« The Lost Bus », un thriller sur l’incendie le plus meurtrier de Californie

C’est la patte du réalisateur Paul Greengrass : s’emparer de la réalité pour la raconter au cinéma, avec un maximum de tension. On lui doit « United 93⁠⁠⁠ », basé sur l’un des avions détournés du 11 septembre ; « Captain Philipps », sur la prise d’otages d’un bateau par des pirates somaliens et aujourd’hui « The Lost Bus ». Le film revient sur la tragédie du Paradise Fire, cet incendie meurtrier qui a éclaté le 8 novembre 2018 dans la ville de Paradise, au nord de Sacramento. 26 000 personnes ont été forcées d’évacuer, 85 sont mortes, plus de 18 000 bâtiments ont brûlé et parmi eux, les 12 écoles de la ville. 

À l’écran, Matthew McConaughey incarne Kevin McKay, qui travaillait comme chauffeur de bus dans le district scolaire de Paradise lorsque l’incendie a tout ravagé. Alors que les flammes menaçaient à l’horizon, il a accepté d’aller récupérer 22 enfants d’une dizaine d’années à l’école primaire Ponderosa pour les ramener à leurs parents. Le trajet aurait dû être rapide. Il a finalement duré cinq heures et fût apocalyptique. Les enfants doivent leur vie au courage de Kevin McKay.

Piégés au coeur d'une forêt en feu

« Il ne s’est pas levé ce matin-là en pensant qu’il allait faire quelque chose d’héroïque », nous explique Matthew McConaughey. « Si je devais décrire mon personnage, je dirais que c’était un homme qui avait passé toute sa vie à éviter les difficultés et qui était en train de se rendre compte qu’il n’avait rien accompli d’important dans sa vie. » Jusqu’au 8 novembre 2018 et le sauvetage incroyable de ces enfants terrifiés. 

« The Lost Bus » est un thriller prenant. On tremble de bout en bout avec les occupants du bus, qui font face à un adversaire redoutable. Les pompiers sont dépassés par la violence des vents et la rapide propagation des flammes. La scène la plus terrible finalement est celle où il ne se passe rien. Le chauffeur de bus est arrêté au cœur de la forêt en feu. Le véhicule est encerclé par les flammes. Il attend que le vent tourne pour se frayer un chemin dans le brasier. À bord, les enfants se taisent et pleurent en silence. « Peu importe les protocoles que l’humanité peut mettre en place, face à Mère Nature ou aux catastrophes naturelles, nous serons vaincus »,  constate Matthew McConaughey.

Comment Paradise s’est-elle remise du Camp Fire ?

Le film était en montage lorsque le Eaton Fire et le Palisades Fire, qui ont ravagé les communautés d’Altadena et de Pacific Palisades, ont éclaté, en janvier dernier. Alors la question se pose : comment la ville de Paradise s’est-elle remise du Camp Fire ? Avant l’incendie, Paradise comptait 26 000 habitants. En 2020, ils étaient moins de 5000. Aujourd’hui, 12000 personnes sont installées à Paradise. 200 000 arbres ont été abattus au cours des dernières années et les équipements électriques de la Pacific Gas & Electric Company, à l’origine de l’embrasement, ont été enfouis dans le sol. Les travaux sont terminés à 90%.

Mais six ans plus tard, certaines familles vivent encore dans des campings-cars. D’autres ont reconstruit sur leur terrain dévasté : il leur a fallu cinq ans et demi pour pouvoir enfin s’y installer. Les enfants ont particulièrement été impactés par le drame. Et comme si ça ne suffisait pas : alors qu’ils luttaient contre l’anxiété et la dépression, le Covid a frappé. Aujourd’hui encore, le district scolaire Paradise a des taux de réussite scolaire très bas : seuls 11% des élèves de 8th grade atteignent les niveaux requis par l’État de Californie en math, 18% à peine des 6th grade ont un niveau de lecture suffisant. Seulement 13% des élèves gradués du Paradise Unified District remplissent les critères pour être admis à l’université. L’accent a été mis, après l’incendie, sur la santé mentale au détriment de l’algèbre et de la lecture. 

Paradise a encore beaucoup à reconstruire, même si les cicatrices de l’incendie ne sont pas toutes visibles. C’est sûr : le film de Paul Greengrass, malheureusement trop actuel, aura un impact émotionnel fort sur les Californiens. Il est à voir à partir du vendredi 3 octobre sur Apple TV.