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Comment je me suis engagé en politique en expatriation

Militantisme engagement politique expatriationMilitantisme engagement politique expatriation
Écrit par Justine Hugues
Publié le 30 juin 2019, mis à jour le 3 décembre 2020

On accuse souvent les expatriés de se désintéresser des grands enjeux nationaux. Pourtant, beaucoup d’entre eux s’investissent pour faciliter le quotidien de leurs concitoyens et faire vivre le débat politique français depuis l’étranger. Témoignages. 

 

Il y a trois ans, T-shirt à l’effigie d’En Marche sur les épaules, Florent Joly abordait les touristes français au pied de l’Empire State Building. « Cette campagne a été l’un des moments les plus forts de ma vie. L’énergie citoyenne était incroyable » se remémore le Français expatrié à New-York, faisant référence au lancement du mouvement d’Emmanuel Macron sur le sous-continent nord-américain. A quelques milliers de kilomètres de là, Ugo Lopez, résident madrilène également marcheur de la première heure, analyse son parcours : « Je ne pense pas qu’en restant en France, je serais allé aussi loin en politique, rien que parce que le terrain était déjà très occupé. A l’étranger, j’ai tout de suite été face à mes responsabilités : je voulais m’engager, je n’avais qu’à le faire ».

Tout comme ces deux militants de LREM, ils sont nombreux à emporter convictions et envie de faire bouger les lignes dans leurs bagages, voire à tomber dedans en expatriation. Pour Florian Bohême, porte parole de la Fédération des Français de l'étranger du Parti socialiste établi à Siem Reap au Cambodge, « beaucoup de Français quittent la France d’abord pour des choix de vie personnels, pas parce qu’ils ont renoncé à l’engagement politique ou citoyen ». 

 

C’est la dimension sociale qui a d’abord conduit Annie Raybaud à frapper à la porte des Républicains de Beyrouth. « J’étais plutôt éloignée de la communauté française pendant mes premières années au Liban, confie-t-elle. En rejoignant le parti, je me suis mise à parler de thématiques françaises. C’était l’instinct grégaire qui parlait ». Cette volonté de se rapprocher de ses pairs via des soirées débats ou l’organisation d’une campagne, Florent Joly l’a observée à New-York : « il ne faut pas sous-estimer le pouvoir d’être ensemble et d’assouvir son besoin de parler en français et de la France ». 

 

 

Régler des problèmes concrets

 

Mais devenir militant à l’étranger, c’est avant tout s’attaquer aux problématiques du quotidien. Aider une famille à obtenir une bourse, contacter une caisse de retraite ou comprendre la réforme du prélèvement à la source, organiser des permanences, recueillir des doléances, aller à la rencontre des associations de Français… « La campagne de 2017 comme le grand débat national ont permis l'expression d'une parole sur des sujets extrêmement concrets que l'on n'entend pas souvent, car éloignée des principaux "centres d'ancrage" de la communauté française, mais qui n’est pas moins significative ni numériquement importante. C’est de la politique dans le sens le plus noble du terme. Ecouter, essayer de modéliser les problèmes et leur trouver une solution », détaille Ugo Lopez, ancien collaborateur parlementaire de Samantha Cazebonne.

 

Avec une différence - et pas des moindres - avec le militantisme hexagonal : « la difficulté à avoir, à l’étranger, une administration sur laquelle se reposer, explique Florian Bohême, qui était élu municipal à Houilles dans les Yvelines pendant sept ans avant de s’établir au Cambodge. A l’étranger, l'élu fait face à une administration extrêmement centralisée - le quai d’Orsay - qui n’a d’ailleurs pas nécessairement de compte à lui rendre contrairement à une collectivité locale où l’élu exerce le management de l’administration ». Pour Florent Joly, la représentation « trop fragmentée » des Français de l’étranger handicape de surcroit la résolution des problèmes du quotidien : « Il y a trop de personnes qui ont trop peu de pouvoir. Tout le monde se marche un peu sur les pieds. On a un système unique au monde et l’un des réseaux diplomatiques les plus étendus, et malgré cela, on ne fait pas de progrès sur des choses simples et pratiques comme le permis de conduire. Plus de clarté permettrait aussi plus d’engagement des Français de l’étranger ». 

 

 

Le numérique, allié des militants de l’étranger

 

Les moyens de communication des militants établis à l’étranger contrastent également avec les grands tractages et meetings des résidents français. « La base du militantisme à l’étranger, le seul moyen de faire valoir vos idées et de toucher des communautés disséminées sur une large circonscription, c’est le numérique », observe Florian Bohême, candidat aux législatives de 2017. « Non seulement le numérique aide mais c’est aussi le positionnement idéologique de notre parti que d’utiliser les technologies au service de la démocratie », abonde Florent Joly. 

 

 

Un lien privilégié avec le parti mais plus distant avec la vie politique locale

 

Cette utilisation privilégiée des réseaux sociaux se manifeste aussi dans les rapports entre militants basés un peu partout dans le monde. « On a des réunions téléphoniques au moins une fois par mois, de même que des forums internes, des groupes Whatsapp : on n’est pas déconnecté des instances françaises », illustre Florian Bohême. Une proximité avec la maison mère palpable au delà de la toile, constatent unanimement nos interlocuteurs. « On a reçu la visite de tous les pontes du parti : Gérard, Larcher, Jean-François CoppéC’était assez grisant de pouvoir leur parler si facilement et motivant d’avoir leur soutien direct pendant les campagnes », raconte Annie Raybaud. Dans la genèse d’En Marche, « les militants de l’étranger ont été beaucoup sollicités, via des questionnaires et des ateliers spécialement conçus pour eux », affirme Ugo Lopez. 

 

Si ce Français faisait partie de la liste espagnole Ciudadanos aux dernières élections européennes, « pour renforcer les ponts entre les deux partis et créer un vrai mouvement transnational », l’engagement des militants français établis à l’étranger dans la vie politique de leur pays d’accueil reste limité. « Je me passionne pour la vie politique espagnole, mais je n’ai pas le temps ni la légitimité pour m’y consacrer » justifie le marcheur. 

 

Toutefois, les pratiques et politiques publiques des pays d’accueil nourrissent les convictions des Français. « Les Etats-Unis ont une véritable machine de guerre en matière de campagne politique, observe Florent Joly. Le CTO de la campagne de Clinton nous avait ainsi donné des conseils sur les donations et les bons moments pour les solliciter ». Et le militant d’ajouter : « New-York est une des villes les plus ouvertes au monde sur la PMA et la GPA. On a organisé une table ronde sur la façon dont les lois avaient été mises en place et on a partagé les résultats avec le mouvement. Sur des sujets très nouveaux, très caricaturés en France, cela prend tout son sens ».   

 

« Ça a réveillé en moi un esprit citoyen dormant »

 

Pour les militants interrogés, cet engagement à différents moments clés de la vie d’un parti a généré autant d’opportunités de côtoyer des personnes inspirantes et d’avoir des missions importantes. Opportunités qui vont souvent de pair avec l’expatriation.  « Ca a réveillé en moi un esprit citoyen qui était dormant et qui ne se calme pas, expose Florent Joly. Dans le domaine professionnel, je suis encore plus enclin qu’avant à aller vers des projets qui ont du sens et un lien avec la démocratie ».

Des propos que corrobore Annie Raybaud. « Avant, l’amour de la patrie, je trouvais ça pétainiste. Ici, je me suis rendue compte que la société française n’était pas morcelée, j’ai pris conscience de l’importance du vote et de la qualité de nos services publics ». Jusqu’à lui inspirer de nouveaux engagements au retour d’expatriation : « Je m’encarterai et m’investirai régulièrement dans des associations ». 

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