C’est l’un des films les plus attendus de la fin de l’année : « Avatar : Fire and Ash » sortira le 19 décembre 2025 dans le monde ( le 17 décembre en France). Un troisième volet époustouflant, que Lepetitjournal.com a découvert ce lundi 1er décembre, lors d’une avant-première flamboyante à Los Angeles. Son réalisateur, James Cameron, nous parle de ce vrai « festin pour les yeux », qui s’aventure plus loin dans la profondeur des émotions, et analyse la manière dont l’IA bouleverse Hollywood.


Pas de garde du corps, pas d’équipe d’attachés de presse américains déchaînés. Il arrive dans la salle de conférence de presse du Four Seasons, à Beverly Hills, tranquillement, un café dans la main. James Cameron plaisante sur l’heure matinale et, en s’avançant vers l’estrade où une chaise et une table l’attendent, s’étonne du sérieux de notre rencontre. Difficile de croire que l’homme de 71 ans qui se tient face à nous est le deuxième réalisateur de films qui a généré les plus importantes recettes au box-office mondial en 2025, après Steven Spielberg.
La veille, « Avatar : Fire and Ash », était présenté en avant-première au Dolby Theater sur Hollywood Boulevard. James Cameron, 45 ans de carrière au compteur, est enthousiaste, passionné, bavard. Il lui tarde que les spectateurs découvrent le troisième volet de sa saga, visuellement et techniquement époustouflante. Rencontre.
Retrouvez notre chronique sur « Avatar : Fire and Ash » dans cet article, le 16 décembre.

Avatar 3 est le plus touchant des trois films. Quelle a été votre inspiration pour cette histoire ?
« Dans le premier film, nous avons établi un monde et une histoire d’amour relativement simples, parce que nos yeux étaient tournés vers tout ce qui nous entourait, vers les nouvelles créatures. Personne n’avait vu ça avant. Je n’avais jamais fait ça auparavant. Dans le deuxième film, on découvrait différentes parties de ce monde, on commençait à rendre l’intrigue plus complexe et à introduire de nouveaux personnages, dont les Tulkun et les Metkayina. Dans le troisième volet, nous passons à un niveau de complexité supérieur, en introduisant le peuple des cendres, mais aussi parce qu’un événement tragique s’est produit dans le deuxième volet : la mort du fils aîné de Jake Sully. Je voulais aborder le traumatisme, la perte, le deuil parce que le cinéma commercial a tendance à gommer tout ça. Habituellement, si une femme meurt dans un film, le mari part dans une folie meurtrière et nous célébrons cette violence pendant les deux heures suivantes. Je ne pense pas que le cinéma commercial traite cela de manière honnête et authentique. J’ai eu beaucoup de pertes dans ma vie personnelle au cours des dix dernières années. Le deuil ne s’arrête pas comme ça. Neytiri, après avoir perdu son fils, commence à vivre dans une sorte de haine, qui la rend raciste. Elle doit se battre pour surmonter ça. Après les fondations des deux premiers films, j’ai pu aller plus loin sur les personnages et leurs émotions.»
Un film Avatar coûte beaucoup d’argent et les gens ne vont plus autant au cinéma qu’avant. La question financière est très présente dans votre travail…
« C’est le modèle économique le plus stupide de l’histoire. On sait que pour réussir, le film doit se retrouver dans le top 10 des plus grands succès au box-office de tous les temps avant même qu’on ait écrit un mot ou tourné quoi que ce soit. On ne peut pas garantir un tel succès. Mais plus on dépense d’argent, plus on crée d’emplois. Et la dernière fois que j’ai vérifié, créer des emplois, c’était une bonne chose. Il y a 3800 noms au générique de ce film. Ça fait 3800 emplois. Alors oui, certains n’étaient pas des emplois continus, mais beaucoup l’étaient. Certaines personnes ont travaillé quatre ans, cinq ans dessus. J’aime créer des emplois, et j’aime que les gens puissent faire un travail artistique qu’ils aiment et être payés pour ça. Maintenant, là où ça devient problématique, c’est qu’on fait ces films pour le cinéma. Je suis peut-être un dinosaure, mais je crois encore à l’expérience du cinéma. Avatar est conçu pour être spectaculaire, visuel, très détaillé, immersif, pour vous transporter quelque part. Tout ça coûte de l’argent. Soit vous construisez de grands décors, comme nous l’avons fait sur Titanic, soit vous faites énormément d’effets visuels pour créer ce monde et ces personnages. Ça coûte cher, mais notre arme secrète, c’est l’émotion et l’humanité dans ces créatures extraterrestres, dans leurs yeux, leurs visages. C’est pour ça que les gens reviennent. Il y a donc cette dynamique : on a gagné beaucoup d’argent avec le premier film, ça nous donne peut-être la permission de recommencer. Mais c’est risqué, parce que les enjeux sont énormes. Les gens se sont habitués à consommer leurs contenus en streaming. S’ils vont au cinéma, ils veulent quelque chose de spécial. Pas juste un film, une expérience. F1, Zootopia, Wicked… Ce sont des films somptueux, riches, des festins pour les yeux. C’est ce que les gens choisissent. Avatar rentre entièrement dans cette catégorie. On dépense beaucoup pour gagner beaucoup. Ça nous oblige à viser l’excellence. Les acteurs donnent tout et toute la chaîne derrière eux fait de même pour honorer leur performance et la vision du film.»
L’intelligence artificielle fait désormais partie de nos vies. Quel est votre point de vue à ce sujet ?
« Il y a deux types d’IA pour moi : la petite et la grande. La grande IA, c’est une super-intelligence artificielle que certains disent imminente, dans quelques années, peut-être dans dix ans. C’est un gros problème pour la civilisation humaine. Ce n’est pas de cela dont nous parlons, d’accord ? Les gens mélangent tout et font des amalgames. « Oh, tu nous as mis en garde contre l’IA avec Terminator. » Oui, la grande IA ! Maintenant, parlons de l’industrie du divertissement, qui est un secteur artistique. Il y a l’IA générative, qui peut utiliser des modèles texte-vers-vidéo, etc., entraînés sur toutes les images que les êtres humains ont jugées dignes d’être archivées dans une base de données. Tout cela sert à entraîner ces modèles et ils peuvent créer des vidéos assez réalistes. Ça ne m’intéresse pas. Je ne pense pas que ce soit une manière de faire des films. Si vous prenez tout ce que tout le monde a déjà fait, et que vous mettez ça dans un mixeur pour obtenir une image nouvelle, inédite… Je ne vois pas comment ça pourrait échapper à la médiocrité. Oui, ça fonctionne et c’est ça qui fait peur. Mais sur les films Avatar, le processus est profondément centré sur les acteurs. Nous célébrons l’acteur. Le moment sacré de création, c’est celui de l’interprétation. En tant que scénaristes, nous habitons nos personnages quand nous créons l’histoire. Mais il arrive un moment où l’on passe le relais : on caste le film, et l’acteur s’empare du personnage, et cela devient sa version unique de ce personnage. L’IA générative ne fait pas ça. N’écrivez pas : “James Cameron déteste l’IA et pense qu’elle va détruire Hollywood ! ” Ce n’est pas vrai.»

Donc vous l’aimez quand même un peu ?
« Les films Avatar et les grands films que j’aime coûtent trop cher. Les coûts augmentent, tandis que les recettes en salles diminuent, et pourraient continuer à diminuer jusqu’à un point de rupture. À ce moment-là, ces films disparaîtront. Peut-être qu’il restera quelques personnes comme moi, Steven Spielberg, Denis Villeneuve, et d’autres ayant un historique solide. Mais comment les jeunes cinéastes pourront-ils émerger et faire de la science-fiction ou de la fantasy à grande échelle ? Ils n’y arriveront pas. Si l’IA générative pouvait être un outil qu’on pourrait maîtriser pour accomplir certaines parties d’un workflow centré sur l’acteur, et si cela réduit les coûts, même modestement, cela pourrait compenser les pertes de revenus que nous subissons depuis le Covid. Je ne peux pas encore vous dire si c’est vrai, car je n’ai pas travaillé avec ces outils. J’ai rejoint le conseil d’administration de Stability AI pour étudier ce domaine : voir comment ils travaillent, comment pensent les développeurs. Mon idée n’est pas de rendre les artistes humains obsolètes, mais d’accélérer notre cadence. J’ai 71 ans. Combien de films Avatar puis-je encore faire si deux films me prennent huit ans ? Ou dix ? Si je peux raccourcir ce délai, ce serait formidable. Nous garderions le même nombre d’artistes, mais ils travailleraient plus vite, plus efficacement. Cela pourrait améliorer notre travail et les finances du cinéma en salles. Mais je ne peux pas vous le garantir aujourd’hui. C’est mon instinct. Et je tiens à préciser : ce n’est qu’un instinct. J’ai eu un instinct au sujet de l’imagerie de synthèse quand j’ai fait “The Abyss” en 1988-89. Nous commencions à expérimenter le numérique. Mon instinct me disait : “C’est l’avenir.” Puis j’ai fait “Terminator 2”. Ensuite, j’ai fondé Digital Domain, le premier grand studio d’effets visuels entièrement numériques. Et j’ai eu raison. J’ai eu raison souvent. Ça ne veut pas dire que j’ai raison cette fois.»
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