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Jack l’Éventreur : légende et fascination autour d’un criminel sans visage

Une ruelle sombre de WhitechapelUne ruelle sombre de Whitechapel
Maël Narpon
Écrit par Maël Narpon
Publié le 13 août 2021, mis à jour le 14 février 2023

L’histoire des meurtres commis par Jack l’Éventreur n’a eu de cesse d’être racontée maintes et maintes fois au fil des années tout en continuant pourtant de captiver les curieux 133 ans plus tard. Le célèbre tueur en série, premier du nom à avoir suscité un tel émoi international, a été élevé au rang de mythe à travers les décennies. Encore aujourd’hui, personne ne l’a oublié, d’autant plus à Londres. Qui pourrait se targuer de ne jamais avoir entendu parler de cet énigmatique personnage ?

 

Le climat qui régnait dans la capitale britannique en 1888

Mettons-nous un instant dans la peau d’une personne vivant à Londres entre août et novembre 1888, période durant laquelle les cinq crimes canoniques ont été perpétrés. La reine Victoria est au pouvoir, l’Angleterre est la première puissance mondiale et Londres la ville la plus peuplée au monde (avec entre quatre et cinq millions d’habitants).

En s’aventurant dans les rues londoniennes, nous pouvons entendre les crieurs distribuant les journaux scander les dernières nouvelles de la capitale britannique. Ce qui avait commencé comme le meurtre inhumain de Mary Ann Nichols, une « simple » prostituée, dans le quartier malfamé de Whitechapel quelques semaines plus tôt devient une affaire qui secoue le pays et répand un vent de terreur à travers la capitale toute entière. Nous apprenons que d’autres meurtres ont été commis suivant le même mode opératoire : les victimes, toutes des prostituées, avaient été égorgées et éventrées d’une façon abominable.

Jour après jour, la presse parle sans interruption de celui qui s’est octroyé le nom de Jack l’Éventreur dans des lettres adressées à certains des plus importants journaux de l’époque. L’Illustrated Police News, un des tout premiers tabloïds, n’hésite pas à grossir le trait pour résumer les faits afin d’écouler plus de tirages. Mais nous sommes en 1888, et le concept même de fake news n’a pas encore vu le jour, il est donc difficile de démêler le vrai du faux.

 

Une couverture de l'Illustrated Police News de l'époque.
Une de l'Illustrated Police News de l'époque.  Photo : Wikimedia Commons. 

 

Dans ce contexte pesant, le doute prédomine. Alors que le total des meurtres atroces commis par l’Éventreur passe à cinq en novembre, nous ne savons pas à qui nous fier et s’aventurer dehors en pleine nuit relève de l’effroi. Certaines personnes prétendent connaître l’identité de Jack l’Éventreur, d’autres affirment être le tueur lui-même. Pour couronner le tout, la police semble impuissante. Selon la presse, les équipes d’investigation n’ont pas le moindre indice menant à l’assassin, quand bien même 2000 personnes ont été interrogées.

De nos jours, imaginer ce que devait être la vie à Londres à l’automne 1888 constitue parmi les seules choses à notre portée. Quand bien même les faits sont maitrisés sur le bout des doigts, beaucoup d’enquêteurs se sont cassé les dents sur cette affaire, et l’identité de l’Éventreur de Whitechapel devrait rester un mystère ad vitam aeternam, à moins que la science puisse apporter la preuve concrète de l’identité du tueur.

C’est d’ailleurs ce qui s’est passé en 2019 lorsque des scientifiques de l’université John Moores de Liverpool ont entrepris une analyse ADN sur un châle qui aurait été trouvé près de la quatrième victime. Les échantillons génétiques correspondraient à la descendance de l’un des principaux suspects de l’époque en la personne d’Aaron Kosminski, un barbier de 23 ans exerçant dans le Londres de 1888. Les autorités n’avaient pas pu l’arrêter à l’époque, faute de preuves.

Cette étude, qui aurait pu clore le débat pour de bon, fait l’objet de vives critiques émanant de la communauté scientifique en raison de la façon dont elle a été menée. D’après cette dernière, les échantillons ont pu être contaminés au fur et à mesure des ans, d’autant que l’origine du châle est incertaine.

 

L'influence de l'histoire sanglante de Jack l'Éventreur sur la culture populaire

Un tel récit n’a pas manqué d’apprivoiser l’imagination de bon nombre d’auteurs depuis, dans des catégories aussi diverses que variées. En 1927, le maître du suspense, Alfred Hitchcock lui-même, s’inspirait de l’affaire dans le film The Lodger (Les cheveux d’or en version française).

L’histoire de Jack l’Éventreur était racontée pour effrayer les enfants dans le début du XXème siècle, la plupart des histoires le dépeignant comme un monstre, voire un croque-mitaine.

Cette série de meurtres et le mystère qui l’entoure ont influencé moult domaines : la littérature, le cinéma, la musique, le théâtre, l’opéra ou même les jeux vidéo. Quand certains des ouvrages qui en ont résulté se veulent fictifs, d’autres clament haut et fort détenir la vérité concernant l’identité du tueur.

Côté fiction, beaucoup ont fantasmé dans la narration de leur histoire la confrontation entre le fin limier Sherlock Holmes, héros des romans de Sir Arthur Conan Doyle, et Jack l’Éventreur. Ce qui est le cas dans le thriller A Study in Terror (Sherlock Holmes contre Jack l’Éventreur dans la version française), sorti en 1965 et réalisé par James Hill. L’animation japonaise, que nous évoquions la semaine dernière, a également eu droit à cet affrontement au cours du film Le Fantôme de Baker Street, 6ème long métrage de l’animé Détective Conan.

Dans un autre registre différent, le livre The five : The Untold Lives of the Women Killed By Jack The Ripper, publié en 2019, retrace l’histoire des cinq femmes dont les meurtres ont pu être officiellement attribués à l’Éventreur, surnommées les Cinq Canoniques. Le tueur aurait continué à sévir jusqu’en 1892 au moins, faisant une douzaine de victimes supplémentaires, mais rien ne permet de l’affirmer.

 

Sur les traces de Jack l’Éventreur

Cet épisode macabre a profondément marqué l’histoire de Londres et continue d’intriguer aujourd’hui, notamment auprès des touristes friands de faits inexpliqués. Ces derniers peuvent être servis car pléthore de visites guidées à Londres incluent dans leurs tours des Terror Walks. Celles-ci consistent à se glisser dans la peau du tueur de Whitechapel en retraçant son parcours supposé et en visitant les lieux où les corps ont été respectivement découverts, tout cela afin de s’immerger pleinement dans le Londres de 1888.

Une plaque parlant de Jack the Ripper à Londres.
Photo : Geograph. 

 

Le plus célèbre de ces tours est certainement le Jack the Ripper Tour, qui a débuté en 1982. Le site web lui-même nous plonge dans l’ambiance : « Pas à pas, dans une atmosphère à vous glacer le sang, vous vous retrouverez dans les rues malfamées de l'East End du XIXème siècle, où chaque coin de rue et chaque pas vous mèneront plus loin dans un mystère sordide qui déroute et terrifie les gens depuis plus de 125 ans. » Envie de sensations fortes ?

 

Jack l'Éventreur se ferait-il prendre en 2021 ?

Une question que beaucoup se sont probablement posée, notamment en raison des progrès scientifiques et de l’évolution des méthodes d’enquête à disposition des autorités. Londres est aujourd’hui au moins deux fois plus peuplée qu’elle ne l’était en 1888, rendant plus difficile pour quelqu’un de passer incognito. Ce qui ne signifie bien sûr pas que tous les crimes sont élucidés de nos jours, mais il est légitime de se demander si, en agissant de la même façon que 133 ans plus tôt, le tueur se serait fait arrêter.

Il y a cinquante ans de ça un autre tueur bien connu, ayant inspiré un film à succès, sévissait à San Francisco : le tueur du Zodiaque. Lui non plus n’a jamais pu être identifié ni arrêté avec des moyens pourtant plus conséquents qu’en 1888. Tant de mystères qui restent entiers.

 

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