S’expatrier à Manille : ville chaotique devenue poétique

Par Alhéna Domela | Publié le 21/04/2019 à 18:00 | Mis à jour le 25/04/2019 à 12:14
Alexandra Van Lierde peintre Manille exposition Philippines

Ouragan, pollution, différence culturelle, recherche d’emploi… A son arrivée à Manille, Alexandra Van Lierde déchante. L’artiste peintre a cru voir son rêve d’expatriation se transformer en véritable cauchemar. Dix ans plus tard, elle réside toujours dans la capitale, désormais apprivoisée, mais sa peinture a profondément changé.

Déception. Tel est le mot qui définit le mieux le sentiment d’Alexandra Van Lierde à son arrivée aux Philippines. « Manille, pendant les six premiers mois, on a détesté mon mari et moi. On s’est demandé ce qu’on était venu chercher ici. On ne trouvait rien de ce qu’on espérait trouver». Pourtant, la Franco-belge a toujours rêvé de s’expatrier avec sa famille : « Dès le début de notre couple, on était sur la même longueur d’onde. On en a toujours parlé, on avait envie de vivre ailleurs. On voyageait beaucoup, on partait dès qu’on avait des jours de congés ! ».

Manille Philippines expatriée

Quand l’occasion s’est présentée, l’artiste peintre n’a pas hésité une seconde. Professeure d’arts plastiques à la British School de Bruxelles, le même poste lui est proposé à Manille : « J’avais seulement deux jours pour répondre. On a appelé nos amis qui ont vécu en Asie, on a cherché des informations sur internet et sur les forums d’expatriés car Manille, ce n’était pas une destination prévue ! Mais en 48 heures, on a décidé de démissionner tous les deux et de partir main dans la main ».

« Toute transition est compliquée »

Manille expatriée Alexandra Van Lierde peintre exposition

Alexandra Van Lierde pose ses valises à Manille en août 2009, en pleine saison des pluies. La capitale est touchée de plein fouet par l’ouragan Ketsana. « C’était vraiment brutal », confie l’expatriée. Outre les pénibles conditions météorologiques, l’artiste et sa famille rencontrent des difficultés dans de nombreux domaines.

Ils font face à un nouveau mode de vie : « C’était la première fois qu’on quittait notre ville natale. On était vraiment novices. C’était difficile de comprendre pendant les premiers mois comment la ville fonctionnait. C’est une ville immense, avec beaucoup de quartiers différents, des embouteillages non-stop. On peut vite gaspiller son temps ! ». Mais aussi à une nouvelle culture. « Un jour, mon mari décide d’aller à la boulangerie. Il en cherche une, en vain. A chaque fois qu’il demande où elle se trouve, on lui répond qu’elle est un peu plus loin. Dans ce pays, les gens ne vont jamais dire que ça n’existe pas. Ici, ils veulent toujours faire plaisir ! », raconte-elle.

Mais l’obstacle le plus difficile à franchir reste la recherche d’un emploi pour son mari. Ingénieur de formation, il pensait trouver rapidement un nouvel emploi sur place. Il n’imaginait pas retrouver du travail seulement six mois plus tard. « Dans ce pays, personne ne connaissait notre background, il fallait se faire un réseau. Mais ça prend du temps et de l’énergie », explique Alexandra. « Toute transition est compliquée. Il faut se laisser du temps pour pouvoir s’ajuster et laisser sa chance à ce pays qui ne sait pas comment vous accueillir », conclut-elle.

Manille, source d’inspiration

Alexandra Van Lierde peinture Manille expatriée exposition

Six mois ont été nécessaires pour s’adapter à leur nouvel environnement. Les dix années suivantes, « ça n’a été que du bonheur. On a fini par rencontrer les bonnes personnes, à apprivoiser cette ville pas toujours rose. Manille est une ville très agréable pour les expatriés, il y a de chouettes écoles, un milieu artistique très intéressant et une belle communauté d’expatriés. On aime notre vie ici, on a beaucoup de libertés, les gens sont très énergiques et passionnés par leur travail ». Alexandra n’a pas oublié pour autant à quel point elle s’est sentie déconcertée à son arrivée à Manille et tente d’aider les nouveaux expatriés : « Je pense que j’ai beaucoup d’expérience pour aider les nouveaux un peu désemparés dans cette ville agressive a priori. J’essaye de leur montrer toutes les bonnes choses qu’on peut faire. Il y a pas mal de Français qui passent par ma maison et c’est avec grand plaisir que je leur fais part de mon expertise. Il est rare que les gens restent 10 ans à Manille ! ».

Exposition peinture Manille Alexandra Van Lierde Philippines

Si Alexandra Van Lierde aime autant Manille, c’est aussi parce qu’elle est une source d’inspiration débordante. La Franco-belge peint depuis l’âge de cinq ans. « Mon frère dit que je suis née avec un pinceau en main », confie-t-elle. Très sensible, l’artiste a vu sa production artistique évoluer en Asie. Jamais elle n’aurait peint en Europe sur des thématiques comme les gratte-ciels qui sortent de la pollution. « Les grandes villes asiatiques où nous vivons comme expatriés m'inspirent énormément. Sur mes toiles, le spectateur découvre l'apparence dominante des gratte-ciels, l'atmosphère chaotique de villes surpeuplées, qui se frayent un chemin à travers nuage et pollution. Mes toiles sont à la limite de l'abstraction, des formes de nature, d'eau, tentent de s'harmoniser à tout prix avec ces constructions humaines », explique-t-elle.

Exposition Manille Alexandra Van Lierde Philippines expatriée

Grâce à sa prochaine exposition, « City and Poetry », l’artiste espère donner aux expatriés une autre vision de leur ville : « Derrière cette apparence oppressante, la poésie existe dans ces villes où nous vivons, la passion, voire la folie! Grace à des couleurs comme le fuchsia, le turquoise, le violet, j'aspire à inviter mon public à retrouver les contrastes de ces villes où nous vivons, que nous appelons parfois "home". A home away from home ».

La nouvelle exposition « City and Poetry » d’Alexandra Van Lierde se tiendra du 14 au 16 mai 2019 à LRI plaza, 2e étage, 210 rue Nicanor Garcia, Makati.

City and Poetry exposition peintre Manille Alexandra Van Lierde
2 Commentaire (s) Réagir
Commentaire avatar

Jihème jeu 25/04/2019 - 16:35

Je suis allé plusieurs fois à Manille - Quezon City, il y a déjà longtemps (vingt ans !), à titre professionnel. C'était déjà une ville immense et polluée, aux pluies de mousson diluviennes, au trafic intense et aux embouteillages monstres sur EDSA, aux vigiles hyper-armés en uniforme de cops américains devant les boutiques et les banques et les "villages" résidentiels clos de murs protecteurs, et pourtant j'ai beaucoup aimé : un mélange d'Asie et d'Amérique sur fond d'hispanité culturelle dont témoignent de nombreux monuments, églises, monastères et Manila intra muros, ainsi que la préparation des illuminations de Noel dès le mois d'octobre entre les gratte-ciels du centre et dans les quartiers périphériques, et plus tard la Semaine sainte comme à Séville, des gens très instruits et cultivés, un monde à part au coeur de l'Asie. Sans oublier la bière San Miguel, inventée là avant son expatriation en Espagne ! Et les boulangeries françaises, on les trouvait au coeur de gigantesques galeries commerciales où, les dimanches, se célébraient aussi des messes catholiques au milieu de la foule. Où trouve-t-on de tels contrastes dans le sud-est asiatique ?

Répondre
Commentaire avatar

lu yé lun 22/04/2019 - 15:03

alexandra, j'adore, j'adore votre travail, c'est tout ce que j'aime en peinture, nous sommes voisines puisque j'habite à bangkok, si je vais à manille j'aimerai bien vous rencontrer, merci de me dire où vous trouver, merci aussi pour vos commentaires que j'ai trouvé très intéressants pour moi qui a la 'bougeotte!!!!!", bien cordialement à vous et encore bravo!!!!,

Répondre
Dans la même rubrique
À lire sur votre édition internationale