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ALCOOL – Est-ce que l’on boit plus en étant expatrié (en Espagne)?

Écrit par lepetitjournal.com Madrid
Publié le 14 février 2016, mis à jour le 14 février 2016

 

Peu importe l'âge, les motivations, les joies, les peines que rencontre un expatrié, la consommation d'alcool est souvent une alliée de taille pour faciliter son acclimatation. Des fiestas jusqu'au bout de la nuit aux afterwork en sortant du bureau, les occasions ne manquent pas pour boire un coup, et pas toujours avec modération?

Dans "Le Soleil se lève aussi", Ernest Hemingway écrivait à propos de lui-même : "Tu es un expatrié. Tu as perdu contact avec le sol. Tu deviens précieux. De faux standards européens t'ont gâté. Tu te tues à force de boire. Tu te laisses obséder par le sexe. Tu passes ton temps à parler au lieu de travailler". Une description romancée bien évidemment, mais qui peut trouver un écho dans le quotidien de l'expatrié des temps modernes. Tentative d'explications étape par étape.


(Photo tirée du domaine public

L'effet expat'
Partir à l'étranger implique de profonds bouleversements dans son quotidien et son entourage. Dans le but de se constituer un nouveau cercle d'amis, l'alcool peut favoriser l'intégration dans le pays d'accueil. Eileen et Audrey, 20 ans et 24 ans, étudient en Espagne depuis 2 ans. Habituées aux soirées entre amis le week-end et après les cours, elles donnent leurs avis de spécialistes sur la question. "Je pense qu'en effet on a plus tendance à s'alcooliser ici, du moins plus souvent. C'est surement lié au fait qu'on soit expat d'ailleurs. Il n'y a pas nos familles ici, tout notre temps libre on le passe avec nos amis et on ne refuse jamais un petit coup avec eux", théorise Eileen. Audrey ajoute : "Moi je trouve que ça dépend aussi du niveau d'alcoolisation que tu avais avant ! Sinon je dirais oui, on sort plus on rencontre bien plus de nouvelles personnes, on essaye de s'adapter à leur mode de vie, il y a plus d'occasions de boire un verre...ou deux".
Il y aurait aussi des enjeux culturels pour expliquer cette consommation. La désinhibition et la surestime de soi provoqués par cette substance psychoactive aurait d'autres atouts si l'on en croit Eileen : "C'est aussi le fait de se trouver dans un pays et une ville étrangère, c'est une façon pour nous de partager la culture et de rencontrer des gens. Après, c'est loin d'être le seul moyen mais ça aide aussi à apprendre la langue, surtout pour le langage courant". Une alcoolisation prétendument supérieure chez les expatriés qui serait donc justifiée par la volonté d'apprendre une nouvelle langue... Mais encore ?

Que boit-on en Espagne ?
Comme si cela ne suffisait pas, l'Espagne regorge de spécialités locales dans le domaine des vins et des spiritueux. On peut d'emblée citer la sangria, une boisson à base de vin rouge, de morceaux de fruits (en particulier des agrumes) et de porto, proposée dans n'importe quel lieu de consommation. Plus rafraichissant, le tinto de verano : un mélange de vin rouge et de limonade très apprécié en Andalousie, servi normalement dans un grand verre avec des glaçons. Le vermuth al grifo (vermouth au robinet) est également répandu, il s'agit de vin cuit macéré avec des herbes et stocké dans des petits fûts avec de l'eau gazeuse. Il est ensuite servi à la manière d'une bière à la pression, ce qui donne un résultat rafraîchissant et mousseux. Très courant aussi, le xérès, vin cuit andalou, servi dans de nombreux bars espagnols. Toujours à base de vin, le Calimocho est un mélange de vin rouge et de Coca-Cola très prisé par les jeunes Espagnols. Plus haut de gamme, le Cava est l'équivalent espagnol du Champagne en plus fruité. Produit en Catalogne, c'est un apéritif idéal. En ce qui concerne les vins plus traditionnels, les principaux producteurs se trouvent dans la région de la Rioja, réputée pour ses grands crus, mais aussi en Castille et León, dans les environs du Huesca, en Aragon, ou dans la région de la Manche. Du coté des spiritueux, la Licor 43 est la plus exportée du pays. Comme son nom l'indique, elle est composée de 43 ingrédients, dont des agrumes, des herbes, des épices et de la vanille avec des accents de chocolat et banane. Jaune et épaisse, elle se déguste plutôt tiède, accompagnée d'une glace. La crema de orujo (liqueur à base de crème) ou le pacharán (liqueur basque à l'anis) sont d'autres digestifs succulents.

Climat et prix propices à la consommation
La douceur du climat et l'ambiance décontractée constatée par beaucoup d'expatriés en arrivant en Espagne s'avèrent souvent propices à l'installation de ce genre de comportements. "Je pense que je bois plus ici à cause des nombreuses terrasses ouvertes à partir du mois de mai. Je sors du boulot, je me pose et je bois une bière. Une habitude beaucoup plus fréquente qu'en France", admet Joséphine, 28 ans, expatrié française en Espagne depuis 3 ans. Audrey acquiesce "C'est vrai qu'à Madrid, les gens ont tendance à passer leur vie dehors, à aller boire un verre, manger un truc ici et là, c'est leur façon de vivre". Le fait de se rassembler après le travail pour décompresser est une tendance particulièrement répandue en Espagne, et l'ouverture tardive des lieux de consommations, surtout le week-end, explique en partie la réputation de fêtards légendaires des Ibériques. Alors qu'en France, les bars ou pubs ferment à 23h ou minuit, la fête se prolonge à 1h voire 2h du matin dans certaines Cervecerias. Sans compter les bars à ambiance, dans lesquels il est possible de danser jusqu'à 3h, avant de se rendre dans des discothèques qui ferment pour la plupart à 7h. Au niveau des prix, les standards espagnols en matière d'alcool (voir encadré) défient toute concurrence à l'échelle européenne. Un demi-litre de bière dans un bar se situe bien souvent aux alentours de 2,50 ? ou 3 ?, contre 6 ? en France. Quant aux alcools forts, qui accompagnent les nuits de fêtes, une bouteille de whisky dans le commerce se vend 11 ? en moyenne.

D'afterwork en afterwork
Autre cause, même effet : l'habitude d'assister à des événements de networking, cocktails et autres afterworks inclus. Pour raisons professionnelles ou personnelles, l'expat tend à combler les lacunes relationnelles dans son parcours sur place, en participant à une multitude d'événements, souvent à caractère communautaire, qui lui sont proposés. Dans le site pour expats espagnols Código 0034, Marina, installée à Santiago de Chile corrobore : "Il est très important pour un expatrié d'assister à des événements après le travail, c'est une façon de se créer un cercle d'amis et des contacts professionnels".

Le piège de l'alcoolisme
De la consommation hebdomadaire dans un cadre festif à un usage quotidien et soutenu, rassurez-vous, il y a un fossé. Cependant, certaines tendances alcooliques peuvent apparaitre plus vite qu'on ne le pense. Exemple à Barcelone dernièrement ou une cellule des Alcooliques Anonymes spécialement réservée aux expatriés français a ouvert ses portes en septembre 2014. Son inauguration faisait suite aux demandes répétées de Francophones en manque de repères sur place et dont l'alcool constituait le seul refuge. Une sorte de remède à la solitude comme le décrit Fabrice, expatrié dans plusieurs endroits du monde, sur un blog de voyages : "Vu la différence de culture et de niveau de vie, les rapports sont souvent intéressés et vous ne pouvez pas parler de tout, certains sujets de conversation vous sont souvent étrangers, c'est un fossé parfois. Ainsi, l'expatrié passe souvent plus de temps au boulot qu'en France et ensuite la soirée se résume au câble ou à la bière". Aussi unique et enrichissante soit-elle, l'expérience de l'expatriation n'en demeure pas moins une rupture avec ses origines. Le terme "expatrié" provient des mots grecs "exo" et "patrida" signifiant "en dehors du pays". Ce qui peut engendrer un malaise, communément appelé "le blues de l'expatrié", et provoquer des addictions.

Simon MARACHIAN (www.lepetitjournal.com - Espagne) Lundi 15 février 2016?

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Publié le 14 février 2016, mis à jour le 14 février 2016

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