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Jacky Deromedi : « Les expatriés sont des Français comme les autres »

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Écrit par Déborah Collet
Publié le 26 mai 2020, mis à jour le 30 mai 2020

La sénatrice Les Républicains, Jacky Deromedi, a été rapporteur de la proposition de loi relative aux Français établis hors de France adoptée au Sénat. Nous avons souhaité l’interroger sur les enjeux abordés notamment en matière de fiscalité, de scolarité et de soins médicaux.

 

La question des Français de l’étranger est un sujet transpartisan. 

 

Le Sénat a adopté la proposition de loi relative aux Français de l’étranger de M. Bruno Retailleau. Vous avez dit qu’une fois de plus la chambre haute a démontré qu’elle était la "Maison des Français de l’étranger." Pourquoi cette remarque ? 

Le Sénat, est "La maison des territoires" puisque les sénateurs s’occupent et représentent les départements français. Le Sénat représente également les Français du monde entier. Il a confirmé qu'il est la "Maison des Français de l’étranger" en votant largement cette proposition de loi. 

Je suis élue depuis cinq ans et je dépose des propositions de loi et amendements pour les Français de l’étranger avec pratiquement tout le temps les mêmes sujets. Très souvent, ils sont votés au Sénat mais le processus législatif s'arrête là, l'Assemblée nationale ne les reprenant pas. Aujourd’hui, il est important de se dire, que les expatriés sont des Français comme les autres. Ils ne bénéficient pas de la Sécurité sociale, ils doivent payer des frais de scolarité, ils n’ont pas accès au chômage ni à la retraite. Cependant, ils sont présents à l’étranger pour faire rayonner notre langue, notre culture et notre économie. 

Je suis très heureuse que M. Bruno Retailleau porte ce sujet et considère qu'il n’y a pas de raison pour que les Français de l'étranger soient exclus. La question des Français de l’étranger est un sujet transpartisan, ce n’est pas quelque chose de politique. À l’Assemblée nationale, ce n’est pas la même majorité qu’au Sénat, mais il y a 11 députés représentant les Français de l’étranger. Ces députés peuvent reprendre la proposition de loi, ce qui est important, c’est qu'elle aboutisse. Ceux qui doivent gagner, ce sont les Français de l’étranger. Ils doivent être considérés comme des Français à part entière et non pas comme des citoyens de seconde zone.

J’ai vécu 30 ans à l’étranger. J’ai vu autour de moi des personnes avec de gros problèmes. Il faut se sortir de l’esprit que les expatriés français sont des personnes qui ont de l’argent, qui vivent sous les cocotiers ou que ce sont des exilés fiscaux, car ils sont extrêmement courageux. Et quand ils ont un problème, il faut être là pour les aider. Les conseillers des Français de l’étranger les défendent et nous aussi, en tant que Sénateurs représentant les Français de l’étranger, nous sommes là pour porter leurs voix.

 

Comment envisagez-vous la possibilité d’exonérer les expatriés français vivant hors de l’Union européenne de la Contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) ?

Pour obtenir que les Français qui vivent dans l’Union européenne soient exonérés, il a fallu qu’ils saisissent à la Cour de justice européenne. Pour les Français établis hors de l’Union Européenne, l’exonération de la Contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) repose sur la bonne volonté du gouvernement français. 

J’ai prévu dès cette semaine d’organiser des réunions avec certains députés de l’Assemblée nationale pour leur demander de reprendre notre Proposition de loi pour qu’elle soit discutée et votée à l’Assemblée nationale. Dans ce cas, les expatriés français vivant hors de l’Union européenne pourraient enfin être exonérés de la CSG et de la CRDS. 

 

Lors des discussions des lois de finances, les Français de l'étranger subissent régulièrement des coupes budgétaires. 

 

Quelles ont été les conséquences de la réforme de l’impôt sur le revenu des expatriés français ?

Il y a deux conséquences. La première est qu'il n'y a plus de clause libératoire. Avant la réforme de l'impôt sur le revenu des expatriés français, ceux qui recevaient 12 000 euros par an de revenus ne payaient pas d'impôt. Aujourd'hui, les expatriés français sont imposés à partir du premier euro. La deuxième conséquence de cette réforme est que le taux minimum a été augmenté, passant de 20 à 30% pour les revenus de 27 519 €. Ce qui signifie qu'à partir du premier euro, vous pouvez être taxé à 30% et en plus, vous payez les prélèvements sociaux pour ceux qui habitent en dehors de l'Union européenne, 17,2%, la CSG-CRDS étant alors calculée sur les revenus du patrimoine.  En cas d'application des prélèvements sociaux, on peut aboutir à une imposition de 47%, ainsi presque la moitié des revenus des expatriés français est susceptible d'être prélevée par le gouvernement.

 

Nous avons des conseillers des Français de l’étranger qui font un travail extraordinaire et qui n’ont pas suffisamment de reconnaissance en retour. 

 

Faut-il, selon vous, dépoussiérer les instances représentatives des Français de l’étranger ?

Je pense qu’il faut continuer à améliorer les prérogatives de nos instances représentatives des Français de l’étranger. Nous avons des conseillers des Français de l’étranger qui font un travail extraordinaire et qui n’ont pas suffisamment de reconnaissance en retour. Ils n’ont pas de salaire, seulement une indemnité destinée à couvrir leurs frais de mandat. C’est anormal de les faire travailler "sans rien en retour". Les conseillers des Français de l’étranger, couvrent pour la plupart, un territoire relativement important. Ils doivent se déplacer, prendre sur leur temps pour aller à la rencontre des Français de l’étranger. D’ailleurs, les expatriés français ont pris l’habitude de les appeler en cas de problème. C’est en lien direct avec le poste diplomatique, avec les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

Quand il y a une crise, nous savons qu’ils sont indispensables, en l’occurrence en ce moment en temps de crise sanitaire ou en cas de catastrophes naturelles. Tout au long de leurs mandats, ils sont des maillons de terrain indispensables qui nous font remonter les problèmes rencontrés. Ils ne sont pas toujours invités aux événements organisés par les postes  diplomatiques. Il est important qu'ils aient un signe de reconnaissance et qu'ils aient une représentativité accrue.

 

Lorsque les élèves à besoins éducatifs particuliers sont correctement pris en charge, ils font des progrès  extraordinaires.

 

Comment peut-on permettre l’inclusion des élèves aux besoins éducatifs particuliers au sein des Établissements Français de l’Étranger ? 

Il y a une loi (pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005 ndlr) qui oblige les Établissement Français à l’Étranger à accueillir les enfants à besoins éducatifs particuliers. Nous parlons d’école inclusive. Dans de nombreux établissements français de l’étranger, ces élèves sont inclus. Toutefois, il reste le problème de certains handicaps ou certaines déficiences qui sont trop importants pour que ces élèves puissent intégrer des classes avec d’autres enfants. Dans ce cas-là, il faut qu’ils puissent se rendre dans des établissements spécialisés.

Dans certains endroits, il y a des personnes qui ne savent pas comment prendre en charge un élève avec un handicap et ils reculent devant cette responsabilité. Quand un lycée français à l’étranger ne peut pas  accepter d'enfants à  besoins éducatifs particuliers, quelle qu’en soit la raison, je me bats pour qu'ils puissent  être scolarisés dans un autre établissement en conservant leurs bourses. Si ce n’est pas le cas, pour eux, c’est la double peine : l’enfant, non seulement, ne peut plus aller à l’école française, mais en plus, il va perdre sa bourse. Certains parents déscolarisent leur enfant parce qu’ils n’ont pas d’autres choix. Lorsque les élèves à besoins éducatifs particuliers sont correctement pris en charge, ils font des progrès  extraordinaires. Ils s’en sortent et arrivent par la suite à intégrer un cycle classique. 

L’un des problèmes repose sur le coût des auxiliaires de vie scolaire (AVS). Il y a certaines familles qui ne peuvent pas payer ces frais. À l’étranger, les frais des AVS ne sont pas pris en charge par l’État, ni par l’établissement scolaire. Les coûts représentent un salaire. C’est un des sujets sur lesquels je me bats en disant que nous devrions, en fonction des revenus des familles, mettre en place une bourse spéciale qui soit versée aux familles, en supplément de la bourse qui permet déjà de payer la scolarité. Il n’y a pas de raison qu’un enfant soit pénalisé plus qu’un autre. S’il y a une auxiliaire de vie scolaire avec l’enfant, l’établissement scolaire à l’étranger sera moins regardant parce que l'enseignant n’aura pas à "s’occuper en permanence" de cet enfant. Nous aurons donc moins de mal à les faire intégrer certaines écoles.

 

Pour les retraités français expatriés de passage en France, leurs frais médicaux devraient être couverts. 

 

Pendant la crise de Covid-19, certains retraités expatriés français ont souhaité rentrer en France. Quelles améliorations peut-on apporter à la prise en charge de leurs soins ? 

Il y a ceux qui étaient en déplacement à l’étranger qui ont souhaité rentrer en France. Concernant les expatriés français, nous avons eu très peu de demandes de rapatriement à destination de la France.

Il faut savoir qu'une grande partie des retraités résidant à l'étranger[1], doivent avoir cotisé, suivant les systèmes, de 10 à 15 ans en France avant de s'expatrier à l'étranger pour pouvoir être couverts par la Sécurité sociale française et bénéficier de la prise en charge de leurs soins lors d'un séjour temporaire en France. Nous demandons qu’il n’y ait pas de délai de carence. C’est totalement anormal de demander à des retraités expatriés et plus largement à des Français de l’étranger rentrant en France de payer des soins médicaux alors que les étrangers en situation régulière ou irrégulière sont pris en charge dès qu’ils arrivent.

 

De nombreuses avancées ont été réalisées récemment concernant la dématérialisation des démarches administratives. Quels sont les domaines où il faut encore faire des efforts ? 

Nous sommes satisfaits d’avoir débloqué l'établissement des actes notariés par visioconférence, avec l'approbation du Conseil Supérieur du Notariat. C’est un grand progrès ! Il faut maintenant que les décrets soient publiés.

Nous avons encore des problèmes avec les certificats de vie. Tous les ans, les caisses de retraite, veulent s’assurer que les personnes auxquelles ils payent une retraite soient toujours vivantes. En raison des contraintes budgétaires, les postes diplomatiques, ont dû réduire leurs services. Ils demandent donc à nos ressortissants de faire viser leurs certificats de vie par les autorités locales. 

Nous devons généraliser la dématérialisation des certificats de vie, tout en assurant bien sûr la sécurisation du dispositif.

 

Que pensez-vous de la déclaration gouvernementale invitant les Français revenant de pays hors de l’Union européenne à se mettre en quatorzaine volontaire ? 

Je me demande bien qui va dire de son plein gré : "je vais me mettre en quatorzaine à la maison". Bien sûr qu’il est nécessaire de s’assurer que des personnes ne rentrent pas malades en France. 

Mon avis est qu'ils devraient réaliser un test dans leur pays d'accueil maximum une semaine avant de partir et présenter, à leur arrivée en France, un certificat qui stipule qu’ils sont négatifs. S'ils n'ont pas fait ce test, ils pourront l'effectuer dès leur arrivée à l’aéroport.

 

[1] Ce délai ne s'applique pas à eux vivant hors CEE/UE et hors certains pays ayant conclu une convention de sécurité sociale ou affiliés à la CFE.

 

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