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Vojetta: Est-ce normal d’embêter 3 millions de Français pour quelques exilés fiscaux?

Stephane Vojetta devant sa permanence à MadridStephane Vojetta devant sa permanence à Madrid
Stephane Vojetta devant sa permanence à Madrid/@Armelle Pape Van Dyck
Écrit par Armelle Pape Van Dyck
Publié le 21 novembre 2022, mis à jour le 7 décembre 2022

Stéphane Vojetta, le député désormais connu de tous à Paris pour avoir été celui qui a battu Valls, revient sur ces derniers mois et sur tous ses dossiers en cours. 1ère partie.

 

 

Vous êtes en train de finir un livre. De quoi parlez-vous?

J'ai commencé à écrire cet été le livre de ma campagne électorale, depuis le début, comment je suis devenu député, mes relations avec Samantha Cazebonne, etc. Dans le livre, il y a plein de choses qui n’avaient pas été dites à l’époque, pour que les gens comprennent bien la démarche, quand on est soudain lâché par son parti, et que Manuel Valls arrive - "Poussez-vous"- avec le soutien du président et de la majorité, et comment j'y suis allé quand même et j'ai gagné, c’était pas évident. Mais ça a été une belle histoire, les 6.000 km parcourus, la rencontre avec tous les Français de l’étranger. Je ne sais pas encore si je vais le publier ou pas.

 

Et si c'est le cas, vous avez déjà le titre?

Il s’appellerait "Remontada".

 

Maintenant on me donne une capacité d’action que je n’aurais jamais eu s'il n'y avait pas eu Valls

A la fin, cette "remontada" avec votre victoire contre Valls, a été positive pour vous! Les cinéphiles se souviendront du western "L’homme qui tua Liberty Valance". Vous êtes soudain sorti de l'ombre et devenu à Paris "l’homme qui tua Manuel Valls"?

Ah mais complètement! Maintenant on me donne une capacité d’action que je n’aurais jamais eu s'il n'y avait pas eu Valls. Sans Valls, j’aurais gagné quand même, mais j’aurais été un député parmi tant d'autres, alors que là, ça a permis de faire un truc dont tout le monde a parlé à Paris. Parce que maintenant il y a un respect tant au sein de la majorité que de l’opposition. Ils savent tous que c’est moi qui ai battu Valls et en interne tout le monde comprend et soutient ce que j’ai fait. En plus maintenant, ils savent de quel bois je me chauffe et que quand je demande quelque chose, en général j’ai de bonnes raisons de le faire; et si on me dit non, je ne le prendrai pas forcément pour une réponse définitive. Je ne lâche rien.

On entend toujours cette caricature sur les Français de l’étranger qui sont forcément des évadés fiscaux!

Pouvez-vous revenir sur ce qui s'est passé à l'Assemblée, lorsque vous vous êtes mis en colère contre une grande partie de l'hémicycle?

Les seules choses que j'entendais lors des débats étaient soit on va financer en tapant dans la poche des Français de l’étranger, 'qui sont partis à cause des impôts', soit qu'il fallait mettre des impôts universels aux Français de l’étranger parce qu’ils partent à cause de ça, ou qu'il fallait arrêter de faire payer des impôts aux jeunes de moins de 30 ans en France pour qu’ils ne partent pas à l’étranger. Bref, toujours cette caricature sur les Français de l’étranger qui sont forcément des évadés fiscaux! Alors là, je me suis vraiment mis en colère et je suis intervenu pour remettre les pendules à l’heure. Les Français de l’étranger ont la chance d’avoir une représentation avec quelqu’un qui défend leurs intérêts et aussi leur image.

 

 

Mais vous n'êtes que 11 députés sur 577...

C’est peu, mais au moins on est là. Tous les pays n’ont pas ça, loin de là.  Les députés de l'étranger existent depuis 2012 et les sénateurs depuis 1946. L'important c'est de pouvoir marquer les esprits avec nos combats, avec la défense de l’image des Français de l'étranger. Ça me paraissait tellement dingue cette caricature qu'il était important de clarifier. Je suis content de l’avoir fait et je pense que c’est utile à long terme. Je continuerai à mener cette bataille à chaque fois que quelqu’un prendra la parole pour caricaturer les Français de l’étranger. Je serai leur défenseur. Moi ça me va comme rôle!

Le Monde a accepté tout de suite de publier la tribune, ce qui montre qu’il ne doit pas y en avoir souvent prenant la défense des Français de l’étranger! 

Après votre "coup de gueule" à l'Assemblée, vous avez publié une tribune dans Le Monde, intitulée “En défense des Français établis hors de France, une proie facile pour la démagogie”. Pourquoi?

Je me suis dit "qui va voir la vidéo à l’hémicycle?" et c’est pour ça que j’ai décidé d’écrire une tribune. Normalement Le Monde n’accepte pas ce genre de chose et là, ils ont tout de suite dit oui, ce qui montre qu’il ne doit pas y avoir souvent des tribunes prenant la défense des Français de l’étranger! 

Barcelone est une ville plus multicolore et cosmopolite que Paris et là encore, pas d'exilés fiscaux, puisqu'à Barcelone, il y a encore plus d’impôts qu’à Madrid

Vous qui êtes entrepreneur, ça doit aussi vous énerver d'entendre critiquer les chefs d'entreprise depuis la France?

Nous sommes 3 millions de Français à l’étranger, ce qui est déjà énorme, mais en plus en France, il y a quand même beaucoup de Français qui ont vécu à l’étranger. Par contre, il y en a beaucoup plus qui n’ont jamais mis les pieds dehors et qui n'auraient jamais le courage de partir et risquer cette aventure à l'étranger. Et pourtant, ce sont les premiers qui nous critiquent! Les entrepreneurs français partent s’installer d’abord aux États-Unis et le 2e pays qu'ils choisissent est l'Espagne. Lorsque je demande aux députés pourquoi, ils me rétorquent immédiatement 'à cause des salaires moins élevés'. Et bien non! Pourquoi y a-t-il autant d'entrepreneurs français à Barcelone? Parce que lorsqu'ils montent une boîte et veulent attaquer les marchés internationaux, ils peuvent trouver des gens qui parlent toutes les langues. Il est plus facile de pouvoir embaucher des ingénieurs qui parlent polonais ou tchèque, qui sont capables de répondre au téléphone en roumain ou en nigérian, et ça tu ne le trouves pas forcément à Lyon ou à Chartres. Barcelone est une ville plus multicolore et cosmopolite que Paris et là encore, pas d'exilés fiscaux, puisqu'à Barcelone, il y a encore plus d’impôts qu’à Madrid, donc on ne peut pas dire que les entrepreneurs français partent à Barcelone pour payer moins d’impôts!"

Il y en a beaucoup qui n'auraient jamais le courage de partir et risquer cette aventure à l'étranger. Et pourtant, ce sont les premiers qui nous critiquent!

En parlant d'impôts, justement, on connaît le nombre d'exilés fiscaux?

Il n'y a pas de chiffres. Est-ce qu’un Français qui vit en Suisse est un exilé fiscal? Pas forcément! Quant aux Français qui sont à Monaco, ils continuent à être résidents fiscaux et à payer leurs impôts en France. En Andorre c’est autre chose, mais, ce qui est clair, c’est qu'en Espagne il n’y en a pas; au Portugal, il y en a quelques-uns. Lorsque les gens partent à l’étranger, la plupart ne le font pas pour payer moins d’impôts. Personne ne va aux États-Unis pour ça! Alors, bien sûr il y a des exilés fiscaux, mais il y en a combien? 10.000? sur 3 millions de Français à l'étranger! Alors est-ce que c’est normal d’embêter 3 millions de Français parce qu'il y en a 10.000 qui ont quitté la France pour cette raison?! Est-ce qu’on doit tous être peints avec le même pinceau, alors qu'il y a de multiples réalités parmi les Français; il y a des gens qui sont dans des associations caritatives, qui s’engagent, qui montent des boites, des entrepreneurs qui exportent des produits français, les Français de l’étranger participent en première ligne au rayonnement de la France. Alors, ça suffit.

Tout le monde critique Macron, qu'il est nul, que le gouvernement est nul, mais franchement je leur dis "mais comparez! Regardez aussi ce qui se fait ailleurs et comment les gens vivent en France par rapport à ce qui se passe dans d’autres pays!".

Un récent rapport montrait que justement les exilés fiscaux retournent en France. Pourquoi?

Oui, clairement. Avant il y avait une sortie nette d’exilés fiscaux. Maintenant, il y a une rentrée nette, notamment parce qu'on a créé la flat tax sur tout ce qui est plus-value et rendement du capital, à 30%, alors qu'avant c’était autour de 50%. En Espagne, cet impôt est passé de 26 à 28%, c'est donc devenu plus raisonnable dans un contexte européen.

 

Votre défense des Français de l'étranger vient-elle aussi du fait que vous êtes le seul député de tout l’hémicycle à vivre à l’étranger?

Effectivement. Je suis le seul des 577 députés qui vit à l’étranger. Tous, même ceux qui sont en Belgique ou au Moyen-Orient, vivent en France et retournent une fois par mois dans leur circonscription. Je suis comme le député du Gers ou de la Haute Savoie. Je rentre dans ma circonscription et donc je vis et je paye mes impôts en Espagne. Je paye plus d’impôts puisqu'en Espagne les impôts sont plus élevés.

J’ai pris la parole pour rappeler qu'en Espagne aussi  il y a beaucoup de Français qui sont victimes "d'okupas"

En plus de l'image faussée des expatriés français, avec ces idées préconçues et ces caricatures, n'existe-t-il pas aussi un manque de perspective en France?

Complètement. Lors de la loi anti squat qui est en cours d’examen, j’ai pris la parole pour rappeler qu'en Espagne aussi  il y a beaucoup de Français qui sont victimes "d'okupas". J’essaie chaque fois de rappeler à tout le monde qu’il y a les Français à l’étranger et qu’on a une vie comme les autres, avec nos problèmes et que ces problèmes parfois sont bien gérés par les gouvernements locaux mais parfois non. Et c’est ce qui manque souvent en France, la perspective, parce que tout le monde critique Macron, qu'il est nul, que le gouvernement est nul, mais franchement je leur dis "mais comparez! Regardez aussi ce qui se fait ailleurs et comment les gens vivent en France par rapport à ce qui se passe dans d’autres pays!".

 

La loi pour l’abolition de la tauromachie va bientôt être votée en France. Quel sera votre vote, vous qui vivez justement dans un pays où cette tradition est encore forte?

Je vais voter contre la loi pour l’abolition de la tauromachie. Il ne s'agit pas de voter forcément pour la corrida, mais de voter pour la liberté et le droit des territoires à maintenir leurs traditions. Et puis, on le voit déjà en Espagne, mais en France de façon accélérée, la tauromachie va finir par disparaître. Ça prendra 10, 15 ou 20 ans. Alors pourquoi insulter les gens et brusquer des régions entières? Je sais que je vais recevoir beaucoup de critiques, mais je suis pour la liberté. Et même si je ne peux pas être à l'hémicycle ce jour-là pour voter, je ne vais pas me planquer et j’assumerai.

 

La 2ème partie de l'entretien vendredi prochain

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