

Treize fois champion de France, champion du monde en 1993, Jean-Philippe Gatien a participé à quatre olympiades et décroché l'argent en simple à Barcelone en 1992 et le bronze en double à Sydney en 2000. Le meilleur joueur français de tennis de table de tous les temps se confie sur ses différentes expériences olympiques
Les Jeux olympiques ont-ils une place particulière dans la vie d'un sportif ?
Je pense que c'est l'épreuve la plus prestigieuse dans le sens où elle n'arrive qu'une fois tous les quatre ans. Tout ce qui est rare a une connotation particulière dans une carrière. On ne sait jamais combien de fois on va pouvoir y participer.
Ce qui fait la magie des Jeux, c'est aussi que c'est bien plus qu'une simple compétition sportive. Il y a tout un univers et des valeurs. Celles-ci sont d'ailleurs souvent décriées quand on parle de l'apparition du sport business mais quand on a vécu les Jeux de l'intérieur, en tant qu'athlète, on est vraiment loin de ces considérations. Je suis d'ailleurs heureux de pouvoir faire passer ce message. Pendant cette compétition, on a vraiment la sensation de vivre une expérience unique. C'est bien sûr une compétition mais aussi un moment privilégié où l'espace de trois semaines on se retrouve avec les 10.000 meilleurs athlètes du monde, tous sports confondus.
J'ai des images en tête de Barcelone ou de Séoul où je mangeais pas très loin des basketteurs américains?C'est hallucinant comme sensation. Ces moments sont rares dans une vie et cet aspect-là est très important. Ces valeurs de partage et d'excellence sont vraiment à mettre en avant et au profit des Jeux olympiques. C'est unique.
Quand vous participez aux Jeux, avez-vous vraiment l'impression d'appartenir à une équipe de France olympique ?
Complètement et c'est d'ailleurs la seule occasion. Quand on évolue dans notre championnat du monde habituel, c'est la famille de notre sport. On voit toujours les mêmes personnes. Pendant les Jeux, il y a vraiment une course aux médailles et des objectifs qui sont annoncés. Chacun veut amener sa pierre à l'édifice en décrochant une médaille dans son sport. Je peux vous dire que le bâtiment des Français vit au rythme des médailles et des résultats des uns et des autres. Chacun s'intéresse à ce que font les copains du sport à côté et ça crée une émulation et un esprit "France" qui est tout simplement fabuleux. L'amour du maillot est particulièrement exacerbé pendant les Jeux.
Quand vous débarquez à Séoul pour vos premiers JO, vous avez seulement 19 ans. Qu'est-ce qui se passe dans votre tête à ce moment là ?
J'étais très impressionné. Malheureusement, à aucun moment je ne me suis senti acteur. Ça a été une grosse déception et c'est d'ailleurs ce que j'ai vraiment appris de ce semi-échec. Avec le recul, je n'avais de toute façon pas encore le potentiel pour faire une médaille si tôt donc j'allais là-bas pour apprendre. J'ai réellement découvert que les Jeux, ça ne s'improvise pas. C'est une machine infernale et il y a un univers extrêmement déconcentrant.
La vie au village, le fait de côtoyer des grands champions, d'être encouragé par des membres importants du groupe France alors que ce sont des gens que tu admires, c'est beaucoup de choses en même temps à gérer. On se sent vraiment investi d'une mission et il faut s'y préparer.
Je garde quand même en mémoire surtout des images de fête et une seule plus noire? J'ai le souvenir d'être sur le départ de mon site de compétition. Je vais prendre le bus et j'apprends que Ben Johnson est contrôlé positif. Tout cela déclenchera un énorme scandale par rapport au dopage. C'était venu noircir la fête même si j'essaie quand même de plutôt garder des images de fête entre athlètes français et du monde entier.
Au-delà de la découverte de l'évènement en lui-même, c'était aussi pour moi le début d'une certitude. J'ai su à ce moment là que les JO allaient devenir l'objectif de mes quinze années suivantes.
On se souvient souvent mieux de celles qui ont marché. En plus, très honnêtement, les Jeux de Barcelone et de Sydney étaient, je pense, les plus festifs. Il y avait une ambiance dans la ville et un soutien populaire exceptionnel. Je ne dis pas que ce n'était pas le cas à Atlanta et en Corée mais c'était moins frappant.
Barcelone reste également pour moi un souvenir particulier parce que j'ai eu cette médaille d'argent. J'ai aussi pu fidéliser un public en jouant aux alentours de 19h lorsque les gens sont devant leur télévision. Ma médaille avait eu beaucoup d'impact.
Le meilleur souvenir restera quand même Sydney. Je pense que c'est surtout pour des raisons sociétales. La façon dont le sport est accueilli en Australie est absolument démentielle. Les gens transpirent le sport et transpiraient les JO. Quand on est acteur de ça, c'est un moment magique.
Quels sont vos favoris pour une médaille à Londres ?
Je ne veux pas faire de sectarisme. J'ai été athlète et je sais ce que représente les Jeux en terme de préparation et d'investissement. Par définition, un sportif qui prépare cette compétition mérite d'être récompensé. Tous ne le seront pas, malheureusement.
Il y a bien sûr quelques favoris comme Teddy Riner qui écrase sa catégorie depuis de nombreuses années. J'espère qu'il sera enfin récompensé par un titre olympique parce que c'est la seule pierre qui manque à son édifice. Il y en a plein d'autres, notamment les plus âgés, ceux de qui je suis le plus proche comme Tony Estanguet qui tentera le triplé. C'est quelqu'un que j'apprécie et j'espère qu'il va réussir.
Sentez-vous un engouement particulier autour de ces Jeux de Londres ?
Je crois que ça monte en puissance. Je côtoie beaucoup d'athlètes et on sent que la machine est en route. C'est la dernière ligne droite. La proximité avec la France va jouer aussi. Les gens en parle plus et vont venir. J'ai vraiment hâte d'y être. Je viendrai fêter les médailles au Club France !
Propos recueillis par Simon Gleize (www.lepetitjournal.com/londres) lundi 9 juillet 2012


































