La 14e édition du forum APAC se déroule à New Delhi du 27 au 29 novembre 2024. Cet événement majeur de la fin d’année réunit les Conseillers du Commerce Extérieur de la France (CCEF) pour la région Asie-Pacifique. Organisé sur le thème "Shaping the Future in a Changing World," il met l’accent sur des problématiques économiques et sociétales, en particulier dans les secteurs de la finance, de la durabilité, et des technologies émergentes.
Qu’est-ce que le forum APAC des Conseillers du Commerce Extérieur de la France ?
Le forum APAC (Asie-Pacifique) a pour rôle de rassembler des décideurs, des chefs d'entreprise, des experts et des leaders d'opinion de toute la région pour aborder les défis et opportunités économiques, technologiques et sociétaux de l’Asie-Pacifique.
Ce forum sert de plateforme stratégique pour :
- Promouvoir la coopération régionale : faciliter les échanges et la collaboration entre les pays de la région.
- Encourager l'innovation : explorer des solutions liées aux nouvelles technologies.
- Aborder les enjeux de durabilité : mettre l'accent sur la transition écologique et promouvoir des pratiques économiques responsables.
Priorités et enjeux du Forum par Matthieu Lavoine, président des CCE en Indonésie
“Bien que le Forum APAC des CCE soit une initiative régionale, son impact et ses discussions ont une portée mondiale, en particulier sur des sujets comme la transition énergétique, les technologies émergentes et les enjeux économiques globaux. La fréquence de ces forums varie, mais ils restent un rendez-vous clé pour les acteurs de la région.
Lors de la dernière édition au Vietnam en mars 2023, j’avais eu l’opportunité de présenter en plénière la question de la transition énergétique en Indonésie, laquelle est souvent résumée au « trilemme » suivant : comment concilier sécurité de l’approvisionnement en énergie (c’est-à-dire en s’appuyant au maximum sur les ressources disponibles dans l’archipel), équité de la couverture énergétique (que ce soit en termes de couts et de taux de couverture de la population), et durabilité ? Si ce trilemme n’est pas propre au contexte indonésien, le pays se démarque toutefois par des contraintes spécifiques liées à sa géographie (archipélagique), au poids de son héritage énergétique récent (ultra-carboné), à la structure du marché de l’électricité domestique (quasi monopolistique), et un environnement politique et régulatoire incertain.
Le secteur des véhicules électriques illustre bien les difficultés que rencontre l’Indonésie pour mener à bien sa transition : c’est en effet majoritairement une électricité charbonnée qui alimente les véhicules électriques dont le gouvernement cherche à promouvoir le développement par le biais de subventions.
Nous avions débattu ensemble sur ces sujets et notamment de la manière dont l'Indonésie doit réussir à concilier ses priorités économiques et énergétiques tout en répondant aux impératifs de la transition énergétique mondiale. Des enjeux qui, j’en suis convaincu, demeureront au cœur des discussions de ce prochain forum.
Pour ce forum APAC en Inde, mes principaux objectifs seront d’élargir mon réseau en rencontrant mes homologues CCE et d’étudier les opportunités de développement dans la région pour ma société. J’aurai également l'opportunité de dialoguer avec des intervenants de renom et d’échanger sur les enjeux essentiels que nous avons évoqués précédemment.”
Etude de cas sur la nouvelle capitale indonésienne par Manuelle Franck
Dans le cadre du Forum, Manuelle Franck, professeure en géographie de l’Asie du Sud-Est à INALCO, propose une étude de cas sur Nusantara, la nouvelle capitale administrative de l’Indonésie. Pour LePetitJournal.com de Jakarta, elle a accepté de partager avec nous quelques éléments de son intervention.
“Le projet de construire une nouvelle capitale indonésienne, Nusantara, à Kalimantan-Est est sans doute le projet d’infrastructures le plus emblématique, et l’un des derniers, du président Joko Widodo. D’autres présidents avant lui avaient envisagé ce déménagement, mais c’est Jokowi, le président connu pour avoir recherché le développement par la construction d’infrastructures, qui l’a mené à bien : au moment de la passation de pouvoirs, en octobre, le chantier du centre-ville administratif est bien avancé.
Le palais présidentiel ouvre sur un « axe de la nation » serpentant entre espaces verts et bleus selon le schéma directeur qui prévoit une « ville-forêt tropicale-archipel », ponctuée de grandes places et bordée de plusieurs bâtiments des ministères coordonnateurs. Quelques tours d’habitation pour les fonctionnaires et des maisons pour les ministres commencent à sortir de terre.
Le projet est ambitieux, enthousiasmant même pour les urbanistes et architectes impliqués, par son ambition et son ampleur (2 600km2, soit 4 fois DKI Jakarta). Aux premières semaines du nouveau gouvernement, plusieurs incertitudes pèsent cependant sur le projet, bien que Prabowo Subianto ait annoncé son souhait de terminer la construction du centre-ville dans quatre ans.
Outre des conflits fonciers qui retardent la libération des terrains et les impacts environnementaux, le portage politique du projet, qui s’exprime en particulier par le financement, restent incertains. D’un coût estimé à 35 MM $, la loi de 2022 sur la nouvelle capitale prévoit que seul 20% du coût soit financé par le budget de l’Etat, le reste devant être financé par des partenariats publics-privés et des investissements privés, indonésiens ou étrangers. Or, les capitaux privés peinent à arriver, devant les incertitudes de rentabilité.
La part financée sur le budget de l’Etat est quasiment atteinte et les premières versions du budget 2025, amené peut-être à évoluer, montre un investissement dans la construction de la nouvelle capitale très en deçà de l’année précédente. Les annonces sur d’autres projets prioritaires à financer tout ou partie sur le budget de l’Etat se multiplient, comme les repas gratuits dans les écoles (Susu makan gratis), l’autosuffisance alimentaire ou encore la reprise d’un projet que l’on peut considérer comme concurrent, de construction d’un mur géant de protection contre les inondations marines au nord de Jakarta (GiantSeaWall).
Il est probable que la construction de la nouvelle capitale prendra du retard, Nusantara partagera peut-être longtemps encore, voire définitivement, avec Jakarta les fonctions de l’administration centrale. Mais l’Indonésie a, avec Nusantara, l’ambition de développer un modèle original de ville écologique et intelligente, que le gouvernement souhaitera certainement mener à bien.”