'étais beaucoup moins intéressant que mes héros ne le sont.

Est ce que votre vrai thème de prédilection ce n'est pas le ridicule ?
Je n'ai pas l'impression d'avoir de message particulier. Après, oui ça parle entre autres du ridicule. Dans le film, ils le sont tous autant les uns que les autres. Ridicule dans le sens pathétique, vain. En fait je pense qu'on est tous ridicules. C'est d'ailleurs pour cela que j'ai du mal avec les films très sérieux... Moi ça me fait souvent rire. C'est une vision qui se rapproche de l'absurde.

Vous ne vous trouvez pas cruel avec vos héros ?
Non, je ne suis pas cruel. Et je ne les ai pas non plus victimisés. Au final, on les trouve assez attachants. Le but n'est pas que le spectateur déteste les personnages à la fin du film. C'est qu'il les trouve ridicules mais en se disant "oui mais quand même, ils ont quelque chose". Le film parle aussi de l'acceptation des "autres". Malheureusement, les personnes un peu plus bizarres restent souvent à l'écart dans la société. Pour vivre avec les autres, il faut souvent évoluer, devenir comme tout le monde : je trouve ça dommage. Moi, les gens qui se ressemblent tous, j'aime pas trop ça.

Comment est né le projet du film ?
J'ai eu beaucoup de chance, puisque ce n'est pas moi qui était demandeur. Ce qui m'a évité pas mal de problèmes, dans un milieu où il est difficile de percer. Avant j'avais déjà pensé au cinéma, mais plutôt comme un délire de "mégalo".
En fait Anne-Dominique Toussaint, la productrice, avait lu mes bandes dessinées et les avait aimées. Elle m'a donc proposé de faire un film... J'ai répondu que c'était à la condition de garder toute ma liberté, comme pour mes BD. Sinon, je n'en aurais pas vu l'intérêt.
J'ai donc repris des cours privés de cinéma avec un ancien professeur de l'école des Gobelins, où j'avais suivi des cours d'animation. J'ai pu lui poser toutes mes questions pour être prêt pour le tournage. Ensuite on a cherché les acteurs adéquats. Ce n'était pas forcement difficile mais cela a pris du temps de trouver les personnes qu'il fallait. Je voulais des adolescents qui étaient naturels dans leur jeu, qui ne cherchaient ni à bien jouer ni, d'ailleurs, à être naturels. En fin de comptes, je voulais des ados qui n'aient pas d'ambition.

Parlez nous du casting...
Nous avons distribué des petits papiers aux adolescents, pour leur proposer de jouer dans un film. Au total, nous avons eu environ 600 enfants qui se sont présentés, ce qui n'est pas forcément beaucoup, compte tenu du nombre de rôles que nous avions à attribuer. J'ai tout de suite eu un coup de c?ur pour l'acteur qui jour Camel, qui se comportait dans la vie réelle de la même manière que ce qu'il est dans le film, où il est vraiment lui même. Sur la vidéo du casting, il évoquait notamment les 27 rateaux consécutifs qu'il avait dû essuyer...
Pour Hervé, cela a été un peu plus long... Il était plus renfermé. Par contre, lorsqu'il imitait ses profs, on sentait un véritable potentiel, qu'il était capable de s'ouvrir...

Comment s'est déroulé le tournage ?
Très bien ! On n'a eu aucun problème pendant les huit semaines de tournage. Bon, on a eu un adolescent qui s'est évanoui parce qu'il faisait trop chaud mais à part ça ... Les acteurs n'avaient aucune timidité, ni gêne. Leur motivation pour tourner était surtout de devenir célèbre, de passer à la télé. Ce qui est à mon avis commun à tous les acteurs, au fond, sauf que les adultes apprennent à le présenter de façon plus élégante... Et que pour eux ça passaient sans doute avant l'envie de bien jouer. Finalement, cela leur donne une certaine pureté.

Une anecdote à propos du tournage ?
Pour désinhiber les acteurs avant la prise des scènes, nous avions pour coutume de leur faire faire les singes. Toute l'équipe du tournage se joignait à ce rituel. C'était une façon de les mettre en condition, pour qu'ils n'aient aucun problème au moment de tourner des scènes un peu dérangeantes. C'est ce qui m'a donné l'idée de leur faire manger des bananes. Tout le long du film, les enfants mangent des bananes.
Sinon les acteurs ne comprenaient rien au scénario. Le fait qu'on ait tourné les scènes dans le désordre n'aidait d'ailleurs pas à leur compréhension. J'étais obligé de leur expliquer les situations dans lesquelles ils allaient tourner, pour qu'ils se prêtent au jeu.

 Le cinéma et la bande dessiné, c'est facile à conjuguer ?
C'est assez différent par la longueur. Huit semaine de tournage, c'est forcement plus long. Surtout qu'avec une bande dessinée on voit rapidement où on va, ce qu'on fait. Avec un film, on voit tout comme dans un microscope et on a très peu de vision d'ensemble, ce qui rend cela plus angoissant. Au fond il s'agit un peu du même genre d'énergie, puisqu'on essaie de réussir à mettre sur papier ou à l'écran ce qu'on a en tête. Après, en dehors du tournage, le scénario peut s'écrire à l'atelier, donc dans ce sens là ça ne m'a pas du tout gêné.

Quels sont vos projet à venir ?
Au niveau de la bande dessinée, le tome 2 de La vie secrète des jeunes va sortir en avril. Je travaille aussi depuis très longtemps sur un projet de BD concernant le Moyen-Orient. Pour ce qui est du cinéma, j'ai de nouvelles propositions, que je vais saisir. Le projet en est au stade de l'écriture. Il s'agira d'une comédie sur fond d'anticipation, mettant cette fois en scène des adultes. Les ados, c'est fini ! Je ne dévoile pas les détails, car vous savez c'est secret tout ça ...

Propos recueillis par Pierre-Yves HUREL (www.lepetitjournal.com - Madrid) mercredi 16 décembre 2009

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Publié le 16 décembre 2009, mis à jour le 17 octobre 2024
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