À quelques semaines d’un rendez-vous clé à Luxembourg, Paris, Madrid et Athènes veulent frapper un grand coup : fixer des garde-fous numériques à l’échelle européenne. Contrôle de l’âge, encadrement des applis, riposte aux designs addictifs… Les capitales sonnent l’alarme et appellent Bruxelles à passer à l’action.


Fini les “like” à 10 ans et les scrolls sans fin à l’insu des parents ! Alors que les alertes sur les effets délétères des réseaux sociaux chez les jeunes se multiplient, trois pays de l’Union européenne montent au front. L’Espagne, la France et la Grèce comptent défendre, le 6 juin à Luxembourg, l’instauration d’un âge minimum pour accéder à Facebook, TikTok, Instagram et consorts.
Pas encore d’âge cible sur la table : les trois États préfèrent jouer collectif et laisser les Vingt-Sept trancher. Mais le signal est clair. Face à l’addiction numérique et à l’exposition précoce aux contenus nocifs, l’heure est à la régulation.
Nouvelle loi espagnole sur la protection des mineurs face au numérique
Réseaux sociaux : vers une vérification d’âge obligatoire dans toute l’UE
Au cœur de la proposition : une vérification d’âge obligatoire dans toute l’Union. Signé par trois ministres – Óscar López côté espagnol, Clara Chappaz côté français, Dimitris Papastergiou pour la Grèce –, le texte souhaite rendre impossible l’accès aux réseaux sociaux sans preuve d’âge. À la place, des systèmes robustes, fondés sur l’intelligence artificielle ou la blockchain, et une application mobile européenne en cours de développement pour certifier son âge, sans dévoiler son identité.
Autre mesure envisagée : généraliser les logiciels de contrôle parental sur tous les appareils connectés du marché européen. Ordinateurs, smartphones, tablettes… aucun écran n’échapperait à la surveillance des adultes. L’objectif ? Redonner aux parents les clés d’un espace numérique de plus en plus opaque.
France, Spain and Greece are pushing for mandatory age restrictions for users of social networks including Facebook and X, according to a document seen by Bloomberg https://t.co/XeYToiJkqa
— Bloomberg (@business) May 15, 2025
L’Espagne fixe la limite à 16 ans, la France plaide pour 15
L’initiative s’appuie sur des réformes en cours dans plusieurs pays. En Espagne, un projet de loi prévoit de rehausser à 16 ans l’âge minimum pour consentir à l’utilisation de ses données personnelles.
La France, de son côté, milite pour interdire l’accès aux réseaux sociaux avant 15 ans. “Les réseaux sociaux avant 15 ans, c’est non”, a martelé la ministre Clara Chappaz, qui entend mobiliser d’autres pays européens d’ici trois mois pour bâtir une coalition.
Ce durcissement s’inspire d’un modèle : l’Australie, qui a voté fin 2024 une loi coupant l’accès aux réseaux sociaux pour les moins de 16 ans. Entrée en vigueur prévue fin 2025. À la clé : des amendes salées – jusqu’à 30 millions d’euros – pour les plateformes qui passeraient outre. En attendant, le pays teste des outils de vérification d’âge qui misent sur l’IA et les données biométriques.
Les réseaux sociaux avant 15 ans, c’est non. (Clara Chappaz)
Encadrer les algorithmes pour protéger les mineurs
Au-delà de l’âge, la proposition portée par les trois pays veut aussi repenser l’architecture même des plateformes, pour casser les mécanismes qui scotchent les ados à l’écran. Lecture automatique, pop-up envahissants, profils sur-mesure qui flattent l’ego… tout ce qui capte l’attention et incite au scroll infini est sur la sellette.
Objectif : desserrer l’étau algorithmique et limiter l’exposition à des contenus anxiogènes ou des échanges toxiques. Car les études s’accumulent et sont sans appel. Usage intensif des réseaux et santé mentale des jeunes ne font pas bon ménage.
Mais pas question non plus de jeter le bébé avec l’eau du bain. “On ne veut ni diaboliser la tech, ni vendre du rêve irréalisable”, tempèrent les ministres. Les réseaux offrent aussi des opportunités d’apprentissage, de créativité et de sociabilité qu’il ne s’agit pas de freiner, mais d’encadrer.
Le temps des plateformes toutes-puissantes touche à sa fin ?
Cette initiative arrive dans un contexte européen déjà marqué par le Règlement sur les services numériques (DSA) , qui impose aux plateformes de jouer cartes sur table sur leurs algorithmes et bannit la pub ciblée pour les moins de 18 ans.
Dans les coulisses, Bruxelles peaufine de nouvelles lignes directrices pour protéger les mineurs, pendant que les plateformes, sentant le vent tourner, changent de ton. Meta, maison mère d’Instagram, multiplie les signaux d’ouverture : consentement renforcé pour la pub personnalisée, volonté affichée d’une régulation européenne harmonisée… Les plateformes commencent à plier, mais le bras de fer ne fait que commencer.
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