Édition internationale

Système ou volonté? Pourquoi les Britanniques n'apprennent-ils pas d'autres langues ?

“Euh… Yes Bonjour ! ” Ce n’est pas un secret, les Britanniques ne sont pas réputés pour leurs capacités lorsqu’il s’agit de langues étrangères. Souvent pointés du doigt pour leur fainéantise, ils traînent la réputation de se reposer sur la domination mondiale de leur propre langue. Paresse, désintérêt ou même mépris des autres langues, qu’en est-il réellement ? “Il y a le risque d’un sentiment de supériorité ou d’un manque de respect envers d'autres cultures” nous explique Mme Earl, professeur de langues au Royaume-Uni.

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Écrit par Ewan Petris
Publié le 22 juin 2025

L’anglais est la langue la plus parlée au monde, et ce n’est pas les quelque 1,35 milliard de personnes qui parlent cette langue dans le monde qui vont nous contredire. À l’heure actuelle, près de 17 % de la population mondiale est capable de communiquer, ne serait-ce que les bases en anglais (ecenglish). Mais cette domination pourrait bien s’atténuer dans les décennies à venir (18% de la population mondiale parlait anglais en 2023). Face à ce défi, comment les Britanniques peuvent-ils démontrer qu’ils ne sont pas "anglo-centriques", comme suggéré par Mme Hanrahan, professeure d’anglais près de Londres ?

 

Une question d’attitude personnelle… ou de système scolaire ?

Et si les Britanniques étaient simplement fainéants en matière de langues étrangères ? C’est une idée largement répandue. Mais cette "paresse" est-elle réellement due à un manque d’intérêt, ou faut-il plutôt blâmer le système éducatif ? Plusieurs enseignants britanniques interrogés remettent en question cette idée reçue. Mme. Earl, Mme. Hanrahan et M. Bergin, tous trois professeurs de langues dans une école au Royaume-Uni, s’accordent sur un point : l’apprentissage des langues est un pont essentiel entre les cultures. Leur absence crée des fractures.
 

"Une grande part de notre identité vient de notre langue", explique M. Bergin, qui souligne l’importance de comprendre les autres pour instaurer un respect mutuel. "Cela peut renforcer un nationalisme excessif, ce qui n’est pas toujours une bonne chose."
Mme. Earl partage cet avis, évoquant même "le risque d’un sentiment de supériorité ou d’un manque de respect envers d'autres cultures".

 

Apprendre langues Royaume-Uni

 

Un système éducatif peu favorable à l’apprentissage linguistique

Le Royaume-Uni suit une voie bien différente de ses voisins européens. En Allemagne ou en Belgique, par exemple, les enfants apprennent une seconde langue dès l’école primaire. En Angleterre, l’apprentissage des langues commence souvent plus tard, parfois uniquement à partir du lycée, si l’élève choisit un "A-level" en langue étrangère (équivalent du baccalauréat). "Le système éducatif n’est pas suffisamment structuré pour enseigner les langues dès le plus jeune âge", déplore Mme Earl, “La négligence commence très tôt."

Mme. Hanrahan ajoute : "On ne peut pas espérer qu’un élève devienne bilingue en commençant une langue au collège. C’est déjà trop tard. Et le fait que peu d’adultes parlent une langue étrangère n’encourage pas non plus les jeunes à s’y mettre."

 

Une vision du monde encore marquée par le passé colonial

La question dépasse donc l’école : elle touche à la culture, à la perception du monde et à l’histoire coloniale du Royaume-Uni :  "C’est un problème systémique car nous partons du principe que tout le monde parle anglais." Une mentalité qui peut nourrir une forme d’arrogance et créer un décalage avec le reste du monde.

 

"Il y a un héritage du colonialisme", reconnaît M. Bergin. "Nous avons longtemps cru que les Anglais étaient supérieurs, et que notre langue deviendrait naturellement indispensable." L’Empire britannique, jadis le plus vaste au monde, a contribué à diffuser l’anglais partout, un pouvoir renforcé après la Première Guerre mondiale. Aujourd’hui encore, l’influence du Royaume-Uni perdure via le Commonwealth, même s’il est limité par d’autres puissances.

 

Une chose est sûre : cette problématique là n’est pas française. La majorité des élèves français commence une langue étrangère dès l’école primaire (anglais en général, puis espagnol ou allemand). L’apprentissage de deux langues vivantes est obligatoire au collège.

 

Cet article a été coécrit par Sophia Wooley


 

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