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Grève des routiers en Espagne: la chaîne d'approvisionnement en alerte maximale

Des étagères vides dans un supermarché espagnolDes étagères vides dans un supermarché espagnol
Richard Burlton
Écrit par Armelle Pape Van Dyck
Publié le 27 mars 2022, mis à jour le 27 mars 2022

L'annonce d'un accord entre le gouvernement et les grandes organisations patronales de transport routier est loin d'avoir calmé la situation. Il faut dire que les PME et les indépendants, qui sont ceux qui ont convoqué la grève il y a 15 jours, n'avaient même pas été invités à la réunion. La grève illimitée se maintient donc et avec elle, les problèmes de ravitaillement.

 

 

La chaîne d'approvisionnement alimentaire est confrontée à une nouvelle phase d'incertitude après que les transporteurs routiers, en grève depuis deux semaines, ont rejeté hier les propositions du gouvernement pour le secteur. Les mobilisations vont se poursuivre, ce qui pourrait provoquer une rupture totale des stocks.

 

La poursuite de la grève pourrait en effet avoir un effet dévastateur sur ce secteur essentiel à l'économie du pays : ces deux dernières semaines, nous avons vu des fermes qui ont dû jeter du lait parce qu'elles ne pouvaient plus le stocker, des éleveurs qui ne peuvent plus nourrir leurs bêtes, des fruits et légumes jetés ou stockés ou encore des multinationales comme Danone qui ont dû arrêter certaines de leurs usines faute de matières premières pour fabriquer leurs produits ou des matériaux auxiliaires nécessaires pour l'emballage.

Animaux piégés sans nourriture

La situation devient particulièrement dramatique dans le secteur de l'élevage. Les matières premières pour fabriquer les aliments des animaux restent coincées dans les ports et il est également impossible de transférer la nourriture aux exploitations d'élevage. En Galice, par exemple, des animaux sont piégés dans les fermes depuis quelques jours sans recevoir la moindre nourriture et la viande qui a déjà été transformée à l'abattoir risque d'être perdue. Dans les élevages porcins, on a même constaté que les porcs commençaient à se manger entre eux.

 

Cet effondrement sans précédent de la chaîne agroalimentaire a entraîné des ruptures de stock, plus ou moins importantes selon les régions, dans les rayons des supermarchés, notamment pour des produits comme le lait, la farine, l'huile ou le riz. Les rayons de produits laitiers presque vides sont devenus le symbole de cette grève.

Éviter "l'effet papier toilette" dans les supermarchés espagnols

Jamais auparavant, pas même au cours de la première phase de la pandémie, la chaîne d'approvisionnement n'avait autant été sollicitée. Le secteur agroalimentaire insiste d'ailleurs pour demander aux citoyens d'acheter de manière responsable et de ne pas stocker inutilement afin d'éviter une aggravation du problème. Quelques chaînes de supermarchés ont d'ailleurs instauré des systèmes de rationnement de certains produits, afin d'éviter "l’effet papier toilette".

Un accord basé sur le modèle français

Vendredi dernier, une lueur d'espoir est apparue lorsque le gouvernement a annoncé une réunion avec le secteur et qu'ils n'en sortiraient pas avant d'avoir obtenu un accord. Après huit heures de négociation, un accord est enfin conclu, sur un modèle similaire à celui de la France, comme l'a ensuite expliqué la ministre des Transports, Raquel Sánchez. Ainsi, dans ce modèle, une partie de la subvention du carburant (20 centimes) est supportée par l'État (15 centimes) et le reste par les distributeurs de carburant.

Un accord sans la présence des grévistes…

Seul "léger" problème, et pas des moindres: Le gouvernement a refusé d'inviter aux négociations la Plateforme de défense du secteur du transport, qui n'est autre que celle qui avait convoqué la grève illimitée. En effet, ce dernier ne la reconnaît pas comme un interlocuteur valable et, à son tour, la plateforme ne se considère pas comme représentée par les grandes organisations patronales du Comité national des transports routiers (CNTC).

85% des routiers d'Espagne représentés

Or, cette grève nationale illimitée, qui a débuté le 14 mars dernier à l'appel de cette organisation indépendante de transporteurs routiers est soutenue massivement par les PME et les indépendants (autonomos), qui représentent plus de 85% du secteur, selon les estimations de la Plataforme.

 

Par conséquent, l'accord ne change rien à la situation et pourrait même encore l'aggraver. En effet, l'une des principales organisations patronales du transport au sein de la CNTC, la Fenadismer, a annoncé son rejet de l'accord et envisage de se joindre aux grévistes. Deux autres fédérations du Comité, Fetransa et Feintra sont également en train de décider de la "position à adopter". En clair, la situation ne semble pas prête de s'arranger.