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Le président Joko Widodo, un homme sorti du peuple.

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Écrit par Michel Larue
Publié le 21 mai 2019, mis à jour le 12 novembre 2023

Le 21 mai 2019, la commission électorale indonésienne, la KPU, a publié l’élection du ticket Joko Widodo - Ma’ruf Amin avec 85 millions de voix soit 55,5%, devant le ticket concurrent Prabowo Subianto -  Sandiaga Uno qui a obtenu 68 millions de votes soit 44.5 %. Ce résultat confirme les estimations et reproduit celui de l’élection de 2014 qui avait vu les mêmes candidats s’affronter. 

L’histoire et la personnalité de Joko Widodo illustrent et confirment des changements historiques en Indonésie. 

Un homme sorti du peuple

Né le 21 juin 1961 à Surakarta, ville moyenne de Java Centre, rien ne prédisposait ce fils d’une famille pauvre à un destin national. Son père, un modeste marchant de bois, habitait avec sa famille dans des squats inondables proches de la rivière Solo d’où elle était régulièrement expulsée. C’est seul qu’il a candidaté et a été admis à la prestigieuse université Gajah Mada de Yogyakarta où il a obtenu en 1985 un diplôme d’ingénieur forestier. Il a commencé sa carrière dans la province d’Aceh, au nord de Sumatra, dans une entreprise publique de pâte à papier. Plus tard, en 2002, la réussite et le succès sont venus avec la création d’une entreprise de meubles en teck qu’il a développée sur le marché local et à l’international. 

C’est à cette occasion qu’il rencontre un importateur français, Bernard Chêne. Si tout le monde appelle Joko Widodo par son surnom, Jokowi, sait-on que c’est ce Français qui le lui a donné ? En effet, trouvant le nom complet Joko Widodo trop compliqué mais aussi parce que le futur président était toujours d’accord, Bernard Chêne le surnomme Joko « Oui » ; le surnom, Jokowi est né et adopté ! 

L’entrée en politique

Fort de sa réussite, c’est vers la communauté que se tourne le futur élu. Tout d’abord, il commence par assumer la présidence de l’influente association des fabricants de meubles avant de rejoindre le puissant parti démocrate de lutte, PDIP, de Megawati Sukarnoputri, fille du père de l’indépendance, Sukarno, et elle-même ancienne présidente. C’est sous ces couleurs qu’en 2005 il est élu maire de sa ville natale, Surakarta. 

Il imprime à la fonction une dimension originale faite d’attentions aux plus faibles exprimées notamment par ses visites inopinées, blusukan, dans des quartiers pauvres, comme dans les administrations. Il y rajoute deux caractéristiques, l’honnêteté, blanc de toute corruption, associée à un désir de servir et de construire. La reconnaissance des électeurs se manifeste lors de sa massive réélection avec près de 90% de votes. 

Ce succès lui a ouvert la voie pour devenir gouverneur de Jakarta, élection qu’il a gagnée en 2012. Sa politique s’est appuyée sur trois piliers : la santé avec l’accès pour tous aux soins de base gratuits, l’éducation et le développement des infrastructures avec le lancement de grands travaux comme le métro. 

Un destin national 

Sa popularité grandissante au-delà de la capitale lui ouvre l’élection présidentielle de 2014 qu’il gagne contre Prabowo Subianto. 

Son élection témoigne de plusieurs ruptures. C’est un homme issu du peuple alors que toutes les autres figures majeures de la politique étaient des « héritiers » descendants de grandes familles. C’est aussi un homme venu de la province en opposition aux élites de la capitale. C’est un responsable libre de toute corruption alors que ce mal gangrène les classes dirigeantes. C’est enfin le premier jeune responsable qui ne doit rien au régime d’ordre nouveau du président Suharto qui a contrôlé l’ensemble des rouages de l’état pendant 32 ans. Fort du soutien du peuple, il lui a fallu s’assurer de la fidélité des corps constitués notamment de la police, l’armée, la justice, etc.

Le premier mandat lui a permis d’exprimer sa proximité avec le peuple tout en consolidant une croissance économique pourtant plombée par le ralentissement chinois. Musulman modéré, il a su contenir la montée d’un islam plus radical dont les élections locales devraient permettre de mesurer la réalité. 

Joko Widodo incarne les qualités attribuées à la culture javanaise faite d’humilité, de respect et de politesse qui n’exclut pas une farouche volonté soutenue par une subtile habileté. 

Et maintenant ? 

La loi électorale lui interdit de cumuler plus de deux mandats et donc le libère de toute ambition électorale. Cela lui permettra de mener un programme ambitieux, notamment dans le domaine des infrastructures. Cela devrait également l’autoriser à aborder les problèmes de la corruption rampante et des droits humains. S’il réussit, il fera entrer le quatrième pays du monde de plein pied dans le 21ème siècle et lui donnera la place qu’il mérite, comme en témoigne la présidence du conseil de sécurité de l’ONU qu’assume actuellement l’Indonésie. 

 

Michel Larue
Publié le 21 mai 2019, mis à jour le 12 novembre 2023