Édition internationale

On a vu « Gourou » en première au TAFFF avec Pierre Niney en coach de vie toxique

The American French Film Festival s’est clôturé, ce lundi 3 novembre, avec la première mondiale du film « Gourou » de Yann Gozlan. Pierre Niney incarne Matt, un coach en développement personnel au succès fulgurant, qui s’enfonce dans une spirale de violence pour tenter de conserver son business lucratif.

GourouGourou
Le film de Yann Gozlan, avec Pierre Niney dans le rôle principal, raconte la descente aux enfers d'un coach en développement personnel. ©
Écrit par Déborah Laurent
Publié le 5 novembre 2025, mis à jour le 7 novembre 2025

 

Le film démarre avec un Pierre Niney enfiévré. Matt est sur scène, entouré de ses disciples qui boivent ses paroles. Avec « Gourou », qui sortira en France le 28 janvier 2026, Yann Gozlan -que nous avons interrogé à la fin de la projection - a voulu mettre le doigt sur « le symptôme de notre société, ce culte de la performance, cette recherche à tout prix du succès ». Il nous montre un coach de vie qui a bâti son succès sur du vide. C’est Pierre Niney qui voulait incarner ce gourou et qui a suggéré l’idée au réalisateur, avec lequel il avait déjà collaboré sur les films « Un homme idéal » en 2015 et « Boîte noire » en 2021. Son personnage n’est « pas totalement cynique », confie Yann Gozlan. « Il pense qu’il fait du bien aux gens. Il est sincère dans son travail. Il croit qu’il est du bon côté.»

Malheureusement, Pierre Niney manque du charisme inhérent à la vocation de son personnage. Le film, qui souffre de longueurs et hésite en permanence entre thriller et analyse sociétale, est articulé autour des performances live du maître en développement personnel et c’est justement là que ça coince : on peine à croire au pouvoir que Matt est censé exercer sur les gens. L’apparition, en fin de film, de son idole américaine, incarnée par Holt McCallany, vu dans « Fight Club », « Mindhunter » et plus récemment dans « Iron Claw », accentue ce sentiment. Holt McCallany est immédiatement à sa place : il prend la lumière, il a de l’aura et une assertivité naturelle qui en imposent. À ses côtés, le coach Matt ne fait pas le poids. 

 

Un sujet terriblement actuel, mais son traitement n'est pas aussi convaincant qu'espéré

 

Si son traitement n’est pas aussi convaincant qu’espéré, le sujet du film est bon et terriblement actuel : il montre comment les coachs en développement personnel qui trouvent leur public sur les réseaux sociaux se font de l’argent sur le dos des faiblesses et du mal-être de leurs disciples. Matt répète des banalités, des phrases mille fois entendues, il est violent dans ses propos, agressif presque dans son injonction au bonheur et les gens, désespérés, pensent qu’on les comprend enfin, qu’ils ont trouvé la solution à leurs problèmes.

 

TAFFF Gourou
François Truffart et Anouchka van Riel présentent Gourou, en clôture du TAFFF, lundi 3 novembre 2025 à la Directors Guild of America. © Agnès Chareton

 

« Il y a une forme de simplisme dans les propos de ces coachs, dans leur enseignement », note Yann Gozlan. « On fait croire qu’il y a une sorte de formule magique qui peut fonctionner pour n'importe qui, qu’importe le passé de la personne et quels que soient les contextes sociaux. C'est là où ça devient une arnaque pour moi, souligne le réalisateur. La vie ne peut pas se résumer à: “Bouge-toi les fesses, Tout est en toi”. C'est nier le déterminisme social. On ne se sort pas de ces choses-là juste par cette injonction à la performance et en se disant : “Tout est en moi, si je peux, je vais y arriver”. C'est faux. Il y a aussi ce truc de faire miroiter le succès à court terme. Ça crée des déceptions monstrueuses et une forme d'addiction au coaching lui-même. »

 

Une société de l'émotion, polarisée à l'outrance

 

Quand Matt doit défendre son activité devant le Sénat, qui envisage d’encadrer la pratique, on constate qu’il n’a aucun argument valable à avancer, aucune preuve que sa méthode est efficace. Dès qu’il sort de son discours bien rôdé et répété sur scène jour après jour, il est perdu. Il parle à ceux qui font la loi comme il parle à ceux qui l’idolâtrent mais ça se retourne contre lui. Son plus grand admirateur le menace, sa copine lui fait de moins en moins confiance, son frère le met face aux dangers de ses activités, son chauffeur lui fait du chantage… Matt perd ses alliés, panique et ment pour garder la face.


« Gourou » parle des sorciers du développement personnel en particulier mais aussi du « phénomène de polarisation » de la société en général, à l’époque des réseaux sociaux, et c'est peut-être là son point fort. Aujourd’hui, « la parole ne sert plus à dire la vérité, ne sert plus à communiquer mais à brutaliser, à créer l'émotion », regrette Yann Gozlan. « On est dans la sidération et la vérité n'existe plus. Le sens des mots n'a plus de valeur. Il faut électriser la foule.» Et si les gens tombent dans le panneau, c’est peut-être parce qu’il y a néanmoins une certaine vérité dans le message véhiculé. « À un moment, dans le film, Matt pousse un homme à démissionner. Il dit que le monde n’est pas fait pour qu’on soit heureux, pour qu’on rencontre l’amour véritable, pour qu’on devienne riche. C’est vrai : la vie ne vous fait pas de cadeau. Dans ces moments où il est extrême, vraiment choquant et violent, il y a malgré tout une forme de justesse dans ses propos.» Une justesse qui manque à l’ensemble du film pour convaincre totalement sur ce sujet sensible.

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