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Le casse-tête des Français encore bloqués à l’étranger

Rapatriement Français en FranceRapatriement Français en France
Écrit par Sandra Camey
Publié le 5 juin 2020, mis à jour le 8 juin 2020

A l’annonce du confinement, ils étaient près de 130000 Français à avoir fait une demande de rapatriement. Aujourd’hui, ils seraient encore "plusieurs centaines" de Français bloqués à l’étranger. Alors que la "deuxième vague" des rapatriements est en cours, la situation des binationaux interpelle. 


Près de 130000 Français ont demandé leur rapatriement auprès d’une ambassade ou d’un consulat des suites de la crise sanitaire. Aujourd'hui, ils seraient encore "plusieurs centaines" d'après le ministère des Affaires étrangères, parmi les inscrits sur la plateforme Ariane, voire plusieurs milliers selon d'autres estimations. "Dans leur très grande majorité, les situations de nos ressortissants qui sont en voyage nous sont connues et nous travaillons pour résoudre tous les problèmes.", a indiqué le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. 

Le Maghreb, région la plus demandeuse pour le rapatriement

La situation a été plus compliquée à désamorcer dans les pays du Maghreb. « Au 13 mai 2020, ils étaient encore 10000 Français bloqués en Afrique du Nord » avait précisé Stéphane Viry, député LR des Vosges. Pour tenter d’y remédier, le ministère des Affaires étrangères a travaillé pour multiplier les liaisons aériennes et maritimes entre les pays du Maghreb et la France. 


En Algérie :

Plusieurs dizaines de vols Air France, Transavia et ASL ont été mis en place. Ils relient quotidiennement 4 à 5 fois par jour Alger à Paris. De nouvelles liaisons au départ de villes de province viennent d'être programmées d'Oran, d'Annaba, Béjaïa et Constantine. Après celle du 1er juin, deux liaisons maritimes opérées par la compagnie Corsica Linea sont prévues les 7 et 9 juin entre Alger et Marseille (1000 passagers et 600 véhicules par traversée). D'autres liaisons sont envisagées dans les semaines à venir.

Au Maroc :

Entre le 8 et le 25 juin, un programme spécial renforcé de 60 vols est mis en place par la compagnie Transavia reliant les villes de Casablanca et de Marrakech à Paris. Air France poursuit désormais son programme hebdomadaire de 7 vols au départ de Marrakech et de Casablanca, 2 vols étant maintenant effectués par des avions gros porteurs.

S'agissant des liaisons maritimes entre le Maroc et l'Europe, un bateau de la compagnie La Méridionale arrive ce jour à Marseille en provenance de Nador, cinq traversées sont mises en place par la compagnie Balearia entre le 5 et le 9 juin. Elles permettront à des ressortissants français et à leurs véhicules de se rendre en Espagne. A la suite d'un accord négocié entre les autorités françaises et espagnoles, les passagers pourront, à titre dérogatoire, regagner la France. Enfin, une liaison maritime opérée par la compagnie GNV est également programmée entre le port de Tanger-Med et Sète le 9 juin. D'autres traversées sont d'ores et déjà prévues. En coordination avec les autorités marocaines, toutes ces options de rapatriement restent organisées par les consulats.

En Tunisie :

Un deuxième vol hebdomadaire entre Tunis et Paris est désormais assuré par la compagnie Air France. Après la traversée entre Tunis et Marseille mise en place par Corsica Linea le 4 juin au profit de 1000 personnes, une nouvelle liaison maritime est prévue le 11 juin d'une capacité de 1000 passagers. D'autres traversées sont envisagées dans les semaines à venir. Ces liaisons aériennes et maritimes spéciales qui mobilisent pleinement le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, son réseau diplomatique et consulaire dans les pays concernés et le secrétariat d’Etat chargé des transports se poursuivront jusqu'au rétablissement des liaisons habituelles.

Les complications de rapatriement

Beaucoup de gouvernements à travers le monde ont fermé leurs frontières et leur espace aérien, rendant le rapatriement des derniers Français bloqués à l’étranger très difficile. Un tiers de la planète s’est retrouvé en confinement, leurs transports ont été suspendus et la circulation interdite. Les aéroports étaient alors très difficiles d’accès pour les Français s'étant aventurés en dehors de la capitale. De plus, les coûts de transport ainsi que du rapatriement représentent une somme conséquente que tous les Français n’ont pas pu se permettre. C’est le cas pour 150 Français bloqués au Pérou. Deux vols de rapatriement ont été organisés le 13 et le 20 mai. Malheureusement, au vu de la situation exceptionnelle et de l’urgence, ces vols n’ont été organisés que quelques jours avant leur départ. Cela n’a donc pas permis à ces Français de s’organiser à temps pour rejoindre l’aéroport et de prévoir les frais que cela implique. Ils demandent aujourd’hui au gouvernement de l’aide et plus de transparence.

Un rapatriement désorganisé ?

Officiellement, les personnes en déplacement temporaire à l’étranger ainsi que les personnes ayant des problèmes de santé sont prioritaires pour rentrer en France. Dans les faits, cela n’a pas toujours été le cas, comme pour Chantal et Patrick Régnier, venus faire un trek de trois semaines dans le désert marocain et interrogés par nos confrères de France Culture. Bloqués à M’hamid depuis près de trois mois, Chantal a perdu plus de 10 kilos, pesant aujourd'hui à peine 38 kilos. Son médecin traitant lui a alors envoyé par mail une ordonnance qu’elle a transmise au consulat français à Marrakech. Le couple n’a toujours pas de nouvelles alors qu’un de leur compagnon d’infortune en pleine forme a pu être rapatrié.

Un cas qui est malheureusement loin d’être isolé. « Vous attendez qu’il y ait un accident pour nous rapatrier ! » alerte ainsi un Français au consulat français au Maroc, alors que les températures à Marrakech grimpent au-dessus de 30° C et que la santé de sa femme, souffrant d’hyperthyroïdie et d’hypotension, se détériore lors de grosses chaleurs.
 

Le cas des Français expatriés et des binationaux

Le ministère des Affaires étrangères avait indiqué qu’il serait préférable pour les Français expatriés de rester dans leur pays de résidence, sauf raisons impératives, afin de limiter la circulation du virus. Certains Français souhaitent cependant rentrer pour des raisons économiques, d’autres pour des raisons familiales. Ils vont alors devoir faire face à une quatorzaine volontaire qui, parfois, leur paraît démesurée lorsqu’ils reviennent d’un pays où moins d’une centaine de morts est à déplorer. Ces Français là, sont considérés comme ceux de la « deuxième vague », puisqu’ils ont demandé un rapatriement plus tardif dû à leur situation hors de France, plus stable.

Les binationaux, eux, n’ont pas forcément leur résidence à l’étranger et ont laissé derrière eux : emploi et famille. Les réponses négatives des ambassades et consulats irritent ces Français laissés de côté. Fouhzia, une Franco-Algérienne interrogée par France Bleu, est venue rendre visite à sa famille pendant 10 jours. Elle se retrouve aujourd’hui bloquée avec comme seule réponse de l’ambassade qu’ils sont « dans un foyer en sécurité » et qu’ils doivent attendre. De nombreux binationaux se retrouvent donc bloqués à l'étranger sans possibilité de bénéficier d'un rapatriement d'urgence. Pour le député de la 9ème circonscription, M’jid El Guerrab, une grande majorité des binationaux « ont le sentiment d’être oubliés, ils ont le sentiment que la France leur tourne le dos. ».
 

Un nouvel enjeu politique

Le député des Français du Maghreb, M’jid El Guerrab, a pris très à coeur le sort de ses compatriotes qui se trouvent au-delà des frontières françaises. Il a porté leur voix dans l’Hémicycle : « il faut aller plus loin, il faut faire plus vite, il faut aller encore plus fort. ». Si le nombre de Français encore retenus à l'étranger diminue, le député insiste sur la situation des Français bloqués sans revenus et a demandé à la ministre du Travail d’intervenir sur cette problématique.


Au vu de la crise et des problèmes auxquels ont dû faire face les Français à l’étranger, une enquête sur la gestion du rapatriement des Français pourrait être ouverte. Cette proposition de loi vise à créer une commission d’enquête, réunissant trente membres, tous chargés d’étudier "les éventuels dysfonctionnements des services de l’État et des compagnies aériennes, ainsi que de mesurer les conséquences économiques, sanitaires et sociales pour les ressortissants français n’ayant pas pu obtenir un vol commercial ou de rapatriement vers la France durant l’épidémie de Covid‑19."