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Espagne : Que s'est-il passé dans le PP ? Résumé d’une crise sans précédent

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Photo d'archives, novembre 2019 / PP Comunidad de Madrid, CC BY 2.0 <https://creativecommons.org/licenses/by/2.0>, via Wikimedia Commons
Écrit par Armelle Pape Van Dyck
Publié le 23 février 2022, mis à jour le 24 février 2022

Sur le ring : d'un côté, Pablo Casado, leader du PP. De l'autre, Isabel Díaz Ayuso, la présidente de la Communauté de Madrid. Au milieu, une guerre larvée qui dure depuis longtemps et qui a finalement explosé, suite aux informations selon lesquelles des proches de Casado auraient contacté des détectives pour enquêter sur le frère d'Ayuso. Retour sur les points clés d'une crise qui s'est enlisée dans les accusations d'espionnage, de corruption et de guerre sale.

 

Winston Churchill, qui avait une piètre opinion de ses compagnons de parti, affirmait que "la politique est plus dangereuse que la guerre... A la guerre, vous ne pouvez être tué qu'une seule fois. En politique, plusieurs fois!" Quand on voit la crise interne du PP, le premier parti d’opposition, on ne peut que comprendre ces mots. Mais revenons sur les origines de cette guerre fratricide.


Une date pour le congrès régional, principale pomme de discorde

Suite à la victoire écrasante de la présidente de la Communauté de Madrid, Isabel Díaz Ayuso, lors des élections régionales du 4 mai 2021, celle-ci réclame la célébration d’un congrès régional afin de devenir la présidente du PP de Madrid. Mais Casado refuse de le faire et remet toujours à plus tard pour fixer une date. Et c’est là que les problèmes commencent, d’autant que les autres barons territoriaux du PP président aussi le parti régional de leur communauté autonome. Alors, pourquoi pas Ayuso ?  


Une victoire mitigée du PP en Castille-et-Leon

Pour Pablo Casado, ces élections anticipées en Castille-et-Leon, qui se sont déroulées le 13 février dernier, devaient servir à renforcer son image, affaiblie depuis des mois, de leader incontestable du PP avant les élections générales. Or, la victoire a été très juste et Casado en est sorti encore plus faible qu’avant ces élections.


Révélation dans les médias de la guerre sale

La bataille entre la rue Genova et la Puerta del Sol, sièges respectifs du PP et de la Communauté de Madrid, a finalement explosé quelques jours plus tard, après la publication dans les médias d'informations selon lesquelles le noyau dur de Pablo Casado avait contacté des détectives pour espionner le frère d'Isabel Díaz Ayuso. 

L'un des responsables de cette opération aurait été Ángel Carromero, l'homme fort du maire de Madrid, José Luis Martínez-Almeida et, surtout, très proche de Pablo Casado. Carromero a finalement démissionné. Quant à José Luis Martínez-Almeida, il a décidé de laisser mardi son poste de porte-parole national du PP pour, a-t-il dit, se concentrer sur son travail de maire de Madrid.

A partir de là s’ensuit une guerre de déclarations entre les deux camps qui ne fait qu’alimenter encore les tensions d’heure en heure. Ayuso, femme de caractère, affirme que Casado lui aurait avoué que la feuille d’impôt de son frère, Tomas Ayuso, lui serait parvenue de la Moncloa, ce que Casado nie plus tard. Quoiqu’il en soit, ce document privé est bien sorti de l’administration du fisc espagnol.


Le contrat du frère d'Ayuso

L'attribution d'un contrat de 1,5 million d'euros (pour 250.000 masques FFP2) en pleine pandémie à Priviet Sportive SL, dont le frère d'Ayuso aurait obtenu une commission, est au centre de la guerre du PP. Ayuso a publié une note publique dans laquelle elle donne quelques détails sur les liens de son frère avec le contrat et le paiement des 55.800 euros HT. Selon le communiqué, "cette facture n'est pas une commission pour l'obtention du contrat auprès de l'administration, mais le paiement des démarches effectuées pour obtenir le matériel en Chine et son transfert à Madrid, ce qui est différent. Il s'agit d'une contrepartie pour leur travail, et non d'une commission d'intermédiation".

Toujours est-il que le parquet anticorruption a ouvert une enquête, soulignant toutefois le "manque de précisions" dans les allégations, mais qu’il était "nécessaire de clarifier les faits dénoncés, compte tenu de leur impact social".


La pression monte

Le week-end dernier, la pression est encore montée d’un cran. Plus de 10.000 personnes ont manifesté devant le siège national du PP, et dans plusieurs autres villes espagnoles, pour exiger la démission de Pablo Casado et défendre Ayuso. 
De leur côté, les barons territoriaux puis la majorité de sa direction et les poids lourds du groupe parlementaire du PP, sentant le vent du boulet, se sont joints de plus en plus vite à cette pression, exigeant le départ de Casado.


Casado s’accroche, une agonie qui s’éternise

Mais Pablo Casado se retranche. Il a offert la tête de son nº2, le redoutable et redouté secrétaire général du PP, Teodoro García Egea, qui a finalement démissionné de son poste mardi. Mais il est clair que ce geste arrive trop tard. Et comme nous le signalions dans l’analyse des élections, plus nationales que régionales, de Castille-et-Leon, il n’était pas sûr que Pablo Casado fasse le grand saut vers le palais présidentiel... Et en effet, des têtes sont tombées.

Pour tous, Pablo Casado est en train de faire couler le PP et donner des voix à Vox, ce dernier n’étant pas loin de le dépasser. Sans plus aucun soutien, le président du PP, qui a évité pour l'instant de démissionner, même si c’est inévitable, a dû céder aux barons territoriaux qui lui demandaient de convoquer d'urgence un congrès extraordinaire.


Feijoo, le sauveur ?

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PP Comunidad de Madrid, CC BY 2.0 <https://creativecommons.org/licenses/by/2.0>, via Wikimedia Commons

Les barons voient dans Alberto Nuñez Feijoo, l’actuel président de la Galice, la solution pour mettre un terme à cette guerre intestine. Tout porte à croire que Feijóo sera l’unique aspirant à la présidence du PP, puisque les seules personnes "dissidentes", Isabel Diaz Ayuso et la député du PP, ancienne porte-parole déchue, Cayetana Alvarez de Toledo, ont déjà affirmé qu’elles ne seraient pas candidates. Feijoo pourrait alors être proclamé nouveau leader du PP en un temps record, c'est-à-dire le 17 ou le 18 mars.


L’épée de Damoclés

Rappelons qu’Alberto Nuñez Feijoo avait auparavant souhaiter briguer ce poste de président du Partido Popular en 2018. Il était sur le point de se présenter aux primaires du PP, face à Soraya Saenz de Santamaría. Mais, quelle coïncidence, des photos plutôt embarrassantes, voire compromettantes de Feijoo, prises sur un yacht avec un trafiquant de drogue, avaient été publiées. Il avait alors préféré rester en Galice. Et c’est ainsi que Pablo Casado s’était présenté et avait gagné face à Santamaría. La guerre des dossiers pourrait bien reprendre…