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DANS LE SECRET DES ARCHIVES BRITANNIQUES - L'histoire de France vue et corrigée par les Anglais

Écrit par Lepetitjournal Londres
Publié le 23 octobre 2012, mis à jour le 21 novembre 2012

La Britannique Kathryn Hadley a co-signé avec le journaliste du magazine Le Point, François Mayle, l'ouvrage Dans le secret des archives britanniques (édition Calmann-Lévy). Diplômée d'Histoire moderne à l'université d'Oxford, cette traductrice et écrivaine de talent revient dans cet ouvrage sur 40 ans d'histoire de France à travers le point de vue des diplomates du Foreign Office

Lepetitjournal.com - Vous êtes une jeune écrivaine et Dans le secret des archives britanniques, co-signé avec François Mayle, est votre premier livre. Comment est né ce projet ?
Kathryn Hadley - Avant d'écrire ce livre, j'ai travaillé avec François Mayle sur le massacre de Sétif en Algérie (1945). C'est dans ce cadre que j'ai découvert que les National archives de Londres contenaient un nombre incroyable de documents liés à l'histoire de France. Alors avec François Mayle nous avons eu l'idée d'écrire un livre sur des évènements politiques français avec le point de vue des diplomates du Foreign Office. C'est comme cela que ce livre a vu le jour.

Pourquoi avoir choisi la période 1940 ? 1981 pour votre ouvrage ?
Il y a au Royaume-Uni une loi qui protège les archives du Foreign Office jusqu'à 30 ans après leurs publications. On ne pouvait donc pas aller au-delà de 1981 lors de l'écriture du livre. Et puis comme cela coïncidait avec l'élection de François Mitterrand cela nous semblait être une bonne fin. Concernant la date d'introduction, 1940, c'est le début d'une nouvelle ère en France comme au Royaume-Uni. Autant sur le point de vue politique que sur la question coloniale.

Votre livre est découpé en 40 chapitres, tous sur des évènements différents. Y-a-t-il un fil directeur dans cet ouvrage ?
Non pas vraiment. L'idée est vraiment de révéler à partir des documents des facettes méconnues de l'histoire ou d'hommes politiques. C'est un livre assez brut en fait (rire). Nous avons traduit et sélectionné des télégrammes ou comptes rendus secrets d'évènements relatés par des diplomates, que nous présentons ainsi aux lecteurs. Mais chaque chapitre peut se lire indépendamment des autres.

Racontez-nous une anecdote marquante de votre livre?
J'aime beaucoup le passage sur Simone Veil. J'ai trouvé des télégrammes évoquant sa visite officielle à Londres en tant que présidente du parlement européen. À l'époque, Simone Veil était une grosse fumeuse, mais elle ne pouvait surtout pas se permettre d'apparaître une cigarette à la main en public en France puisqu'elle avait été ministre de la Santé (1974-79). Lors de sa visite à Londres, les Anglais, qui avaient connaissance qu'elle était une grande fumeuse, ne savaient pas s'il fallait lui mettre du tabac à disposition dans ses appartements privés. Ils ne voulaient surtout pas ébruiter le fait qu'elle fume en privé, mais dans le même temps les diplomates étaient inquiets de son confort. C'est une situation très révélatrice de l'humour anglais je crois (rire). En fait, comme pour beaucoup de télégrammes, le plus drôle est de lire les mentions personnelles ajoutées par les membres du Foreign Office qui ont eu ce document entre les mains.

Kathryn Hadley, vous avez vécu en France et vous êtes notamment diplômé du lycée international de Saint-Germain-en-Laye à Paris, puis de l'Université d'Oxford au Royaume-Uni. Cette double culture a sûrement été un indéniable avantage pour écrire ce livre?
Oui tout à fait. D'abord pour la traduction qui était un travail long et difficile (rire). Il est vrai que je ne me sens ni vraiment anglaise ou française. Je n'ai donc aucun jugement particulier sur l'histoire de l'un ou l'autre de ces deux pays. Je crois que c'était un atout pour écrire Dans le secret des archives britanniques.

Un atout notamment pour aborder quelques épisodes dramatiques des guerres coloniales de l'empire français?
Oui, j'ai découvert des télégrammes édifiants, notamment à propos de la guerre coloniale au Cameroun. Cette ex-colonie allemande a été divisée entre les Français et les Anglais après la Seconde Guerre mondiale. Dans la partie française, le processus de décolonisation a été extrêmement violent, ce qui est en général assez méconnu. Les télégrammes du Foreign Office révèle que les autorités britanniques accueillaient des membres du parti d'indépendance, l'Union des populations du Cameron (UPC), sur son territoire. Mais devant la pression des Français pour les "récupérer", les Britanniques ont parfois collaboré. Tout en sachant que lorsqu'ils remettaient des membres de l'UPC aux autorités du Cameroun français, ceux-ci étaient battus voire torturés. Mais il n'y a pas que la guerre du Cameroun. Dans notre livre nous revenons aussi, toujours à travers le point de vue britannique, sur les révoltes sauvagement réprimées de Madagascar, l'Algérie?

Il y a aussi plusieurs chapitres consacrés aux Présidents français, De Gaulle, Mitterrand, VGE? Quel regard les Britanniques posaient-ils sur ces hommes ?
La lecture des archives du Foreign Office est très instructive pour comprendre l'évolution des relations politiques franco-britanniques. Les diplomates britanniques se méfiaient ainsi du général de Gaulle. "Il faut qu'on le laisse mijoter dans son propre jus" s'écria Winston Chruchill. lors d'une crise diplomatique pendant la guerre d'Algérie. Mais il y avait aussi de l'admiration des Anglais envers de Gaulle, comme pour Mitterrand d'ailleurs. À la mort du Général en 1970, l'ambassadeur du Royaume-Uni à Paris laissa cette note : "la France produit de grands hommes politiques. Et De Gaulle était le plus grand de tous ces hommes politiques."

Propos recueillis par Camille Belsoeur (www.lepetitjournal.com/londres) mardi 23 octobre 2012

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Publié le 23 octobre 2012, mis à jour le 21 novembre 2012