En 2021, le viol et le meurtre de Sarah Everard par un policier ébranlaient le Royaume-Uni. Un peu plus de deux ans plus tard, la police britannique fait face à un nombre de plaintes d’abus par des officiers qui ne baisse pas.


Selon la BBC et son journaliste d’investigation Noel Titheradge, les forces de police du Royaume-Uni ne prendraient pas en compte les plaintes de femmes déclarant avoir été sexuellement abusées par des officiers. Les données récoltées par le média britannique font état d’enquêtes bâclées et de preuves supprimées. En l’espace de 5 ans, et sur 536 allégations d’agression, seuls 24 policiers ont été inculpés. Des chiffres qui pourraient s’avérer bien supérieurs, certains services n’ayant pu fournir de données antérieures à 2020. Les démarches judiciaires enclenchées par les victimes ont donc très peu de chance d’aboutir. Le ministère de l’Intérieur britannique assure cependant prendre des mesures pour débarrasser la police des prédateurs sexuels.
Des victimes démunis face aux agissements de la police britannique
L’enquête menée par la BBC a révélé plusieurs faits inquiétants, notamment après les interviews d’anciens officiers de police et de victimes, la fuite de certains documents et les réponses à des demandes de liberté d’information. Elle s’est étendue à 32 forces de police concernées par des allégations d’abus à des fins sexuelles à travers tous les pays du Royaume-Uni. Plusieurs preuves précises viennent mettre en exergue des cas concrets d’abus de pouvoir par des officiers, dont un concernant des policiers ayant respectivement fait l’objet de vingt allégations et neuf allégations distinctes, sans conséquences. De nombreux cas de suppressions de preuves filmés de viols sont également à relever. Il ne s’agit là que d’exemples parmi la masse.
Plus encore que les crimes commis à leur encontre, c’est surtout l’impuissance des victimes à faire reconnaître ces agressions qui soulève des interrogations et inquiète. Pour la baronne Louise Casey, qui a mené une enquête sur la Met Police, « il est effarant de constater que des allégations sexuelles très graves formulées à l'encontre d'officiers de police se poursuivent pendant des années ». « Les policiers se croient intouchables et, franchement, ils le sont. C'est ce qui est si terrifiant », ajoute cette fonctionnaire du gouvernement britannique travaillant dans le domaine de la protection sociale.
Sarah Everard : le féminicide qui ébranle le Royaume-Uni
« Les plaintes devraient être transmises à une autre force de police et ne pas être traitées en interne »
La baronne Casey n’est pas la seule à trouver les mesures prises insuffisantes. Est notamment pointé du doigt le fait que le traitement des plaintes soit souvent opéré par la force de police d’où est issu l’agent mis en cause. Pour Vera Baird, ancienne commissaire aux victimes et ancienne avocate générale, « les plaintes devraient être transmises à une autre force de police et ne pas être traitées en interne ». Tous les services de police disposent de leur organe de contrôle en interne dans les cas d’abus émanant d’officiers, mais il arrive que l’Office indépendant de déontologie policière (ou IOPC, Independent Office for Police Conduct) se charge de ces enquêtes. Ce dernier, malgré cette mission de supervision du système de plaintes contre la police, déclare cependant que c’est aux forces de police d’agir en conséquence lorsqu’un abus de position est constaté.
Des changements dans le processus de sélection des officiers et dans le traitement des abus au Royaume-Uni
Pour lutter contre la présence de prédateurs sexuels dans ses rangs, la police britannique et le ministère de l’Intérieur entendent effectuer des modifications qu’ils espèrent voir porter leurs fruits. Le processus de sélection des officiers est notamment visé et le ministère de l’Intérieur aurait déjà mis en place des mesures pour empêcher ces prédateurs d’entrer dans la police, selon Chris Philip, ministre d'État chargé du Crime, de la Police et des Incendies. Il assure que la refonte de la procédure actuelle de licenciement des policiers est déjà à l’étude et prône une tolérance zéro à l’égard actes criminels commis par des officiers de police.
Il souligne qu’un examen récent effectué par l’organisme de surveillance His Majesty's Inspectorate of Constabulary and Fire & Rescue Services avait relevé des progrès concernant la vérification des antécédents dans la police. Cependant, ce même organisme avait constaté en novembre 2022 tous les problèmes qui collent à l’ensemble de la police britannique : « Dans de trop nombreux endroits, une culture de misogynie, de sexisme et de comportement prédateur à l'égard des membres du public et des femmes officiers de police et membres du personnel existe toujours. »
