

Avec son spectacle Imagine-toi, Julien Cottereau entraine son public dans un univers burlesque et poétique. Maniant à merveille le clown, le mime et le bruitage, il éblouie depuis 6 ans les spectateurs du monde entier. Sa prochaine conquête : Londres. Avant sa performance au Southbank Centre, l'artiste se présente aux lecteurs du Petitjournal.com
Lepetitjournal.com - Votre profession n'est pas banale, loin de là. Racontez nous comment l'on devient clown ?
Julien Cottereau - En naissant sur cette Terre, on est un peu tous clown je pense. On est perdu, on essaie de savoir alors que l'on ne sait pas. On pense que ce que l'on sait est plus vaste que l'univers alors que c'est notre ignorance qui l'est.
C'est une question de destin. Les dés sont jetés au-dessus d'un berceau puis on commence à participer au jeu de l'oie?On se rend compte que tout le monde nous incite à devenir clown parce qu'on fait rire les gens. Enfant, je dansais de façon drôle, je me costumais assez facilement et les gens me disaient que j'étais très expressif, que j'avais une bouille de clown.
Et puis quand je voyais des clowns au cinéma, j'étais toujours très ému, transi d'admiration pour ces gens qui me faisaient rire et pleurer. À chaque fois que je voyais Charlie Chaplin, Buster Keaton, les burlesques américains ou encore des gens sur scène comme Jango Edwards ou encore Michel Courtemanche, un oeil pleurait et l'autre rigolait.
Petit à petit la vie m'a amené sur une piste de cirque au Japon en 1994 avec un personnage et une technique que j'ai appris d'un clown que je devais remplacer et qui s'appelle René Bazinet. J'ai donc appris ce métier en le pratiquant. De fil en aiguille, j'ai ensuite monté mon propre spectacle et cela fait sept ans que je le tourne un peu partout dans le monde. Il n'y a pas un mot dans le spectacle ce qui me permet de jouer partout, de rencontrer des gens et de faire des liaisons entre les cultures, les âges, les catégories sociaux professionnelles? Ça me plait d'être une passerelle pour tant de personnes différentes grâce au rire et à l'émotion.
Vous avez donc fait partie du prestigieux Cirque du Soleil dès 1994. Comment l'avez vous intégré ?
À l'école à Paris, mon professeur de masque et de clown était Jean Marie Binoche. J'étais amoureux de sa fille, Juliette Binoche, et comme je voulais absolument la rencontrer je faisais tout pour être un très très bon élève. Quand on l'a appelé pour lui demander si il connaissait quelqu'un pour remplacer René Bazinet qui tenait le rôle principal dans la compagnie au Japon, il m'a choisi. Cela lui permettait de m'envoyer très loin de sa fille, à l'autre bout du monde?J'ai donc passé l'audition et ils se sont rendus compte que j'étais passionné. Ils ont pris le risque d'envoyer un jeune comme moi sur ce piédestal.
Comment est née votre spectacle solo "Imagine-toi" ?
Quand je suis passé à Paris en 2005 avec le Cirque du Soleil, j'étais sur le devant de la scène et j'avais déjà dix ans d'expérience. J'avais travaillais avec l'association Clowns sans frontières en Afghanistan, au Soudan, en Palestine mais aussi déjà réalisé environ 1 500 shows avec le Cirque du Soleil. C'était le bon moment. Des producteurs m'ont vu sur scène et m'ont donné carte blanche pour réaliser mon solo. Au début je voulais parler puis j'ai finalement relevé le défi d'un spectacle sans parole. C'était un pari difficile mais qui a fonctionné. J'ai fait la première à Avignon en 2006. L'année suivante j'ai joué 4 mois à Paris et j'ai reçu le Molière de la révélation théâtrale, chose assez rare pour un clown sans parole. Depuis, le spectacle tourne un peu partout.
Il évolue tout le temps. C'est une écriture qui permet de jouer avec les gens et de la parfaire avec tous les problèmes rencontrés sur la route. Ces derniers sont des pépites pour un clown. Dès qu'un spectateur me met en échec, je réfléchis et ça devient quelque chose de plus pour ma "hotte de Père Noël". J'aime jouer avec le public. C'est ma spécialité.
Justement, dans quel univers entrainez-vous votre public ?
J'essaie de l'entrainer dans une aventure humaine et initiatique. Ils voyagent avec moi vers un lieu qu'ils ne connaissent pas. Par le jeu, on va braver les peurs et suivre le chemin du clown qui commence par une énorme pudeur et qui, grâce à l'amitié et l'humanité, se transforme en courage. Tout au long de ce chemin, nous jouons ensemble. J'essaie d'instaurer des numéros de clowns à plusieurs avec le public. L'idée est d'installer un climat où tout le monde va jouer et être en phase avec le spectacle au moment présent en sachant qu'il est unique. C'est très important et c'est comme cela qu'il a été créé.
Ce voyage fonctionne-t-il dans le monde entier ?
J'ose espérer. Je reviens de Chine où j'ai découvert un public incroyable. J'ai joué à l'Opéra de Pékin dans le cadre d'un festival qui est né en 2008 et le public était incroyablement curieux et inventif.
Qu'attendez vous de votre rencontre avec le public londonien ?
Ils ont inventé le clown donc j'attends des gens comme ils sont. Depuis tous petit, je suis très sensible à l'art burlesque anglais, à l'intelligence des Britanniques, à leur finesse et à leur joie de vivre. Peut-être que je les idéalise un peu comme des Londoniens peuvent peut-être idéaliser les Parisiens sur certains aspects mais j'ai envie de jouer avec eux. Je les connais un petit peu puisque j'ai déjà joué au Royal Albert Hall avec le Cirque du Soleil pendant deux mois. C'était délicieux. Ils ont besoin d'être chauffés et les Latins sont là pour ça, pour amener du feu sur scène. J'espère que le public sera nombreux, qu'ils viendront à plusieurs, en famille mais aussi seuls pour voir mon spectacle qui est une sorte de métissage entre un Arlequin moderne et les grands burlesques.
C'est un art de métissage entre la danse, le théâtre, la comédie et la musique. Avec la participation du public en plus, il y a aussi un halo philosophique qui enjoint l'expérience théâtrale. C'est pour cela que ce spectacle a créé l'engouement. Les gens reconnaissent que ce spectacle est vital et qu'il a été écrit pour prendre le plus de plaisir possible. C'est ce que j'essaie de leur donner en étant à la hauteur de l'écriture mais il a été pensé pour les gens. Il y a une réunion entre le théâtre, le cirque et la rue. Beaucoup de choses cohabitent et cela donne un art passerelle. C'est intéressant de créer des liaisons. Le public rie en sachant qu'un Indien, un Américain, un Chinois ou un Afghan peut rire de la même façon sur les même choses. C'est aussi un travail sur l'enfance et notre créativité infinie. Nous avons besoin de cette innocence là en tant qu'adulte.
On vous compare parfois à Charlie Chaplin. Qu'en pensez-vous ?
Je pense que je suis très très loin de Charlie Chaplin. Mon personnage vient de la rue et veut comme le personnage de Charlot nourrir son coeur et son ventre. Il a commencé par le mime et moi aussi. C'est ce que nous avons en commun. Charlie Chaplin a capturé le génie tout au long de sa carrière d'homme et d'artiste. J'aimerai lui ressembler mais je suis très loin de lui. Je suis honoré qu'on y pense et il me donne beaucoup de force. Tout comme d'ailleurs Buster Keaton, Laurel et Hardy, Mr Bean et tous les grands comiques que je vénère. Cet art est du jazz pour moi. Une relation entre les gens, un art, une technique et puis quelque chose qui est de l'ordre philosophique, métaphysique.
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Julien Cottereau - Imagine toi
Du 13 au 24 décembre 2012 au Southbank Center
Plus d'infos et réserver vos billets : http://ticketing.southbankcentre.co.uk/find/tickets/julien-cottereau-68534
D'abord une goutte d'eau qui tombe, des pas qui s'approchent et ça commence !
Dans des inquiétants borborygmes et sifflements, un personnage physique incertain, mélange d'un Buster Keaton, d'un Pierrot Lunaire et d'un Pinocchio qui aurait grandi trop vite, semble être craché sur scène !
Personnage absurde, tendre et naïf, habillé de pantalons trop courts et coiffé d'un drôle de chapeau, ce garçon à tout faire commence à balayer la scène quand il découvre qu'il est observé? Aucun décor, aucun artifice, aucun accessoire ! Juste un être dont le talent de mime bruiteur fait naître un monde de monstres et de princesses, un monde de tendresse et d'émotion avec simplicité et grâce.
S'il a besoin de quelque chose, il l'invente ! Avec ce talent immense, il donne habilement la vedette au public. Un spectacle universel qui s'adresse à ce que l'humanité a de plus beau, de plus rare, de plus cher : notre enfance qu'il nous fait retrouver avec émerveillement.























