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FRENCH IN BRUM - Robin, 32 ans "Birmingham, c'est pas aussi naze que ça en a l'air"

Écrit par Lepetitjournal Londres
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 21 janvier 2013

Ils sont 3.000, peut-être 4.000. Les Français de Birmingham sont tout l'opposé des Français de Londres. Ils n'ont pas d'Alliance Française, pas de lycée français, ne vivent pas vraiment en communauté ou dans un quartier spécifique. Pourtant, ils sont là, un peu partout. A travers les portraits dressés par Elise Comarteau, journaliste française installée à "Brum", des parcours de vie se dévoilent.

(Crédit : Elise Comarteau)

Dans un petite pièce contiguë à sa cuisine, Robin est concentré devant son ordinateur. De temps en temps, un mélange de rap, de reggae et de techno emplit son appartement. Il y ajoute des nouveaux sons, puis relance sa machine.

Il faut dire que sa maison, située entre Moseley et Balsall Hill, lui sert de bureau et de studio. Il est ingénieur du son. Il enregistre des concerts, mixe des sons, et produit les différents supports d'écoute. C'est un vrai passionné de musique et sa coloc' a l'habitude de voir passer des groupes ou des potes venus écouter un nouveau morceau ou chercher des CDs. Tout ce petit monde se retrouve facilement autour d'un café pour discuter des dernières soirées et refaire un peu le monde.

Il y a une quinzaine d'années, un futur bachelier de lycée international en France décide de faire ses études d'ingénieur en Angleterre. "Aller à Paris ça aurait été moins amusant ! Avec le travail de mon père, j'avais déjà habité à Inverness et à Londres quand j'étais petit. Je voulais aller à Bristol ou à Bath, là où sont les bonnes écoles d'électronique... mais ils m'ont imposé d'avoir des bonnes notes au bac pour venir..." Evidemment, Robin n'obtient les résultats escomptés. "Pendant l'été, une revue publie les places qu'il reste dans les écoles. J'ai appelé tout le monde, les seuls qui ont bien voulu de moi c'était Birmingham !"

Un peu avant la rentrée scolaire, le garçon de tout juste 18 ans débarque dans la ville. Quand il y repense, il ne mâche pas ses mots. "J'étais un peu dégouté. Dans le train depuis l'aéroport, tout ce que tu vois par la fenêtre c'est des vieux entrepôts désaffectés. Sans parler de la grisaille et de la pluie... c'était pas très gai..."

Comme tout s'est fait un peu à la dernière minute, il ne pense pas pouvoir avoir de place dans les résidences universitaires. Il s'installe donc dans une grande colocation avec des étudiants en Erasmus. "Quelques jours avant la rentrée universitaire, y'avait une semaine d'intégration pour les élèves internationaux, je me suis fais pleins de potes. Et bim, je m'installe dans une maison avec que des Français ! Un peu dommage ... Bon, je parlais déjà bien anglais. Mais du coup, je m'intègre pas tellement dans mon école. En fait, j'étais pas encore vraiment à Birmingham." A la fin de l'année, les frenchies repartent tous et Robin se retrouve tout seul, il lui reste 3 ans d'études à faire. L'étudiant déménage. "Je m'installe avec un mec qui s'était fait des potes dans l'école. On était tout près de là où je vis aujourd'hui : à Balsall Hill. On habitait à une petite dizaine de colocs et notre maison devient peu à peu "légendaire". Pendant 6 ou 7 ans, on fait pleins de teufs, des House Party. On met de la musique underground comme les voisins, et les gens vont et viennent entre les maisons. C'était super branché" C'est à cette période de la vie que Robin se rend compte qu'il y a pleins de choses à faire dans la ville. Il dit habiter le meilleur quartier. Moseley qui touche Balsall Hill est le coin où "débarquent tous les travellers. Il y a une histoire de croisement des lignes de la terre ou un truc comme ça  je crois ! A cet endroit précis ! Du coup, les hippies s'y retrouvent. Tous ces gens écoutent du bon son, sont ouverts. OK, ça devient un peu posh aujourd'hui mais ça reste très alternatifs."

De manière générale, sa vision change sur Birmingham. "C'est pas aussi naze que ça en a l'air. Souvent je rencontre des Français qui sont ici pendant quelques mois pour leur boulot. Ils se retrouvent dans le centre ville, dans un vieil hôtel, et le soir ils vont sur Broadstreet parce qu'on leur a dit que c'est là où étaient les bars. C'est tellement glauque. Là ils boivent, tombent par terre et se bagarrent. C'est con, quand on connait un peu, qu'on découvre les quartiers, y'a tellement de trucs à voir et à faire. Et quelque soit ton délire. Y'a toutes les musiques, tous les styles." Robin me raconte l'anecdote typique des Français vivant à Birmingham. "A chaque fois que je rentre en France, ma famille me dit "Alors ? Londres, ça se passe bien ?" Les gens ne connaissent pas la 2ème ville de ce pays, c'est pour ça qu'il y a une certaine frustration de la part des habitants." Dans son boulot, du coup, c'est parfois difficile d'être ici. "Par exemple, quand j'organise des soirées, c'est dur de faire venir les artistes de la capitale. Et inversement, dès que les chanteurs commencent à avoir un peu de succès, ils se cassent... Du coup on a l'impression que y'a pas grand chose, mais en fait c'est l'origine de tout !" Retourner en France pour faire son boulot, l'ingénieur de son n'y pense même pas. "T'es fou. La France c'est encore pire, pas de soirées, pas de musique, pas de profit possible, que de la paperasse..." Pour son avenir, il est clair "J'ai pas envie de mourir ici malgré tout, j'irai bien quand je serai vieux au soleil, en Espagne, au Portugal ou dans le Sud de la France." Robin ne vote pas, ni en France ni ailleurs. Il garde quand même un oeil sur la politique française, mais à sa façon à lui. "Je regarde le Petit Journal de Canal Plus sur internet. C'est génial." 

Un jour, il a vu une conseillère d'orientation en France qui lui a fait comprendre qu'on ne pouvait pas vraiment vivre avec le salaire d'un ingénieur du son, qu'il valait mieux être  ingénieur en électronique. Mais après son école à Birmingham, il a quand même fait un master pour travailler dans la musique. "Je me suis rendu compte ici que je préfère moins gagner d'argent mais faire ce que j'aime faire. Mon mode de vie est cool. Je n'ai pas encore de gamins, on verra bien..." Robin se retourne vers son écran et continue à mixer son morceau. "Mon job, c'est de la débrouillardise mais c'est sérieux quand même".

(www.lepetitjournal.com/londres) lundi 21 janvier 2013

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Présentation de l'auteure : 

Journaliste de 28 ans, je suis arrivée dans cette ville un peu comme tout le monde, par hasard. 

Oh rien de très original, j'ai suivi mon mari pour son travail.

Après Sciences Po à Lille et un Mastère Médias à l'ESCP, j'ai travaillé à Public Sénat, LCI et France Bleu.

En France, j'ai laissé mes piges, ma famille, mes amis? mais pas mon besoin d'interviews, de rencontres, de contacts avec les gens.

Touchée et émue par mes compatriotes en manque de reconnaissance dans cette ville, j'ai décidé de les présenter pour les faire "un peu" exister.

C'est ainsi qu'est né le projet "French in Brum"

Retrouvez en intégralité mes entretiens sur le blog http://frenchinbrum.wordpress.com

Pour quelques quelques photos insolites de la ville RDV aussi sur http://birmstreet.wordpress.com/

N'hésitez pas à me contacter, et bonne lecture à tous.

 

 
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Publié le 21 janvier 2013, mis à jour le 21 janvier 2013
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