

Du 24 mai au 9 juin, la galerie French art studio présentera la nouvelle exposition du peintre français Gwenaël Salaün, « à rebrousse poils ». Depuis vingt ans, l'ex-DJ techno peint et dessine « l'enregistrement de notre culture urbaine » et propose une exploration du monde contemporain en perpétuel mouvement
Lepetitjournal.com ? L'exposition que vous allez présenter à Londres s'appelle « à rebrousse poils ». Pourquoi ce titre ?
Gwenaël Salaün ? C'est un titre qui m'intéresse. Certains animaux apprécient être caressés à rebrousse poils, mais ce n'est pas le cas de la population. Je vois la situation en France et dans le monde : on nous caresse à rebrousse poils. Je n'ai pas un propos politique ou social, mais c'est vraiment un titre qui me plaisait.
Vos ?uvres sont très originales, faites d'assemblages et mêlant plusieurs techniques. Comment définiriez-vous votre travail ?
Je n'ai pas envie d'avoir un style mais plutôt de jouer. J'ai 53 ans, je peins depuis une vingtaine d'années donc j'ai la chance de pouvoir m'amuser. La peinture est un jeu, mais un jeu sérieux. Quand je suis devant un tableau, je joue. La peinture m'étonne toujours. J'explore des choses, je continue à m'émerveiller.
C'est un monde en devenir. On n'arrive jamais quelque part, on est toujours en mouvement. Le changement est un fondement de notre vie. C'est un moyen d'évaluer les choses, de ne pas rester dans une posture, dans des affirmations. J'utilise un spectre très large : je fais de la peinture, du dessin, des petits formats, des grands formats. Je me permets d'aller dans les extrêmes de la peinture, dans l'abstrait ou le figuratif. Aujourd'hui, les frontières ont été annihilées. On peut décider de ce qu'on va faire. J'ai un regard sur le monde, je vois la peinture dans la rue. Je n'ai pas envie de faire des citations particulières. Il y a beaucoup à découvrir.
Y'a t-il des sujets qui vous interpellent plus que d'autres ?
Je ne m'interdis aucun sujet. Quand j'élabore une toile, le process est d'être devant une surface blanche. Tout est possible. Je joue avec la peinture, au sens premier. Il faut être concentré. Tous les enfants peignent. Moi j'ai décidé de continuer. Je tiens énormément à cette idée joyeuse de la peinture.
Certaines de vos toiles ont un côté un peu enfantin, très spontané ?
J'ai ce désir de ne pas perdre les choses essentielles. La marche, le regard, le toucher, l'odorat ? Il faut rester ouvert. Je suis attaché à l'enfance. Je regarde les enfants vivre, leurs yeux, leurs envies. C'est une belle chose. Lorsque des enfants regardent mes tableaux, je suis très à l'écoute. C'est curieux pour eux de voir un homme de 50 ans faire la même chose qu'eux. Francis Bacon disait que l'art était devenu un jeu. La difficulté est d'approfondir ce jeu. Avant, j'ai travaillais comme DJ. Je faisais danser les gens, c'était une grande cour de récréation.
Comment êtes-vous passé de la musique à la peinture ?
En 2002, j'ai décidé de me consacrer à la peinture. Je voulais voir si je pouvais en vivre. La peinture, c'est futile mais quand on s'engage vraiment, c'est un travail. Il faut avoir de l'énergie. J'ai commencé à être DJ à 16 ans. Je suis un dinosaure des DJ ? J'ai arrêté à 40 ans. J'aime l'idée d'arrêter quelque chose qu'on apprécie. J'ai toujours pratiqué les deux, la musique et la peinture. Il y a un peu plus de dix ans, j'ai changé de territoire. Je suis passé de Lille à Morlaix. J'ai trouvé beaucoup plus de tranquillité mais aussi de la solitude. J'ai voulu m'engager pleinement. Je ne regrette rien, c'est une superbe aventure.
On me dit souvent qu'il y a du son dans mes peintures. Ce qui est étrange car la peinture est un art silencieux. Je ne sais pas si la peinture a influencé le son, ou l'inverse. Mais il y a cette idée de montage, de mixage. Avec une télécommande on peut passer d'une chaîne à l'autre. Cela modifie notre regard sur le monde, sur le cinéma. On vit dans une société de zapping. Ce changement m'intéresse.
Qu'est-ce qui vous attire dans la culture anglaise, dans la ville de Londres ?
Je n'ai jamais mis un pied à Londres ? Mais je vais y aller pour cette exposition. C'est intéressant de ne pas tout consommer, de ne pas se gaver et d'avoir encore des choses à découvrir. Je travaille avec le French art studio depuis cinq ans. Je trouve que le concept de présenter des artistes français outre-Manche est intéressant. Au niveau de la musique, les Anglais m'ont toujours étonné. Ce côté novateur, cette qualité d'être sur un continent à part, cette originalité. J'admire leur capacité à tenir quelque chose qui n'est pas non plus passéiste. Ils ont aussi intégré toutes les populations bigarrées. J'aime cette énergie anglaise.
Quelles sont vos références en matière de peinture ?
Je suis un amoureux de la peinture. Beckman, Picasso, Giotto ? Je pourrais faire une liste immense. De nos jours, on est connecté. L'artiste Manuel Ocampo est de l'autre côté de la planète et pourtant on est dans la même réflexion. En un clic, on peut voir des peintures de l'autre bout du monde.
Qu'aimeriez-vous que les visiteurs retiennent de votre exposition à Londres ?
La peinture nous émeut. La représentation du monde par un individu est quelque chose d'intrigant. Mes tableaux ne sont pas autobiographiques et je ne cherche pas à dénoncer. Je voudrais qu'on prenne le temps de regarder. Lorsqu'on arrive devant une peinture, on s'en fait une première idée. Cela s'appelle la séduction. Mais si on prend le temps de l'observer, il se passe quelque chose. Il faut vivre avec. Je prends le temps de faire mes toiles. Donc j'aimerais beaucoup qu'on prenne le temps de les regarder. Il faut que le monde soit suffisamment curieux pour avoir un regard. La peinture est un art vieux comme le monde. Il faut continuer à le faire exister.
Abonnez-vous gratuitement à notre newsletter !
?A rebrousse poils' : du 24 mai au 9 juin
Du mardi au samedi, de 10h à 19h, le dimanche de 12h à 17h
French art studio, 58 Gloucester Road, London SW7 4QT
Soirée d'ouverture le 23 mai à partir de 18h en présence de l'artiste
Ouverte au public en réservant par email : rsvp@frenchartstudio.com























