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La Couronne espagnole fait le ménage

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Photo archives 2007 - Creative Commons א (Aleph), http://commons.wikimedia.org
Écrit par Francis Mateo
Publié le 18 mars 2020

Un roi émérite, une favorite, un "barbouze" emprisonné, un chantier pharaonique dans le désert, un paradis fiscal... et 100 millions de dollars. Un cocktail embarrassant pour la famille royale espagnole.


Aérer la maison, faire du rangement, débarrasser la poussière accumulée sous le tapis... Tout le monde se livre à ce genre d'occupations en ces temps de confinement. Chacun selon sa condition, évidemment ! Prenons au hasard le roi Felipe VI, qui a choisi lui aussi de faire le ménage, mais en renonçant à l'héritage économique de son père, Juan Carlos I, et en lui retirant par la même occasion toute légitimité institutionnelle.

Le geste est autrement plus grandiose que le vulgaire maniement de l’aspirateur, mais il n’en symbolise pas moins un sacré coup de balai sur le passé récent de la famille royale espagnole. Pour Felipe VI, c'est aussi et surtout une tentative de se démarquer des turpitudes supposées de Juan Carlos I, accusé par son ancienne maîtresse Corinna Larsen d'avoir touché des pots-de-vin dans le cadre du marché multimillionnaire du train à grande vitesse en Arabie Saoudite. 

L'affaire instruite par la justice suisse concerne une enveloppe de 100 millions de dollars versée par la famille royale saoudienne à la Fondation Lucum (basée au Panama), où le roi émérite aurait ponctionné 65 millions de dollars à destination de sa favorite. Le dossier intéresse également les services de justice anti-corruption en Espagne depuis que Corinna Larsen s'est épanchée sur le sujet lors d'une conversation téléphonique enregistrée en douce par le sulfureux commissaire de police José Manuel Villarejo (ex-agent des services secrets espagnols, actuellement en prison). 


Rendre des comptes

Dans cette affaire réunissant tous les ingrédients du roman d'espionnage, le roi Felipe VI semble avoir établi un "coupe-feu" en se détachant d'un héritage qui menaçait de devenir encombrant. Pour autant, Juan Carlos I ne sera peut-être pas exonéré de rendre des comptes. Certes, même s'il a abdiqué en 2014, le roi émérite profite toujours d'une immunité exceptionnelle et ne pourrait être jugé que par le Tribunal Suprême, principale juridiction en Espagne. 

Par ailleurs, tous les faits commis jusqu'à la date de son abdication sont couverts par son immunité de monarque, ce qui exclut toute possibilité de condamnation pour l’obtention de présumées commissions occultes. En revanche, l'usage de ces fonds éventuels depuis l'abdication pourrait être assimilé à du blanchiment, donc faire l'objet d'une procédure judiciaire. 
Encore faudrait-il pour cela que l'Assemblée Parlementaire espagnole autorise cette enquête. Lors d'une première tentative, les députés avaient rejeté cette éventualité (grâce à l'union des voix du PSOE, du PP et de Vox). Depuis lors, une nouvelle majorité parlementaire et gouvernementale a pris les commandes, et les alliés du Pari Socialiste Espagnol entendent bien rouvrir le débat. Les porte-paroles de Podemos, du PNV et de ERC se sont tous exprimés en ce sens. Ce ne sera peut-être pas suffisant, mais pour blanchir la famille royale, il faudra sans doute frotter un peu plus. 

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