Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--

Civilisation Moche : l’érotisation d’une culture

Civilisation Moche : l’érotisation d’une cultureCivilisation Moche : l’érotisation d’une culture
© GFLOR
Écrit par Julie MARFIN
Publié le 17 août 2022

Quoi de mieux que des statues ostentatoires pour représenter une civilisation précolombienne ? C’est le choix controversé de la municipalité de Moche, dans le nord du Pérou, cette année.

 

En début d'année, la municipalité de Moche a fait ériger une statue se voulant symbolique de cette ancienne civilisation. Ce “Huaco Erotico” (Huaco est le nom générique pour les poteries réalisées par les peuples autochtones d’Amérique latine) construit dans un des plus anciens quartiers de la province de Trujillo, mesurait près de deux mètres. Mais cette allégorie a été détruite quelques jours plus tard, par trois assaillants armés de cocktails molotov. Une banderole a été laissée sur les lieux, portant le message : “César Arturo Bazán -représentant de la municipalité de Moche- n'utilisera pas notre culture à des fins politiques. Respectez nos enfants. Moche vous répudie’’. En février, moins de dix statues semblables à la première voient le jour non loin de là…

 

Civilisation Moche : l’érotisation d’une culture
Huaco Erotico. © GFLOR et Julie Marfin

 

L'exhibition sexuelle de la culture Moche, un attrait touristique

Face à cet acte de vandalisme, l’autorité municipale de Moche demande au ministère de l’Intérieur de trouver les responsables. Elle ajoute : “nous allons construire une statue plus grande, ne vous inquiétez pas. Maintenant, nous l'appellerons le Huaco de l'honneur péruvien”. Un mois plus tard, le gouvernement tient parole. Aujourd’hui, des cars remplis de touristes viennent s’agglutiner dans le quartier de Santa Rosa, pour contempler les symboles érotiques de la civilisation Moche. Des enfants se pressent pour se prendre en photo, à califourchon sur un phallus en érection. Les rires et les blagues sont au rendez-vous. De l’autre côté de la rangée de statues, les commerçants s’affairent pour vendre des souvenirs, plus ou moins ostentatoires. Mais ces Huacos sont-ils vraiment représentatifs de cette ère précolombienne?

D’après Térésa Gianny Ortiz, guide péruvienne sur le site archéologique de Chan Chan, “les huacos érotiques ne représentent que 1% des quelque 4 000 poteries retrouvées dans le Temple de la Lune”. Cet édifice sacré, où étaient réalisés les sacrifices et les rituels religieux, est un des vestiges symboliques de cette civilisation. “L'art Moche illustre plutôt les guerriers lors des combats et les actes de la vie quotidienne, leurs dieux, les animaux et les plantes ayant un attribut particulier”. Selon les anthropologues et les archéologues, la sexualité des Moches est liée au corps de la femme. Emblème suprême de la fertilité, celui-ci représente “le lieu de réception des graines mâles”. L’activité sexuelle s’inscrit dans la tradition de ces peuples précolombiens, “les anciennes cultures comme Chavin, Salinar et Virú avaient l'habitude de représenter des activités sexuelles, comme faisant partie de leur vie quotidienne. C’est donc une sorte d'héritage”.

 

Civilisation Moche : l’érotisation d’une culture
Huaco de Santa Rosa, représentant une femme qui allaite son enfant pendant un rapport sexuel. Crédit photo : Julie Marfin

 

Moche, une civilisation avant-gardiste

Míchel Guzmán et d’autres artiste de la Escuela de Bellas Artes de Trujillo ont cherché à mettre en avant le côté érotique de cette culture, à la demande de la municipalité pour attirer les touristes. Mais cette civilisation garde bien d’autres secrets…

La culture Mochica (autre nom donné aux Moches) était basée sur deux monuments : la Huaca del Sol et la Huaca de la Luna (temple du soleil et de la lune). Quand, en l’an 600, El Nino, le prêtre et seigneur de cet empire enchaîne les sacrifices humains, le peuple décide de se rebeller contre la religion. Les habitants ferment le temple de la Lune, pour se concentrer et agrandir celui du soleil, destiné au commerce et à l’administration. C’est alors que la culture Moche passe d’un pouvoir théocratique à un pouvoir plus séculier. Un projet d’envergure, pour une époque de crise.

 

Civilisation Moche : l’érotisation d’une culture
Huaca del Sol, Pérou. Crédit photo : Bruno Girin (photo libre de droit)

 

Ce peuple s’étendait sur un territoire de plus de 400 kilomètres, sur la côte nord du Pérou. Pour relier les communes, les Moches possédaient un vaste réseau routier et une agriculture diversifiée. Grâce à d'ingénieux systèmes d’irrigation, ils avaient réussi à transformer ce paysage aride en un royaume fertile et prospère. En détournant des rivières et en construisant des canaux, ils avaient développé une agriculture excédentaire et des liaisons commerciales avec leurs voisins des Andes et d’Amazonie.

En dehors de leur talent pour la création de céramiques à la chaîne, cette civilisation pré-incas avait mis en œuvre des techniques d’orfèvreries et métallurgiques, très avancées par rapport aux andins. Ils élaboraient des alliages de cuivre, d’argent, d’or et de bronze pour fabriquer des bijoux, des objets décoratifs, des outils agricoles et des armes. Leur technique de dorure du cuivre restera une des plus efficaces jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, précédant celles européennes.

 

Civilisation Moche : l’érotisation d’une culture
© GFLOR

 

Flash infos

    Pensez aussi à découvrir nos autres éditions