Les touristes occidentaux qui arpentent les routes du Sud-Est asiatique sont toujours choqués par l’omniprésence de déchets plastiques dans l’environnement de la péninsule et de l’archipel. Le plastique abonde dans la vie quotidienne, qu’il s’agisse d’usage unique ou d’objets. Dans les supermarchés et les épiceries, les contenants en verre ou en carton sont plus rares qu’en Europe et les doses individuelles plus répandues. Dans les marchés, les emballages en feuilles de bananier ont laissé place au plastique et parmi les stands, il en est souvent un qui vend aux commerçants les sacs en plastique et boîtes en polystyrène dont ils font un usage abondant.
Le traitement des déchets pose problème : les infrastructures sont mauvaises ou inexistantes et dans les zones rurales les déchets ne sont pas collectés, chaque famille brûlant dans son jardin ses emballages de snacks, sacs ou bouteilles en plastique. À ces difficultés s’ajoutent désormais celles que connaît la région depuis qu’elle suscite les convoitises des acteurs du marché mondial du recyclage des déchets. Car le problème des déchets domestiques est aggravé par l’importation de ceux des pays riches, des États-Unis au Japon, en passant par l’Europe.
« ÉPÉE NATIONALE » ET CRISE MONDIALE DES DÉCHETS
En juillet 2017, la Chine annonce à l’OMC ne plus accepter sur son territoire les déchets en plastique qui y étaient jusqu’alors retraités. L’opération « Épée nationale » prend effet le 1er janvier suivant et a pour but la « protection de la Chine, de son environnement et de la santé de ses citoyens ». Les industriels s’affolent puis se tournent alors vers les pays pauvres adjacents, lesquels n’ont pas encore fermé leurs portes à ces importations.
Sous le nom générique de plastique, on trouve de tout, marqué de 1 à 7. 1 pour le polytéréphtalate d’éthylène (PET), celui des bouteilles d’eau ou de soda. 2 pour le polyéthylène haute densité (PE-HD), celui des bouteilles de lait, d’huile ou de lessive. 5 pour le polypropylène (PP) dont on fait des usages variés. Les autres ? Les autres sont impossibles à recycler et donc sans valeur. L’enjeu du recyclage est de séparer les plastiques encore utiles du tout-venant.
La bonne conscience empire la situation puisque les ménages occidentaux qui souhaitent faire un geste pour l’environnement ont tendance à mettre tous les plastiques dans la poubelle de tri. Autant de déchets recyclés, se disent-ils, alors que cela augmente considérablement le coût du traitement. Et avec les prix du pétrole relativement bas depuis l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, les plastiques neufs sont plus compétitifs que ceux issus du recyclage. C’est une opération à très faible valeur ajoutée qui est ainsi exportée vers l’Asie du Sud-Est… en échange d’un endroit où se débarrasser du reste.
Depuis 1950, seulement 9 % des plastiques produits dans le monde ont été recyclés. Ni l’Indonésie, ni la Thaïlande ou la Malaisie n’ont de solution technique miraculeuse à leur disposition pour faire mieux. Ce sont en revanche des États aux législations environnementales peu exigeantes. Leurs populations pauvres ont du mal à faire valoir leur droit à un environnement sain ou à refuser de travailler dans les décharges qui, depuis 2018, ont surgi dans ces trois pays. Ces activités existaient avant le retrait chinois mais elles ont depuis pris une toute autre dimension.
La Malaisie a, selon Greenpeace, importé autant de déchets plastiques l’an dernier que les États-Unis n’en exportaient, la France étant le dixième de ses contributeurs, pendant que la Thaïlande a vu ses importations décupler. Publié le 24 avril dernier par l’ONG américaine GAIA (Global Alliance for Incinerator Alternatives), un rapport sur la Malaisie, la Thaïlande et l’Indonésie décrit les problèmes écologiques et sanitaires posés par le traitement sauvage des déchets plastiques aussi bien que les réactions politiques à ce qui est vite devenu une véritable crise mondiale.
LES CHIFFONNIERS DE JAVA
En Indonésie, à Java Est aux environs de Surabaya, l’association Ecoton se bat pour la qualité des eaux de la rivière Brantas. Depuis plus de quinze ans, ces biologistes militants sensibilisent le public, les industriels et les politiques sur ce sujet, enjoignant les uns à cesser de faire leurs besoins dans la rivière ou d’y jeter leurs couches et les autres à adopter des procédés moins dommageables à l’environnement. Depuis 2018, ils documentent la présence de déchets venus directement des ménages anglo-saxons. Avec la photo de produits emblématiques de la culture consumériste de ces pays, retrouvés dans une décharge javanaise, ils leur envoient sur Facebook ces messages : « Indonesia bukan recycle bin », « l’Indonésie n’est pas une poubelle ». Ou bien : « Australia, take back your trash ! » Pour lire la suite de l'article cliquez ici pour être redirigé sur le site de Asialyst.
Article écrit par Aude Vidal pour le site Asialyst