

Classé 424e fortune de France en 2012 par le magazine Challenges avec 70 millions d'euros, Yannick Pons est un modèle de Self-Made Man. Discret, cet entrepreneur du web installé à Londres est à la tête du groupe W3 Inc. qui détient notamment Vivastreet et EasyRoommate. Portrait

À l'origine de cet "empire", un Français de 55 ans : Yannick Pons. Entre Un avion pour New York, un week-end à Paris et un meeting à Buenos Aires, il nous accorde une pause dans ses bureaux de Piccadily Circus. Le temps de découvrir un parcours hors du commun et une vision du business originale.
"Je ne savais pas très bien ce que je faisais"
Si aujourd'hui la réussite de l'entrepreneur peut paraitre insolente, tout n'a pas toujours été aussi simple. 30 ans en arrière, à la sortie de l'école supérieure de commerce de Rouen, Yannick traverse une première fois l'océan Atlantique pour aider à monter la filiale de Pain Jacquet aux États-Unis. "Pour être honnête, je ne savais pas très bien ce que je faisais…" avoue-t-il sans gène. Les débuts sont d'ailleurs difficiles. "Un Américain dirigeait et n'aimait pas vraiment le petit Français…". Un mal pour un bien. Yannick est chez les distributeurs, il met en rayon les produits. Le terrain lui permet d'être en contact avec la réalité et de discuter avec les vendeurs. "Nous étions à l'époque dans une vingtaine de magasins et parmi nos produits nous avions un équivalent de la biscotte. L'Américain s'escrimait à essayer de le vendre dans le rayon "crackers" à côté des géants américains. C'était comme se battre avec Coca et Pepsi…" se souvient-il. La filiale américaine tarde à démarrer et le grand patron en France perd patience. Il appelle Yannick et lui demande de prendre le relais. Sa connaissance du terrain fait immédiatement la différence. Alors que les supermarchés américains commencent à importer du brie et d'autres produits français, ce dernier tente un coup. "Je suis allé voir les responsables du rayon fromage et les ai convaincus d'y installer mon cracker avec une marge de 30% au lieu des 10% habituels. J'étais le seul", s'amuse encore le Français. En quelques semaines, la biscotte pain Jacquet devient LE cracker du rayon fromage et les ventes explosent. Les acheteurs se précipitent et Yannick écoule des millions de crackers…De 10 personnes à son arrivée, la filiale en compte 300 cinq ans après. C'est le premier coup de génie de l'entrepreneur.
L'égo gonflé, il ne supporte plus très bien l'attitude d'un patron à l'ancienne, très patriarcal "qui s'attribue la réussite des autres". " Grâce à lui, j'ai eu la chance d'apprendre tout ce qu'il ne fallait pas faire. Les bonnes idées étaient toujours les siennes et il voulait décider de tout même en étant à 10 000 km des États-Unis. Résultat : les gens avançaient peu car ils savaient que tout le mérite allait lui revenir", se souvient Yannick. Ce dernier décide donc de voler de ses propres ailes. C'est le point de départ de son aventure entrepreneuriale.
"Je me suis pris pour un grand businessman"
"Après le coup réussi avec les crackers, je me suis pris pour un grand businessman…", se remémore avec ironie l'entrepreneur. Le Français décide de monter Eye Care, une boite de cosmétique pour les gens qui portent des lentilles de contact, sur le même modèle. Au lieu de vendre ses produits dans les supermarchés aux côtés des grandes marques, il les installera directement chez les opticiens. Mais la recette ne fonctionne plus. Il a suffit à la concurrence d'écrire sur leurs produits "bon pour les porteurs de lentilles" pour que Eye Care n'ait plus de raison d'être. "J'ai mis 5 ans pour perdre tout ce que j'avais gagné et me rendre compte que je n'étais pas si extraordinaire que ça…". Première tentative et première claque.
"Nous étions les premiers…"
Après cet échec, Yannick décide de rentrer en France et de monter une agence de location d'appartements. L'expérience hexagonale est de courte durée : "Je me suis retrouvé face à une administration à laquelle je n'avais pas du tout été habitué au USA. Ça m'a plombé la vie et je suis reparti faire la même chose là-bas". 1995 sera donc l'année de son retour aux États-Unis. Il monte 5 agences Easyrent. Les affaires marchent mais l'entrepreneur s'ennuie rapidement et s'intéresse de près au buzz incroyable qui se développe autour de l'internet. Nous sommes en 1997 et Yannick a l'idée de lancer Easyroommate. "Nous étions les premiers à le faire donc tous les gens qui pouvaient nous canaliser le trafic étaient avec nous", explique le businessman. À cette époque, Google n'existe pas. Il suffit donc de faire de la pub dans les journaux ou d'être visible sur les sites immobiliers des journaux qui commencent à se créer. L'affaire est belle. Yannick revend ses agences Easyrent à ses anciens employés pour se concentrer sur son nouveau bijou. Mais deux ans plus tard, la concurrence se réveille et lève de l'argent. Suffisamment pour sortir Easyroommate du marché…Un processus auquel Yannick n'a jamais voulu recourir : "C'est un choix lié à ma personnalité. Quand j'ai démarré en 1995, je suis parti de rien. Pour moi, les seuls projets valables sont les projets rentables. À chaque fois que j'ai rencontré des investisseurs, je n'ai pas très bien compris leur fonctionnement. La seule chose qui les intéressait était de développer le produit et ils se moquaient complètement de la rentabilité. Ce n'est pas intéressant pour l'entrepreneur. Comme tu es en situation de perte d'argent permanente, tu lèves des fonds tout le temps et tu te dilues…Tu te retrouves rapidement en position de faiblesse par rapport à tes investisseurs. C'est pour cela que j'ai toujours refusé".
À la conquête du Vieux continent
Fidèle à son idée, Yannick ne peut pas rester aux États-Unis. Ceux qui ont levé des fonds lui ont pris ses apporteurs de trafic. Il faut donc trouver une porte de sortie. Elle s'appellera Europe. Depuis New York, Easyroommate commence à conquérir le vieux continent. "C'était assez novateur à l'époque de ne pas être physiquement installé dans le pays où est ton activité. Nous avions autour de la table un Anglais, un Français, un Italien, un Espagnol et chacun s'occupait à distance de son marché", se remémore Yannick. C'est ainsi qu' Easyroommate a pu être lancé dans 10 pays depuis un seul bureau situé à Union Square et rester rentable.

Impliquer ses salariés
Aujourd'hui, 30 personnes sont toujours dans les bureaux de New-York et 90 travaillent à Londres. Vivastreet et Easyroomate n'ont cessé de grandir. Certains stagiaires de l'époque sont restés. Karim, par exemple, qui a démarré l'aventure dans la "maison-bureau", est devenu directeur général. Comme quelques autres qui sont dans l'aventure depuis le début, celui-ci a reçu des parts de la société. Aujourd'hui, 15% du capital de l'entreprise a été distribué à des employés. Une façon pour Yannick de "les impliquer dans l'entreprise". "Plutôt que de lever de l’argent et d’avoir des investisseurs peu intéressés par le projet, sans attache avec l’entreprise, je préfère avoir des salariés. Nous avons un taux de croissance du chiffre d’affaire compris entre 20 et 30% par an. C’est plus réduit que ce que l’on pourrait faire mais c’est super solide et sans aucune dette", se réjouit l'entrepreneur.
"Leur développement personnel profite à l'entreprise" 
Aujourd'hui, son rôle au sein du groupe a beaucoup changé. S'il conserve une vision stratégique de l'entreprise, il cherche surtout à "responsabiliser" les gens qui l'entourent. "Je lance un projet mais ensuite mon job consiste à trouver les gens qui sont capables de me remplacer. Je me met donc en permanence dans une situation où je dois me réinventer", explique l'intéressé qui fait tout pour éviter les erreurs qu'il a vu faire par son premier patron. "Je garde le contrôle donc je peux prendre des décisions rapidement mais j’essaie de donner des responsabilités. C’est un élément de vie que j’essaie de faire passer. Si tu respectes les gens il faut leur donner du crédit dans les décisions, les responsabilités mais aussi financièrement. J’ai tout à gagner à ce que les gens soient heureux. Ils sont plus productifs et plus investis. Leur développement personnel profite à l’entreprise". Une doctrine qu'il applique jusqu'à aider ses salariés à se lancer dans l'aventure entrepreneuriale. "Dans le business internet, les gens ont souvent envie de monter leur propre start-up. J'ai donc mis en place un système que j'ai testé avec un employé. Je le connais, son projet me plait et j'ai donc décidé d'investir pour l'aider à se lancer. Il n'y a pas besoin de conflit. Ce qui m'intéresse, c'est qu'il se développe. Au sein de l'entreprise ou ailleurs…".
Celui qui n'a jamais voulu entendre parler d'investisseurs deviendrait-il un "business angel" ?

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