Vous avez en avez entendu parler ? Vous avez toujours voulu le faire ? Vous pensez que ce serait mieux seul ? Ou bien en groupe ? Vous n’êtes pas croyant mais vous voulez tenter une aventure sportive ? Le chemin de Saint-Jacques de Compostelle est très à la mode en ce premiers tiers de XXIe siècle. Millénaire, le pèlerinage catholique dépasse aujourd’hui une dimension exclusivement spirituelle pour s’immiscer dans le tourisme mondialisé. Les pèlerins viennent de toute la planète. Ils accomplissent le chemin dans son intégralité ou bien le réalisent par tronçons.
Le pèlerinage à travers les âges
La première question qui nous vient spontanément à l’esprit est la suivante : qui est ce Saint-Jacques de Compostelle ? Selon la tradition catholique, il s’agit de Jacques de Zébédée, un des Douze Apôtres de Jésus Christ. Jacques est le fils de Zébédée et le frère de Jean, lui-même également Apôtre de son état. Les deux frères sont pêcheurs sur le lac de Tibériade quand ils décident de rejoindre Jésus.
Jacques de Zébédée, dit aussi Jacques le Majeur, est alors un des plus proches disciples du Christ. Des écrits postérieurs rapportent qu’il va ensuite quitter son Proche Orient natal afin d’aller diffuser la parole de Jésus en Occident, et ce jusque dans l’Espagne actuelle. On dit qu’il atteint Cadix puis Compostelle. A l’issue de ce voyage de plusieurs années il rentre au Proche-Orient pour soutenir les Chrétiens en difficultés. Il y subira le martyre : il sera décapité. Ses compagnons recueillent alors sa dépouille et l’emmènent dans une embarcation vers l’Ouest. Ils atteindront les côtes galiciennes et enterreront les restes de Jacques sur place. C’est par cette tradition catholique, des Evangiles mais surtout d’écrits bien plus tardifs, qu’on apprend des éléments de la vie de Saint Jacques.
Parmi ces écrits, c’est essentiellement le Codex Calixtinus qui, au Moyen-âge, développe la thèse d’un Saint-Jacques évangélisateur de l’Espagne. Les historiens et théologiens restent toutefois très prudents sur cette question : il n’y a pas de preuve tangible d’une telle prédication de la part de l’Apôtre. En revanche, son culte en Galice est avéré dès le début du IXe siècle.
Il n’y a pas de hasard à cela car le tombeau de l’Apôtre, perdu depuis le supposé voyage des compagnons de Jacques, aurait été découvert à cette époque par un ermite nommé Pelagos. Il aurait vécu dans la forêt aux abords de la Compostelle actuelle et guidé par une intervention divine, il aurait découvert le tombeau de l’Apôtre.
Pelagos, un ermite et donc un religieux en marge des structures ecclésiastiques, choisit tout de même d’avertir l’évêque le plus proche. Convaincue, l’Eglise locale reconnaît officiellement la sépulture comme celle de Saint-Jacques le Majeur. De plus, le roi des Asturies, Alphonse II (791 – 842) qui a bien compris l’intérêt politico-religieux d’une telle "découverte", proclame Jacques saint patron de l’Espagne ("patronus et dominus totius Hispaniae"). Il ordonne la construction d’une église où reposeront les reliques de l’Apôtre. Le monarque de ce petit royaume chrétien promeut immédiatement ce qui se veut comme l’un des centres spirituels majeurs d’un territoire aux prises avec l’Al-Andalous musulmane. C’est donc Alphonse II qui le premier va encourager le pèlerinage vers le tombeau de Saint-Jacques.
Le chemin de Compostelle
Le chemin de Compostelle est toutefois au haut Moyen-âge une aventure spirituelle périlleuse. Les Chrétiens du nord de l’Espagne, quand ils ne sont pas opposés entre eux, mènent une guerre féroce aux Musulmans d’Al-Andalous qui occupent la majorité sud de la Péninsule. De plus, les chemins de l’époque exposent le pèlerin aux brigands, mercenaires et mêmes aux animaux sauvages.
Pour éviter autant que faire se peut le danger des zones de guerre de la Reconquista, le premier chemin à se développer véritablement est celui de la côte nord-atlantique de la péninsule Ibérique. Par la suite, la progression de la Reconquista à la fin du XIe siècle (et surtout la prise capitale de Tolède) élargit sensiblement le territoire chrétien au nord de l’Espagne actuelle. C’est ainsi que s’impose rapidement un autre chemin : le Camino Francés ou Chemin Français (qui est toujours nommé ainsi) qui passe par Roncevaux, Burgos, Léon, Astorga.
Le pèlerinage de Saint-Jacques connaît une apogée au XIIIe siècle avec plusieurs centaines de milliers de pèlerins qui convergent vers Compostelle chaque année. Il faut dire qu’après la reprise de Jérusalem par les Musulmans à l’issue des Croisades, seules Rome et Compostelle demeurent comme lieux principaux de pèlerinage. Des figures illustres comme François d’Assise marchent jusqu’au tombeau de l’Apôtre.
Toutefois, le nombre de pèlerins va diminuer drastiquement dès le siècle suivant et pour longtemps. Les causes sont multiples : la peste qui ravage l’Europe et puis les incessantes et violentes guerres franco-espagnoles. Même en petit nombre, des pèlerins continuent de marcher vers le tombeau de Saint-Jacques. Après un longue période de faible fréquentation, l’affluence des pèlerins reprend au milieu du XXe siècle avec une institutionnalisation et une reconnaissance du pèlerinage comme itinéraire culturel majeur.
Le pèlerinage au XXIe siècle
De nos jours, le pèlerinage est accompli par environ 300.000 personnes par an. On retrouve là, d’une certaine manière, les chiffres de l’âge d’or du XIIIe siècle même s’il est évident que les motivations et les infrastructures ont pour l’essentiel évoluées. La progression est malgré tout très importante quand nous savons qu’au début des années 1990, moins de 10.000 pèlerins sont recensés par le Bureau d’accueil de Compostelle.
En bref, le gros des pèlerinages s’effectue d’avril à octobre avec un pic au moment des grandes vacances estivales (même si le climat n’est sans doute pas optimal pour une telle aventure). Sur le chemin de Compostelle, à peu près autant d’hommes que de femmes. Certains sont seuls, d’autres en groupes, en famille ou entre amis. Si la plupart sont espagnols, on croise bien souvent aussi des Italiens, des Allemands, des Américains, des Français ou même des Coréens.
Enfin, la plupart des pèlerins réalisent le chemin vers Compostelle à pied même si le vélo réalise une belle percée ces dernières années.
Les différents chemins
Il convient d’emblée de préciser que la plupart des pèlerins ne font pas la route de Compostelle en entier, soit depuis un départ traditionnel du chemin. En effet, un quart de celles et ceux qui tentent l’expédition le font depuis Saria, une ville située à une centaine de kilomètres de Saint-Jacques de Compostelle. Toutefois, les principaux itinéraires restent fréquentés sur des distances plus moins longues.
Le Camino Francés
Il s’agit du chemin de Compostelle le plus fréquenté. Actif depuis le XIe siècle comme nous l’avons vu, il part logiquement de plusieurs villes de France. En effet, le Camino Francés, au sens large se divise entre la Via Turonensis (Paris – Tours – Poitiers – Bordeaux), la Via Lemovicensis (Vézelay – Limoges – Mont de Marsan), la Via Podiensis (Le Puy en Velay - Cahors) et la Via Tolosane (Arles – Toulouse).
Ces quatre routes historiques se rejoignent en Espagne à Puente de la Reina (Navarre) avant de poursuivre le Camino Francés par la Castille (Burgos, Léon) et enfin la Galice après le passage du O Cebreiro.
Le Camino primitivo (chemin primitif)
C’est le premier des chemins historiques. Une partie de celui-ci fut emprunté par le roi Alphonse II lui-même. De nos jours, il part du Pays Basque, passe par Oviedo puis Lugo.
Le Camino del Norte
Plus ou moins parallèle au Camino primitivo, cet itinéraire suit les côtes atlantiques du nord de l’Espagne. Il travers ainsi le Pays Basque, la Cantabrie, les Asturies et enfin la Galice.
La Via de la Plata (ou Route de l’Argent)
Ce chemin cent pour cent espagnol reprend le tracé de l’ancienne voie romaine utilisée notamment pour le transport des métaux des villes méridionales de la province d’Hispania au nord de celle-ci. La Via de la Plata part de nos jours de Séville, passe par Mérida, Caceres, Salamanque et rejoint le Camino Francés au niveau d’Astorga.
L’attirail du pèlerin
La coquille
rès tôt, les pèlerins prirent l’habitude de ramener de leur expédition une coquille qui signifiait que son porteur avait atteint le tombeau de Saint-Jacques. Aujourd’hui symbole incontournable du pèlerinage de Compostelle, la coquille est présente partout sur le chemin.
Le carnet du pèlerin (credencial en espagnol)
Il s’agit du "document d’identité" du pèlerin sur lequel figurent son nom, son prénom, son adresse et son lieu de départ. Le carnet est à retirer auprès du diocèse même si d’autres structures peuvent le fournir. Le pèlerin le fait tamponner dans les auberges, restaurants, églises ou même boulangeries qu’il est amené à croiser au long de son périple. Ainsi, il est à même de prouver au Bureau d’accueil des pèlerins, à Compostelle, qu’il a réalisé le pèlerinage. On peut ainsi y obtenir la Compostela, document rédigé en latin, qui atteste que son titulaire est arrivé dans la ville de Saint-Jacques après avoir parcouru au minimum 100 km.
Un équipement adéquat
Oubliez les sandales et larges manteaux qui garnissent l’imaginaire relatif aux pèlerins de Compostelle. Privilégiez des tenues légères et souples et de très bonnes chaussures de randonnée. La qualité des chaussettes est également déterminante si vous ne souhaitez pas être ralenti par les ampoules dès le deuxième jour. Ne vous chargez pas trop. Même si le sac ne vous paraît pas particulièrement lourd au départ, il le sera au bout de quelques jours.
Une nourriture adaptée
Peut être en contradiction avec le point précédent : prenez de quoi vous nourrir pendant que vous marchez. Fruits secs, barres de céréales, fruits. Et puis, n’ayez crainte, les auberges vous accueilleront au terme de votre marche journalière avec un repas plus que correct. En effet, ces "menus du pèlerin" comportent souvent les spécialités régionales et sont très accessibles autour de dix euros tout compris.