Profitant de la reprise des événements en présentiel, j'ai sauté vendredi dernier dans un train Ouigo, pour rejoindre la capitale catalane et participer à la journée des associations organisée par Barcelone Accueil. L'occasion de tester la grande vitesse, proposée en Espagne depuis mai dernier par l'opérateur français.
L'annonce faite en mai dernier a fait trembler le monde du rail en Espagne : sous le nom commercial Ouigo, le Français SNCF débarquait dans le pays, suite à la libéralisation du marché des trains à grande vitesse, proposant des trajets à partir de 9€ entre Madrid et Barcelone. La compagnie low cost française promettait d'être "en moyenne 50% moins chère sur 87% des trains". La guerre du rail était lancée et la concurrence avec l'aérien, où Vueling notamment propose sur le même parcours des trajets à bas prix, ravivée.
Comme il se doit, j'ai tout fait de travers et réservé mes billets (presque) à la dernière minute. On s'en doute, je n'ai donc pas profité des meilleurs tarifs, même si l'un dans l'autre avec un aller-retour à près de 95€ le coût du voyage reste dans la fourchette basse. De fait si on entre sur la page de Ouigo on verra que la majeure partie des trajets sont proposés à des prix supérieurs au tarif d'entrée de 9€. Sur sa page web, Ouigo propose un affichage très pratique, permettant sur 2 mois, de connaître jour par jour le tarif le moins cher proposé. Au 22 septembre, il faut attendre le 30 novembre pour qu'un trajet entre Madrid et Barcelone à 9€ soit proposé, tandis qu'une trentaine de dates à moins de 20€ sont disponibles. On encouragera quand même l'utilisateur à comparer les prix, car selon les horaires et les jours de voyage, la RENFE a mis des tarifs très compétitifs en face de l'offre Ouigo.
Avec un bagage à main (36x27x15cm) et un bagage "de cabine" (25x55x35 cm) autorisés -il existe moyennant surcoût de 9€ la possibilité de rajouter une valise de moins de 30 kg- me voici donc à 6h30 du matin en gare d'Atocha. Trente minutes avant le départ du train l'accès est ouvert et les voyageurs accèdent au quai, après passage des bagages au rayon X et scan du code QR de leur billet. En dépit de l'heure matutinale, les wagons sont quasiment pleins. Peu de voyages d'affaires apparemment, mais surtout des familles ou des touristes d'un week-end avec, tous, le masque obligatoire dûment porté. Ce n'est pas l'Orient Express, ni peut être "la crème de la crème", comme l'affirme un des slogans de la compagnie, mais honnêtement le mix confort des sièges, espace disponible, ambiance de la cabine, qualité des matériaux, sourire de l'hôtesse, niveau de la clim', fréquence des annonces radio et haleine de mon voisin de trajet est très raisonnable. On a connu pire, et à des prix plus chers.
De fait, pour une offre low cost, la sensation reste que l'opérateur français soigne les détails, ou en tous cas sa communication. De la confirmation de l'embarquement par WhatsApp -que j'ai dû accepter sans y prêter trop d'attention lors de l'achat de mon billet- à l'accueil par le personnel de bord, en passant par la qualité du service au bar et la multitude de messages bienveillants affichés un peu partout à l'intérieur du train, le voyageur se sent accompagné, pris en considération et respecté... Pourvu que ça dure ! Au passage un petit clin d'œil à destination du concurrent... Ce n'est pas de la publicité comparative mais le message est clair : "On n'est pas des AVEs, mais nous aussi, on fonce". À bon entendeur... En tous cas, aves des pointes à 300 km/h et une moyenne frôlant les 250 km/h, on ne traîne pas -sans secousses, ni trou d'air.
Tandis que le jour se lève sur l'Aragon, le wagon cafetéria est à moitié plein. J'en profite pour commander un café (paiement en contactless uniquement), m'accouder face aux baies vitrées et regarder défiler, entre les nappes de brouillard, les contreforts qui annoncent la Catalogne. Derrière moi un couple échange sur les aspects de son homosexualité, et sur les conditions de sa sortie de placard. Je tends un moment l'oreille, puis, lassé, m'abîme dans la contemplation du paysage. Le lendemain, sur le trajet du retour, ce seront trois Argentines qui évoqueront la nécessité du divorce au sein de leurs couples respectifs. Un groupe de handballeurs de Sabadell me donneront l'occasion d'apprécier un joli tatouage de la Sagrada Familia auquel, comme l'admet le propriétaire du mollet qu'il orne, il faudra ajouter une tour en 2027, date prévue de la fin des travaux.
En attendant, deux heures et demie après notre départ de Madrid, le train entre en gare de Barcelona Sants. J'ai quitté la capitale espagnole en petite veste, aux portes de l'automne, et je débarque en plein été sur les bords de la Mediterranée. Voici presque deux ans, pandémie oblige, que je n'avais pas mis les pieds à Barcelone, je me réjouis d'autant plus d'y retrouver tous les charmes qui en font sa réputation, touristes internationaux en (beaucoup) moins.