Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

Confinement - Comment les familles s'organisent à Jakarta ?

Indonésie lockdown coronavirusIndonésie lockdown coronavirus
Écrit par Athénaïs Pinard Legry
Publié le 8 avril 2020, mis à jour le 9 avril 2020

Le confinement se vit au jour le jour à Jakarta. L'état d'urgence a été décrété, mais le confinement total n'est pour l'instant pas à l'ordre de jour en Indonésie ; mais il est conseillé de rester chez soi. Pour la grande majorité des Français restés à Jakarta et pour ceux dont l'activité ne fait pas partie des secteurs clés en cette période, le respect du confinement à la maison va de soi. Alors, entre télétravail et école fermée, comment s’adaptent nos intérieurs ?

Alors que le premier mois de confinement et d’école à la maison s’achève, un équilibre commence à se trouver. 8 familles françaises se sont prêtées au jeu des questions-réponses sur la façon dont elles vivent cette période (certains noms ont été changés). Nous vous livrerons un portrait par semaine. 

 

Qu'est-ce que le confinement a le plus changé dans votre organisation quotidienne ?

  1. L’organisation familiale

Selon les âges des enfants, il faut organiser le travail de chacun : en autonomie sur ordinateur pour les plus grands ; adulte qui s’improvise instituteur pour les plus petits, tout en maintenant des temps de télétravail pour les parents.

  1. Les relations sociales

Tous utilisent quotidiennement les applications de messagerie en ligne. WhatsApp, Zoom et Skype n’ont jamais été autant plébiscités, même avec l’expatriation ! Clothilde (un bébé et un fils de 2 ans) avoue « moi qui n’étais pas très téléphone, je me surprends à avoir envie d’appeler des connaissances dont je prenais trop peu de nouvelles. C’est sympa de prendre le temps de raviver ces relations ».

  1. La gestion du personnel de maison

Si certains ont fait le choix d’éloigner leurs employés le temps de la crise, en leur recommandant de se confiner chez eux, d’autres ont proposé la solution inverse, comme Clothilde. « Nous vivons dans un appartement et notre nounou s’est installée chez nous. Moi qui m’étais promis de ne jamais avoir d’employé live-in pour préserver mon intimité ! Mais finalement ça se passe très bien ».

  1. La consommation quotidienne

Beaucoup s’approvisionnent différemment, plus près de chez eux (Camille, Michel…) ou se font livrer par des entreprises responsables (Nelly, adepte des livraisons hebdomadaires de légumes Yum Organic). Tous acceptent de sacrifier la variété du choix aux considérations de santé.

 

Le vivez-vous comme une chance ou une contrainte ?

Les avis sont mitigés. Pour beaucoup, c’est avant tout « une nécessité ».

La distance sociale apparaît comme la principale contrainte. Une situation que vit mal Marie (un enfant de 10 ans) : « je supporte de moins en moins de ne voir personne, le huis clos familial peut-être lourd. (…) Je ne suis pas la personne à appeler ces jours-ci pour se faire remonter le moral. Je crois que les nombreux départs autour de moi ont contribué à me plomber ». D’autres déplorent être séparés pour une durée indéterminée de leurs grands enfants à l’étranger.

D’un autre côté, nombreux sont ceux qui y voient une opportunité de « se retrouver vraiment ». « Nous avons plus de temps pour la famille » (Camille). Ils admettent également que leurs conditions de vie sont bien douces pour un confinement. Ainsi, Inoka se sent « privilégiée par rapport à la grande majorité des Indonésiens et des Français, compte tenu de la qualité de [son] cadre de vie ».

 

Qu'est-ce que vous préférez et qu'est-ce qui est le plus difficile pour vous dans cette situation ?

Pour tous, les préférences sont au niveau individuel et les difficultés sont au niveau macro.

En termes de satisfactions, Camille voit les effets sur les rapports avec son ado qui « se confie plus et nous sollicite davantage. C’est bénéfique au moment de l’adolescence qui a tendance à éloigner les parents et les enfants. Pour le coup, nous sommes plus complices et plus conciliants également ». 

Hors du noyau familial, en revanche, les motifs de préoccupation se multiplient. Inoka appelle son fils « anesthésiste-réanimateur à l’hôpital à Paris les lendemains de garde et il nous décrit la situation (…) Je suis un peu inquiète pour lui ». Camille n’apprécie pas cette sensation d’incertitude et de « ne pas maîtriser notre destin ». Sans parler de la situation sanitaire, le coup économique que cela va porter au pays peut remettre en cause l’avenir de beaucoup en Indonésie. 

 

Avez-vous découvert de nouvelles choses, des bons plans, qui vous aident à vous réadapter ?

Distance sociale oblige, c’est en ligne qu’on trouve des trésors pour s’occuper. Si Inoka « maximise [son] abonnement Netflix et s’est abonnée à Mubi, une plateforme de films », Claire utilise les possibilités du numérique pour l’appuyer dans sa méditation.

Mais loin d’une fuite en ligne, la situation nous rapproche aussi du concret : les activités manuelles et intellectuelles sont plébiscitées. 

 

Au final, qu'allez-vous retenir / retirer de cette expérience, d'après vous ?

Certains se repassent le déroulé des évènements avec ébahissement. Inoka, confie avoir été dépassée par « le manque de clairvoyance général, y compris le mien. Une sorte d’aveuglement devant les images qui défilaient en Chine sans que cela m’inquiète et que je me dise qu’il fallait prendre des mesures ». Camille est elle aussi prise de court : « cette situation est surdimensionnelle. Le virus s’est répandu partout ; hommes, femmes et enfants sont touchés et d’un seul coup tout s’arrête. C’est digne d’un film science-fiction, plus rien ne fonctionne. En revanche la nature reprend le dessus : les animaux réapparaissent là où on ne les voyait plus. Ce que je retiens : être ensemble, voici l’essentiel ». 

Les parents sont face à des décisions difficiles à prendre pour leur famille. La période est également propice aux réflexions sur le sens de sa vie… et de la vie.

Michel conclut ainsi : « J'ai découvert que la vie est belle et qu'il est trop facile de l'oublier. Car ne demeure que l'instant, souvent écrasé entre un passé inacceptable et un avenir inatteignable, et pourtant qui seul existe. Le mien : écrire ce mot ; le tien : le lire, maintenant. »

 

 

Les témoins :

Camille  : époux, 1 fils à la maison, 14 ans + 2 enfants en France. En Indonésie depuis 3 ans.

Inoka : époux, 3 enfants en France dont un médecin à Paris. En Indonésie depuis 3 ans.

Clothilde : époux et 2 bébés

Marie : conjoint, 1 fils à la maison, 10 ans

Michel : épouse et fille 22 ans (étudiante) à la maison et 1 fils à Paris. 73 ans, retraité, en Indonésie depuis 16 ans

Virginie : conjoint, 5 enfants, 2 fils à la maison, 14 ans. En Indonésie depuis 26 ans

Odyl : conjoint, 2 fils jumeaux 18 ans étudiants au Canada,

Nelly : époux, 2 filles à la maison, 9 et 10 ans. En Indonésie depuis 4 ans

Emeline : époux, 1 fils 8 ans et 1 fille 10 ans. En Indonésie depuis 3 ans

Claire : 2 enfants, 15 et 17 ans. En Indonésie depuis 20 ans.

Crédit photo : Nelly b.

Athens PinardLegry Petitjournal Jakarta
Publié le 8 avril 2020, mis à jour le 9 avril 2020