Correspondant à Londres pour Radio France et l'hebdomadaire Marianne de 1999 à 2011, Christian Roudaut connaît parfaitement la société anglaise. Il est l'auteur d'un livre sur le sujet Ils sont fous ces Anglais (Edition du Moment) publié en juin dernier. Il participera, avec d'autres auteurs, à la soirée France-Angleterre le 17 octobre à La Cave à Fromage (South Kensington)
Lepetitjournal.com - Comment est né ce projet d'écrire un livre sur les extravagances des Anglais ?
Christian Roudaut - Ce livre est un peu le fruit de 12 ans de vie en Angleterre. Ma vie de correspondant de presse m'a amené à observer d'assez près la société britannique, grande pourvoyeuse d'excentricités; des bookmakers aux défenseurs extrémistes de la cause animale, en passant par leur passion pour la Reine.
Pourquoi s'être inspiré d'une célèbre phrase de la BD Astérix pour le titre de ce livre ?
En fait, le livre s'inscrit dans une collection « Ils sont fous ces? ». Je n'ai donc en réalité pas vraiment eu le choix pour le titre de mon ouvrage. D'ailleurs j'étais au départ un peu sceptique sur ce titre, je voulais éviter les raccourcis sur les Anglais, même si leur excentricité n'est pas du tout un cliché. Au final, je pense avoir réussi à écrire de manière subtile sur ce peuple et sur certaines de ses facettes peu connues des Français.
Pouvez-vous nous raconter une anecdote marquante sur leur excentricité ?
Il y a une histoire qui a particulièrement retenue mon attention, celle d'un homme, aujourd'hui décédé, qui a manifesté 10 ans à Green Park contre les guerres dans le monde. Il était là 24 heures sur 24 et injuriait le Premier ministre de l'époque, Tony Blair, à chaque fois que celui-ci rentrait à Downing Street. Mais jamais la police ne l'a interpellé. Je crois que cela illustre parfaitement l'excentricité mais surtout la large liberté d'expression des Anglais. Je n'imagine pas les autorités françaises aussi souples pour un cas comme celui-là.
Vous évoquez beaucoup l'humour britannique dans votre livre, comment se caractérise t-il vraiment ?
L'humour est un trait de caractère profondément ancré dans le patrimoine génétique des Anglais. Ils ont notamment une très forte autodérision. Je me souviens de Tony Blair qui plusieurs fois lors de situations difficiles s'en sortait par cette autodérision. En comparaison je crois que les Français sont plus moqueurs.
Pourtant, les Tabloïds, qui font l'objet d'un chapitre dans votre ouvrage, font souvent preuve d'un humour très dur?
Oui c'est l'un des nombreux paradoxes outre-Manche. L'humour des Tabloïds est nauséabond, souvent proche de la xénophobie. Pourtant les Anglais en sont très friands. Mais ce n'est pas le seul grand écart auquel ils se livrent. Ici, il n'est pas obligatoire d'avoir une carte d'identité ou un passeport, mais les caméras de surveillance sont omniprésentes. Définitivement, ce n'est pas un peuple facile à enfermer dans une seule case (rire).
Vous consacrez aussi un chapitre aux m?urs débridées de la jeunesse anglaise, notamment la pratique du binge-drinking. La nouvelle génération se différencie t-elle de ses aînés pour cela ?
Je n'ai pas le sentiment que la société anglaise change de ce point de vue. A partir du vendredi soir, les centres villes se transforment en champ de bataille et cela n'a rien de nouveau. C'est un problème très profond dans la société anglaise. Et si les hommes politiques dénoncent ce fléau, il y a une forte hypocrisie. Par exemple, les publicités pour l'alcool sont autorisées à la TV lors des heures de grande écoute. Mais sur le terrain, la police réagit parfois avec humour. En Cornouailles, des sucettes sont distribuées à la sortie des boites de nuit car les sucres rapides font diminuer l'alcool dans le sang. Des flip-flops sont aussi données aux jeunes femmes pour qu'elles évitent de se blesser en marchant pied-nus, lorsqu'elles retirent leurs talons.
Comment les Français qui viennent s'installer au Royaume-Uni s'adaptent-ils à la culture locale ?
Je crois que pour réussir à s'imprégner de la culture anglaise il faut rester un certain nombre d'années ici. A leur arrivée, les jeunes expatriés sont d'ailleurs assez souvent critique envers la culture anglaise. Ils sont dans la comparaison permanente avec le modèle français. Puis dans un second temps, l'esprit s'ouvre. Quand je suis arrivé à Londres, j'étais irrité par la passivité des Anglais. J'ai compris après, que leur patience était une grande qualité, comme leur optimisme. Après, chacun vit son expatriation à sa manière. Je connais beaucoup de Français qui sont vraiment immergés. Mais il est intéressant de voir que l'expatriation de nos compatriotes en Angleterre est souvent liée à des raisons pragmatiques, comme apprendre la langue pour les jeunes, ou trouver un travail. Alors que dans le sens inverse, les Anglais immigrent souvent en France pour jouir de la vie.
Propos recueillis par Camille Belsoeur (www.lepetitjournal.com/londres) mardi 2 octobre 2012
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