Des entreprises et associations caritatives risquent d'être expulsées de leur site pour les fêtes de fin d'année, en représailles de leur action de lobbying contre un projet de réaménagement controversé, soutenu par une organisation caritative multimilliardaire.
Un cadeau empoisonné pour Noël. Dans une affaire plus que controversée ; des associations caritatives et petites entreprises, dont Act’in Theatre, une compagnie de théâtre dirigée par une Française installée à Londres, se trouvent sous la menace imminente d'expulsion de leur lieu de travail, et ce, en pleine période de fin d’année. Cette situation découle de leur implication dans des actions de lobbying auprès du secrétaire d'État anglais, Michael Gove, contre un projet de réaménagement contesté d'un complexe de bureaux d'une superficie de 1,4 million de mètres carrés.
Candice Desmet : “Act’in Theatre permet d’ouvrir la scène pour tous”
Une manoeuvre orchestrée par la Guy’s and St Thomas’s fondation
La Guy's and St Thomas' Foundation, une organisation caritative valant un milliard de livres sterling, est au cœur de la controverse. Malgré l'absence d'autorisation pour le réaménagement, elle a refusé de renouveler les baux d'Old Paradise Yard, site situé à proximité de la gare de Waterloo qui abrite des entreprises locales et des associations caritatives, dont Act’in. Au lieu de respecter les engagements antérieurs qui promettaient aux entreprises de rester jusqu'au début des travaux de démolition, la Fondation a pris une décision brutale en imposant des expulsions d'urgence et de dernière minute, avec des avis d'expulsion qui doivent être signifiés dès la semaine prochaine.
La Fondation avait auparavant assuré aux locataires qu'ils pourraient rester sur le site jusqu'à la concrétisation des plans de réaménagement, et avait par ailleurs promis de procéder à un grand nombre de consultations. Ces promesses n'ont pas été respectées, provoquant la colère des résidents et des locataires.
Une situation qui suscite de vives réactions à l’échelle nationale
La situation a attiré l'attention du public grâce à la campagne "Save Waterloo Paradise," qui a recueilli près de 50.000 signatures et a obtenu le soutien d'organisations du patrimoine mondial. En août 2023, Michael Gove a réagi à cette pression en émettant une directive au titre de l'article 31 pour suspendre temporairement les projets d'aménagement, en attendant de décider s'il convient d'organiser une enquête publique complète.
Si une telle enquête est lancée, il faudra probablement attendre encore environ 18 mois pour connaître son issue. Parmi les locataires d'Old Paradise Yard menacés d'expulsion nous comptons aussi l'organisation caritative pour enfants Child Rights International Network ; un lieu de regroupement musical et plus de 20 autres entreprises et organisations. Ensemble, ces locataires proposent environ 2000 représentations, événements et ateliers pour la communauté. Il va sans dire que les expulsions imminentes, avec un préavis minimal, laissent craindre la fermeture définitive de certaines entreprises et associations caritatives.
"Ce bannissement est déraisonnable et inadmissible. Est-ce cela la définition de la charité ? Non, c'est la définition de l'abus de pouvoir"
Les entreprises comptent maintenant sur le soutien des localités
Candice Desmet, directrice d'Act'In Theatre, a exprimé son indignation face à la situation : "Old Paradise Yard est un lieu unique. Je suis punie d'expulsion pour avoir osé m'opposer à leur projet de plusieurs milliards de livres. Ce bannissement est déraisonnable et inadmissible. Est-ce cela la définition de la charité ? Non, c'est la définition de l'abus de pouvoir."
Les entreprises et associations d'Old Paradise Yard comptent sur le soutien du conseil municipal de Lambeth et de Sadiq Khan, maire de Londres, pour préserver leur avenir. Les objections au réaménagement ne sont pas limitées aux locataires et aux résidents. Des organisations patrimoniales respectées telles que l'UNESCO, l'ICOMOS, Historic England, le London Historic Parks & Gardens Trust, la Twentieth Century Society, et SAVE Britain's Heritage, ainsi que la baronne Hoey de Lyle Hill et Rathlin, ancienne députée de la région, ont vivement critiqué le projet.
Le nouveau plan prévoit la construction de cinq immeubles de grande hauteur, dans le cadre du plus grand projet de construction de bureaux jamais réalisé à Lambeth. Certains de ces bâtiments seraient si imposants qu'ils seraient visibles depuis l'autre côté de la Tamise, y compris depuis Parliament Square, un site classé au patrimoine mondial.
Manifestation prévue pour le 2 novembre 2023 : Une manifestation est prévue ce jeudi 2 novembre devant les bureaux de la Guy's and St Thomas' Foundation. |