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JUSTICE - Sohane, fait divers ou fait de société ?

Jugéaux assises du Val-de-Marne pour le meurtre de Sohane, brûlée vive en octobre 2002, Jamel Derrar a choisi d'avancer la thèse de l'accident. L'accusation, elle, penche plutôt pour un acte de basse vengeance suite àun différend amoureux

Sohane est devenue un symbole pour les associations féministes. (Photo : AFP)

"C'est un accident", a affirméJamel Derrar hier devant les assises du Val-de-Marne, àCréteil. Alors qu'il comparaît jusqu'àvendredi pour le meurtre de Sohane Benziane, brûlée vive le 4 octobre 2002, le jeune homme de 22 ans joue la carte du drame non intentionnel. Jamel Derrar, alias "Nono", est poursuivi pour "actes de torture et de barbarie ayant entraînéla mort sans intention de la donner".
L'histoire de Sohane avait ému toute la France et abouti àla création du collectif "Ni putes, ni soumises". Alors qu'elle se baladait avec des amies dans la CitéBalzac, un quartier HLM de Vitry-sur-Seine, Sohane, presque 18 ans, avait croiséla route de Nono. Lui et son copain Tony Rocca, 23 ans, accuséaujourd'hui de "complicité"pour avoir gardéla porte, ont entraînéla jeune fille dans un local àpoubelles. Sohane en est ressortie véritable torche humaine et a succombéàses blessures quelques heures plus tard. Mais sur ce qui s'est passéentre-temps, les versions divergent.
La cité, solidaire de Nono
Selon Jamel et Tony, le but de l'opération était simplement de fumer une cigarette avec Sohane et de discuter avec elle. Jamel, qui assure que l'adolescente et lui avaient auparavant entretenu une liaison romantique, dit avoir trouvépar hasard dans le local un bidon d'essence et en avoir arroséSohane, pour lui faire peur. Il aurait ensuite approchéun briquet d'elle et les flammes seraient parties accidentellement. Nono s'étaient ensuite enfui en s'en tirant lui aussi avec quelques brûlures.
Pourtant, l'accusation donne un autre son de cloche. On parle de la vile vengeance d'un amoureux éconduit, qui aurait planifiéde bout en bout le meurtre de la jeune fille et aurait lui même emmenéde l'essence dans le local oùil comptait bien coincer sa victime.
Une affaire emblématique du machisme ambiant
Les policiers soulignent, eux, que les pompiers venus porter secours àSohane ont étéreçus àcoups de pierres par des gamins de la cité, solidaires de Nono.
Depuis le drame, la stèle érigée en mémoire de l'adolescente a étéplusieurs fois vandalisée et les marches organisées conspuées par une partie des habitants du quartier. L'affaire est naturellement devenue emblématique du rapport de force existant entre filles et garçons dans les cités, du machisme ambiant.
Jamel Derrar a bien compris qu'il n'est pas dans son intérêt de devenir le symbole d'un fait de sociétéaux yeux de la justice. Il a déclaré: "J'ai rien àvoir avec les problèmes de banlieue, avec les combats féministes". C'est sûr qu'être un pyromane maladroit, c'est tellement mieux que d'être un petit macho tortionnaire?
Camille VAYSSETTES. (LPJ) 4 avril 2006

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Chahrazad, l'autre victime
Chahrazad, 18 ans, aurait pu mourir comme Sohane. Tout relativement, on peut dire qu'elle a eu plus de chance. Chahrazad a eu 60% du corps brûlé, lorsque le 13 novembre 2005 elle est tombée àNeuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis) sur un jeune homme dont elle avait repousséles propositions. Celui-ci l'a couverte d'essence et allumée. Il court toujours. Le procès de l'assassin de Sohane a donnéàChahrazad un nouveau coup de projecteur. Interrogée dans l'édition d'hier du journal gratuit 20 minutes, elle accuse les enquêteurs de ne pas recourir à"tous les moyens nécessaires pour retrouver"son bourreau. (LPJ ? 4 avril 2006)

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