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Castille-et-Leon: analyse des résultats d'élections plus nationales que régionales

castille et leoncastille et leon
TUBS, CC BY-SA 3.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0>, via Wikimedia Commons
Écrit par Armelle Pape Van Dyck
Publié le 14 février 2022, mis à jour le 14 février 2022

Les élections régionales anticipées en Castille et Leon qui se sont tenues le 13 février dernier sont bien plus importantes qu’il n’y paraît. Les différents partis en lice y voyaient un enjeu crucial sur la route des prochaines élections générales. Et en effet. Les résultats auront des conséquences non seulement régionales mais aussi et surtout nationales.

 

La décision du PP de convoquer en décembre dernier des élections anticipées en Castille-et-Leon, rompant ainsi son pacte avec Ciudadanos, a immédiatement pris des proportions jamais vues en Espagne. A partir du 20 décembre, date de la convocation, il ne passait pratiquement pas un jour sans que l’on assiste à la visite d’une exploitation agricole par un personnage politique. Et, pendant la campagne électorale, on voyait plus souvent le président Pedro Sanchez, le leader du PP, Pablo Casado, et celui de Vox, Santiago Abascal, que leurs candidats régionaux.


Mission : renforcer Pablo Casado

Pour le PP, ces élections étaient particulièrement importantes, puisqu’il les avaient convoquées avec deux objectifs clairs : d’une part, disposer d'une plus grande majorité dans la région qui leur permettrait de gouverner plus confortablement ; et de l’autre, renforcer l’image de leader incontestable de Pablo Casado avant les élections générales et, ce faisant, reléguer certains présidents de communautés autonomes quelque peu gênants, comme Isabel Ayuso, Juan Manuel Moreno ou Feijóo.

Une maigre victoire

Or, nous sommes loin de la victoire écrasante qu’escomptait le PP. Le 13 février, les électeurs lui ont donné une majorité si étroite que l'on se demande où sont passés ces 40 sièges et près de 40% des voix que les premiers sondages auguraient au PP juste après la dissolution des "Cortes". Le Parti Populaire arrive en tête, certes, mais avec seulement 31,51% des voix, c’est-à-dire 31 sièges. C’est deux de plus qu’aux précédentes élections, mais, dix de moins que la majorité absolue qu’il briguait. 

élections castille et leon 2022
AytoEru, modifications by Impru20 - CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=113511922

 

De plus, bien qu'il ait gagné ces deux sièges, le Parti Populaire a perdu près de 60.000 voix par rapport aux élections précédentes de 2019. Enfin, l'écart avec le PSOE est minime. Seuls un point et demi et quelque 15.000 voix les séparent.

En outre, cette victoire en demi-teinte force le PP à négocier avec Vox, ce que le Pablo Casado veut éviter à tout prix. Mais Vox, avec ses 13 députés, contre un seul en 2019, est devenu un partenaire indispensable, et son leader, Santiago Abascal, leur a déjà fait passer le message. 


Obéir ou non à Casado, telle est la question

La direction nationale du PP a fait savoir, quant à elle, qu’elle préférerait perdre le gouvernement régional plutôt que d’arriver à un pacte avec Vox. Pas sûr, cependant, que le candidat régional du PP, Alfonso Fernández Mañueco, suive les directives de son chef, Pablo Casado et renonce de ce fait à la présidence de la région. Mañueco a d’ailleurs souligné son intention de "dialoguer avec tout le monde" afin de former un gouvernement "solide et stable". Ce serait un coup porté à l’autorité de Pablo Casado. 

alfonso fernandez mañueco
Alfonso Fernández Mañueco, leader du PP en Castille et Leon / Photo Emiliano García-Page Sánchez - CC BY-SA 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=86333040

Et pas seulement cela, car ces résultats auront un autre impact sur la scène nationale. On l’a vu, le leader du PP voyait ces élections comme un tremplin pour faire un grand saut vers la Moncloa. Pablo Casado s'était d’ailleurs impliqué comme s'il se présentait lui-même aux élections, d’autant qu’il est né à Palencia et a été député d’Avila. Or, loin de sortir renforcé, il est plus faible qu’avant le 13-F. Alors, il n’est pas sûr que le grand saut se fasse vers le palais présidentiel... Il y aura en juin un congrès national de son parti, qui risque d’être fort houleux. Des têtes devraient tomber avant.


Vox, grand gagnant des élections

En revanche, Vox est le grand gagnant de ces élections. Il est passé, avec 17,6% des voix, d'un seul représentant à 13 députés. Et son leader, Santiago Abascal, a le soir même des résultats, revendiqué l'entrée dans le futur gouvernement en déclarant à son candidat, Juan García-Gallardo : "Quelle tête de vice-président tu as !" Les prochaines élections en Andalousie s’annoncent mouvementées.

Précisément, les résultats inattendus de ces élections changent la donne quant à la possibilité d'une élection anticipée en Andalousie. Malgré son souhait d’épuiser la législature, le président de la communauté autonome Juanma Moreno avait évoqué la possibilité d’élections anticipées, puisque Vox et PSOE bloquaient le vote du budget. La direction nationale du PP, certaine de son triomphe aux élections du 13-F voulait même avancer la date à avril. Or, ces élections anticipées ne sont plus bonnes ni pour le PP, ni pour Ciudadanos, qui est en chute libre depuis les élections régionales de Madrid.

Ciudadanos, en chute libre

Ciudadanos est en effet le grand perdant, avec 4,5% des voix, autrement dit un seul représentant face au 12 qu’il avait, dont la vice-présidence du gouvernement régional. A chaque nouvelle élection (les régionales de Madrid et en Catalogne, son ancien fief), le parti d’Inés Arrimadas se dirige un peu plus vers le précipice. L’autre perdant, dans une moindre mesure, est le parti communiste Unidas Podemos qui n'a réussi à obtenir qu'un seul représentant avec 5,8% des voix. Il avait deux sièges. 

Le PSOE, quant à lui, reste la deuxième force mais a subi un sérieux revers dans les urnes. Lors des élections de 2019, le candidat socialiste, Luis Tudanca, avait remporté les élections avec 35 sièges, bien qu'au final le pacte PP-Ciudadanos lui avait arraché la présidence. Aujourd'hui, non seulement il n'a pas été en mesure de répéter cet exploit, mais en plus, avec 30,1% des voix, il est passé de 35 à 28 députés. 

Sur le plan national, Pedro Sánchez ne s'en sort pas mieux non plus, ne voyant pas se concrétiser sa conviction que la fin de la campagne pousserait le PSOE à la hausse, d'où sa participation plus importante que prévue pendant la campagne. 

Emergence de partis régionalistes

Enfin, les résultats historiques des trois partis régionalistes qui représentent l'Espagne vide sont un avertissement pour les grands partis traditionnels lors des prochaines élections. Ainsi, le parti "Soria Ya !" a littéralement balayé le PP et le PSOE en remportant trois des cinq sièges de la province. D’autres partis régionalistes pourraient leur emboîter le pas, s’ils voient que le jeu en vaut la chandelle et ce serait la prochaine révolution sur l’échiquier électoral espagnol.

Armelle Pape van dyck
Publié le 14 février 2022, mis à jour le 14 février 2022