Georgina Wright : “L’Union européenne actuelle est très différente de celle de 2016”

Directrice du programme Europe de l’Institut Montaigne, Georgina Wright travaille sur l’Union européenne depuis plus de dix ans. À l’occasion du débat “A More Cordial Entente?” de la Nuit des idées de l’Institut français à Londres, la chercheuse analyse les défis post-Brexit auxquels la relation franco-britannique fait face, mais aussi l’Union européenne tout entière. 

Après le Brexit, quelle relation avec le Royaume-Uni pour la France et l’Union européenne ? Avec clarté et nuance, Georgina Wright replace au cœur du débat la relation franco-britannique et dresse un tableau précis des enjeux pour l’Union européenne dans la dynamique géopolitique actuelle.  

La relation bilatérale avec le Royaume-Uni semble parfois délaissée au profit de la relation franco-allemande. Est-elle devenue secondaire depuis le Brexit ?

La relation franco-britannique est importante pour la France, car le Royaume-Uni est avec la France la plus grande puissance militaire et nucléaire d’Europe. Les deux pays entretiennent une histoire commune de longue date, faite de rivalité et de coopération. 

Il est cependant vrai que la France investit, actuellement, sans doute davantage de temps et d’énergie dans la relation avec l’Allemagne et les États-Unis. Au vu du contexte géopolitique, leur soutien est essentiel pour la France. L’Allemagne fait partie des deux plus grands pays de l'Union européenne et appartient au même marché que la France. Les États-Unis, eux, jouent un rôle très important dans la sécurité européenne et la sécurité mondiale. 

À quoi ressemble l'Union européenne sans le Royaume-Uni? 

L’Union européenne d’aujourd’hui est très différente de celle de 2016, mais ce n'est pas seulement à cause du Brexit. La pandémie a également joué un rôle important. Elle a donné lieu à la négociation de vaccins pour toute l'UE, là où chaque gouvernement négociait individuellement auparavant. Les 26 ont aussi manifesté leur volonté de relancer l'économie européenne, en réalisant un grand emprunt sur le marché financier avec le programme “Next generation EU”. Sur ces deux points, je ne sais pas si cela se serait produit de la même manière si le Royaume-Uni avait fait partie de l’Union Européenne. 

Au-delà du Brexit, le contexte géopolitique joue un rôle majeur dans cette évolution de l’UE. La guerre en Ukraine a induit le besoin pour l’Europe de réduire sa dépendance sur les carburants fossiles russes. Elle doit aussi se positionner face aux États-Unis qui ont décidé de mettre leur préférence nationale au cœur de leur politique industrielle, pour aider leurs propres industries. On constate que l’Union européenne fait en ce moment beaucoup plus sur le versant industriel, ce qui semblait inconcevable il y a quelques années. 

L’Union européenne est-elle plus forte ou plus faible maintenant, sans le Royaume-Uni? 

Je crois que cela dépend à qui on pose la question. Je dirais qu'elle est surtout différente. Pour un grand nombre de décisions, dont le plan massif pour relancer l'économie européenne, cela aurait été franchement impossible avec le Royaume-Uni dans l’UE. 

D’un autre côté, pour des sujets tels que sur la politique de la Chine ou même en politique de défense avec l’Ukraine, l'Union européenne aurait sûrement été plus forte avec le Royaume-Uni autour de la table. 

Selon un sondage de The Independent, 2 Britanniques sur 3 souhaiteraient participer à un nouveau référendum. Est-ce qu'un retour du Royaume-Uni dans l’Union européenne est un scénario plausible selon vous ? 

Ce n’est pas un scénario envisageable pour le moment, dans la mesure où le Royaume-Uni cherche à avancer, et qu’aucun des deux partis majoritaires du pays ne le soutient. Cela arrivera un jour peut-être, mais dans tous les cas, la route pour rejoindre l'UE est difficile.

Que peut-on souhaiter pour le futur de la relation franco britannique? 

Je suis assez positive sur l’avenir de la relation franco-britannique. La partie difficile du Brexit semble dépassée, ce qui va permettre un rapprochement entre les deux pays. Il y a une volonté commune manifeste de tourner la page pour avancer. 

Pour la suite, nous pouvons souhaiter une relation soudée entre les deux pays. La France et le Royaume-Uni ont besoin de travailler ensemble pour faire face aux défis mondiaux et européens auxquels ils sont confrontés.