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Chimbote : De 1er port mondial de pêche à zone marine ravagée par la pollution

Ce « boom de l'anchois » propulse rapidement Chimbote au rang de premier port mondial pour la pêche au milieu du XXe siècle.

chimbote, un port de pêchechimbote, un port de pêche
Écrit par Lancelot Soumache
Publié le 8 août 2024, mis à jour le 9 août 2024

Dans les années 50, la découverte d’une immense concentration de ressources halieutiques transforme à jamais la petite ville portuaire de Chimbote.

Cependant, l'absence de régulations pour encadrer cette pratique a engendré de nombreux problèmes. Si la surpêche a autrefois fait la richesse de Chimbote, elle est aujourd'hui à l'origine de tous ses malheurs.

« La baie est plus du tout comme elle était avant, avant on pouvait même s’y baigner » se désole Isaac, un retraité de Chimbote.

Aujourd’hui personne n’oserait y mettre un pied : le blanc du sable a tourné au noirâtre, les déchets plastiques ont remplacé les coquillages et des tubes de cuivre rouillés s’enfoncent dans la mer, obstruant certains passages. Mais pour comprendre comment on en est arrivé là, il est nécessaire de faire un petit saut dans le passé.

CHIMBOTE
Baie de Chimbote, infestée de déchets et de filets de pêches abandonnés

 

Chimbote, une croissance fulgurante

La légende raconte que dans les années 20, cette ville n'était alors habitée que par quelques centaines de personnes vivant modestement de la pêche. Un jour, des voyageurs américains de passage apprirent qu'il était possible de pêcher abondamment sans bateau dans cette région. L'expression "sin bote", signifiant "sans bateau" en espagnol, a ainsi inspiré le nom de la ville, "Chimbote". A partir de ce moment l’industrie de la pêche a connu une croissance fulgurante. Dans les années 50, l’industrie de l’anchois connait un boom historique, des habitants des montagnes migrent massivement vers Chimbote pour profiter de l’essor économique que connait la ville.

Dans les années 70, Chimbote concentrait 75% de l’industrie de la pêche du Pérou et était considéré comme le 1er port de pêche au monde en quantité de poissons pêchés. Mais cette fulgurante croissance de la pêche s’est malheureusement faite aux dépits de la biodiversité marine dû à l’absence totale de considérations environnementales.

L'expansion massive de l'industrie marine a conduit à la création de plateformes offshore où les grandes embarcations déchargent leurs prises. Celles-ci sont ensuite envoyées directement vers des infrastructures de traitement sur la côte, qui transforment le poisson pour divers usages, notamment pour produire de la farine de poisson.

CHIMBOTE
Tubes de cuivres transportant les ressources halieutiques des plateformes vers les infrastructures de transformation

À la fin du XXe siècle, l’industrie de la pêche retirait plusieurs milliers de tonnes de poissons de l’océan de manière journalière. L’épuisement de la biomasse marine a conduit inévitablement à la chute de la biodiversité et à la raréfaction des espèces qui faisait la richesse de l’industrie.

« Avant on pêchait des sardines ici, maintenant cela fait 7 ans qu’il n’y a plus une seule sardine dans les eaux de Chimbote » m’explique Isaac, un pêcheur retraité.

La sardine n’est pas un cas isolé, c’est aussi le cas du maquereau, du maigre et de bien d’autres espèces. En 1973, 1983, et 1998, il y a eu une disparition totale des anchois qui ont alertés les autorités sur la nécessité de protéger la biomasse marine en régulant la pratique de la pêche.

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Poissons vendus dans le marché portuaire de Chimbote

Une autre conséquence néfaste de l’industrie de la pêche est la très nocive pollution des eaux. Les embarcations comme les usines de transformation de poisson avaient et ont parfois encore pour habitude de déverser leurs déchets en tout genre dans les eaux de la baie. Cette pollution est aggravée par l’absence de traitement des eaux usagés de la municipalité qui sont également rejeté dans l’océan (voir ci-dessous).

CHIMBOTE

 « Tous les poissons qui sont pêchés là sont toxiques on peut pas manger ça ». Comme le déplore Michael, l’agent de sécurité surveillant les tubes de cuivres des entreprises locales, les poissons pêchés aux abords de la côte ne sont presque plus comestibles.

Les pêcheurs artisanaux sont ceux qui en souffre le plus puisqu’ils sont contraints d’aller pêcher au large, en haute mer, à bord de leurs modestes embarcations.

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Pêcheur artisanal préparant les filets avant de partir en mer

Réguler la surpêche

Face à ces retombées désastreuses de la surpêche, les autorités ont dû mettre en place des normes pour réguler l’activité. Aujourd’hui, la pêche est autorisée seulement sur une courte période de 4 mois à Chimbote.

La période d’interdiction est nommée la « veda » durant laquelle aucune embarcation n’est autorisé à pêcher. Elle permet de préserver le cycle de la biomasse en laissant les différentes espèces d’anchois se reproduire.

De plus, des normes sur la taille des filets ont aussi émergés afin d’empêcher la pêche d’espèces marines de moins de 7 centimètres. Néanmoins, ces normes ne sont pas toujours respectées,

« il y a un phénomène de « pêche noire » où les bateaux partent malgré tout et ne respecte pas les règles mise en place, en corrompant les autorités portuaires » m’explique un restaurateur de la ville.

Bien que la surpêche ait causé de nombreux tourments aux habitants de Chimbote, la pêche reste au cœur de l'identité de la ville, unissant et rendant fiers ses habitants.

Autour du port artisanal règne une atmosphère conviviale nourrie par la fraternité des pêcheurs. Dans ce petit terminal portuaire, des tournois de football sont organisés tous les week-ends entre les différents groupes de pêcheurs. Fin juin aura lieu une fête religieuse célébrant San Pedro, le saint protecteur de Chimbote sensé veiller sur les pêcheurs partant en mer.

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Isaac, un ancien pêcheur artisanal de la ville

 

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Publié le 8 août 2024, mis à jour le 9 août 2024

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