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Covid-19 - L’impact du coronavirus sur le tourisme au Portugal

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Écrit par Lucie Etchebers-Sola
Publié le 23 juin 2020

 
Les conséquences de la crise sanitaire sur le secteur du tourisme international sont sans précédent. Au Portugal comme ailleurs, le secteur subit un brutal effondrement.
 

A l’échelle mondiale

Pour la seconde fois depuis le début de la crise sanitaire mondiale liée au Covid-19, l'Organisation mondiale du tourisme (OMS) a revu ses prévisions économiques relatives au secteur touristique à la baisse alors que celles-ci étaient déjà catastrophiques pour 2020. Fin mars, elle avait annoncé une baisse du nombre de voyageurs internationaux de 20 à 30 % pour l'ensemble de l'année, soit une baisse de presque un tiers des recettes générées en 2019. Deux mois plus tard, ses prévisions sont tombées à - 58 % et pourraient atteindre - 78 % en 2020. Des pertes que l’OMS a estimées entre 910 milliards de dollars à 1.200 milliards, sans compter la mise en danger des millions d’emplois qui dépendent de ce secteur et dont les conséquences économiques sont encore plus difficiles à prévoir.

 

Au Portugal

Comme l’Italie, la Grèce, l’Espagne et l’ensemble des pays du sud de l’Europe, le Portugal est touché de plein fouet par l’effondrement du tourisme lié à la pandémie de Covid-19. La fermeture des frontières terrestres et des commerces, la suspension des liaisons aériennes, l’interdiction d’accéder aux plages et bien sûr, le confinement, autant de mesures qui ont certes contribué à endiguer la pandémie, mais qui n’ont laissé aucune porte de sortie au secteur touristique. Le Salon du Tourisme (BTL) qui devait avoir lieu à Lisbonne du 11 au 15 mars 2020 a d’ailleurs été reporté à mars 2021. Plus de 130.000 entreprises sont impactées par la pandémie selon la secrétaire d'État au Tourisme Rita Marques, qui a également annoncé une baisse du chiffre d’affaires des entreprises du secteur d’environ 50% cette année par rapport à 2019. Dans la capitale portugaise, certains commerçants se désespèrent de voir les rues si vides. « J’ai rouvert mon établissement le 4 mai mais c’est un peu triste honnêtement. J’ai l’impression d’être revenu dans le Lisbonne d’il y a 10 ans, il n’y a plus aucun touriste dans la ville. Ça me rappelle la crise de 2008 aussi et ça c’est plus inquiétant », soupire José, tenant d’un café jadis prisé des touristes dans le quartier d’Anjos. Depuis que le gouvernement portugais a décrété l’état d’urgence le 18 mars, les réservations hôtelières et de vols pour l´été ont dégringolé. De fait, les recettes touristiques portugaises ont chuté de plus de 480 millions d’euros rien qu’en mars selon les données de la Banque du Portugal. En 2019, le tourisme avait généré 8,7% du PIB au Portugal et le pays avait poursuivi sa folle ascension au rang des meilleures destinations du monde et raflé une dizaine de prix aux WTA (World Travel Awards), dont le titre convoité de « Meilleure destination du monde ». Mais le Covid-19 a balayé la planète entre-temps, laissant le secteur touristique au point mort et les 26 millions de touristes étrangers qui ont visité le Portugal en 2019 sur leur faim.
 

Des labels pour rassurer les touristes

Si la saison touristique 2020 s’annonce d’ores et déjà compliquée, le Portugal n’a pas baissé les bras. Pour rassurer les voyageurs et préparer une reprise en douceur, l’organisation Turismo de Portugal a créé un label de protocole sanitaire, « Clean & Safe », qui distingue les opérateurs touristiques garantissant le respect des exigences d’hygiène et de nettoyage pour la prévention et le contrôle du Covid-19. Cette labellisation a été pensée selon les recommandations de la direction générale de la Santé du Portugal et l'ASAE (agence de sécurité sanitaire du Portugal). Gratuit et facultatif, ce label a déjà séduit plus de 4000 entreprises portugaises (notamment des complexes touristiques, hébergements locaux, agences de voyages, restaurants) qui ont déjà fait la demande en ligne dans l’espoir de rassurer les touristes. Le 5 juin dernier, le pays a été le premier en Europe à recevoir la certification « Safe Travels » décernée par le World Travel & Tourism Council (WTTC) une association regroupant plus de 200 entreprises du secteur du tourisme. Un précieux sésame pour tenter de sauver une partie de la saison d’été.
 

Reprise du trafic aérien avec prudence

Ainsi que le fait apparaître une étude de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) publiée le 31 mai, le monde a amorcé un lent mouvement de réouverture, à mesure que les destinations assouplissent, avec prudence, les restrictions sur les voyages. Au Portugal, la reprise des liaisons aériennes internationales est encore soumise à certaines restrictions (limitation des taux d’occupation notamment), mais le gouvernement d’Antonio Costa tente en revanche de faciliter l’entrée au Portugal aux ressortissants en provenance des pays de l’Union Européenne. Les voyageurs ne subissent aucune restriction particulière à leur arrivée sur le sol continental Portugais. A compter du 15 juin, la France a adopté le même fonctionnement pour les personnes en provenance de pays de l’espace européen (États membres de l’Union européenne ainsi qu’Andorre, Islande, Liechtenstein, Monaco, Norvège, Saint-Marin, Suisse et Vatican) qui pourront donc entrer sur le territoire français sans restrictions. Quant aux compagnies aériennes nationales, elles reprennent peu à peu leurs activités. La TAP a rétabli début mai les liaisons internationales, ainsi que Air France qui a renforcé progressivement son programme de vols pour l’été 2020. La compagnie française prévoit de desservir près de 150 destinations d’ici la fin du mois de juin, principalement sur son réseau domestique, mais aussi vers l’Espagne, la Grèce, l’Italie et le Portugal. Les compagnies low cost telles que EasyJet, Ryanair, Transavia, Vueling et TUI Fly ont également confirmé leur reprise progressive des vols d’ici juillet.
 
À noter que les prix des billets sont pour l’instant plus abordables que l’année dernière à la même période, en s´y prenant une dizaine de jours avant le départ.
 

Bruxelles chapote la réouverture des frontières

Tandis que la pandémie se stabilise lentement en Europe, la Commission Européenne a encouragé la reprise de la libre circulation et des voyages transfrontaliers, essentiels pour le secteur du tourisme. Elle a aussi conseillé aux pays de préférer aux restrictions générales des mesures plus spécifiques et ciblées en fonction de leur situation épidémiologique. Pour faciliter la circulation des voyageurs, Bruxelles a lancé lundi 15 juin une plateforme en ligne, « Re-Open EU », fournissant des informations en temps réel sur les frontières, les moyens de transport et les services touristiques dans les États membres. Pour répondre aux questions des touristes, le site dispense aussi des informations quant aux mesures de sécurité imposées par les autorités sanitaires dans chaque pays : « Cela permettra aux citoyens européens de prendre des décisions responsables et bien informées sur la manière de gérer les risques actuels liés au nouveau coronavirus lors de la planification des vacances et des voyages pour cet été et les mois suivants » a justifié la Commission européenne.
 
Le directeur général de la puissante Association du transport aérien international (IATA), Alexandre de Juniac a déclaré à propos de la réouverture des frontières « La réouverture des frontières doit être coordonnée au moins régionalement, si ce n’est mondialement. Elle doit se faire en collaboration avec l’industrie. Il faut aussi que les mesures sanitaires soient harmonisées entre les Etats pour éviter un patchwork ingérable et risqué pour les compagnies. » Ainsi, en collaboration avec l'OMS, l’IATA a publié le 1er juin un protocole sanitaire « task force » afin d’aider les pays, les aéroports et tout le secteur de l’aviation à harmoniser leurs mesures de sécurité. Le rapport suggère par exemple l’obligation du port du masque à l’intérieur des terminaux ou la limitation des déplacements dans les avions. Sans doute plus dans un objectif de rentabilité que de sécurité, l'OACI ne préconise pas de neutraliser un siège sur deux pour assurer la distanciation physique. Une mesure qui rassurerait pourtant certainement de nombreux voyageurs.
 

Dynamisme et promotion du tourisme régional

Malgré la reprise du trafic aérien, le Premier ministre Portugais António Costa et la Secrétaire d'État au Tourisme, Rita Marques, ont incité les Portugais à profiter des vacances d’été dans le pays afin de soutenir l’économie dans les différentes régions du Portugal et limiter les contacts avec l’étranger. De fait, chaque région a été touchée différemment par la pandémie : la région Nord a recensé le plus de décès (814 au 22 juin et 17 249 confirmés), suivi de la région de Lisbonne (436 décès et 16 762 cas confirmés), du Centre (248 décès et 3991 cas confirmés), de l’Algarve (15 décès et 521 cas confirmés) et l’Alentejo (2 décès et 374 cas confirmés). À l´heure qu´il est la région métropolitaine de Lisbonne et l´Algarve présentent une recrudescence de cas avec des foyers très actifs. Face à cette situation, chaque région a lancé une campagne stratégique propre afin de relancer le secteur, avec un mot d’ordre : voyager local. La région Nord mise sur l’attrait international de la ville de Porto et les atouts culturels de la région. La région de Lisbonne, peu intéressée par le marché intérieur, souhaiterait notamment développer des partenariats avec des compagnies aériennes low cost. La région Centre et la région de l’Alentejo misent sur un tourisme rural et « nature ».
 
Les pays du sud de l’Europe réclament un « fort soutien » au tourisme et qu’une partie des mesures de relance envisagées par les Etats membres soient consacrées au secteur. De son côté, le Portugal mise sur sa réputation de destination « sûre », et particulièrement sur sa bonne gestion de la crise sanitaire qui a été saluée au niveau international malgré la situation de ces dernières semaines qui a vu surgir  de nouveaux cas à Lisbonne et en Algarve. La Commission européenne quant à elle appelle désormais à un retour progressif de l'activité touristique dans les pays de l'UE. « Cela ne va pas être un été normal… Mais si nous faisons tous des efforts, nous n'aurons pas à passer l'été bloqués à la maison ou l'été ne sera pas complètement perdu pour l'industrie touristique », a déclaré à la presse la vice-présidente exécutive de la Commission, Margrethe Vestager. Attendons donc de voir comment se passera cet été qui vient tout juste de commencer.
 

 

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