En cette période trouble que vit la planète, les besoins de fraternité, d’unité, de vivre-ensemble, de solidarité, de prière et de paix apparaissent plus importants que jamais, pour aujourd'hui comme pour demain.
La Turquie, bien que musulmane à 99 %, est composée d'une mosaïque conséquente de communautés. Les représentants de ces dernières ont l'habitude de se retrouver au fil des dates clés des différents calendriers religieux. Ce mois d'avril 2020 était ponctué de rendez-vous importants pour tous : Pâques pour les chrétiens, Pessah pour les juifs et le début du mois sacré du Ramadan pour les musulmans.
A défaut de convier tout le monde autour d'une table de rupture du jeûne – iftar - comme ces trois dernières années à l'occasion du Ramadan, le Comité du Vicariat Apostolique d'Istanbul pour les Relations Interreligieuses a organisé une rencontre inédite de prière et de partage.
Les participants à la rencontre interreligieuse inédite du 22 avril 2020 à Istanbul durant le Covid-19
Cet événement, réalisé avec l'outil de communication Zoom, s'est déroulé mercredi soir 22 avril 2020. 13 participants représentant des églises, des communautés, des religions et des rites différents se sont ainsi retrouvés autour du père dominicain Claudio Monge, membre du Comité organisateur et modérateur du jour.
Caner Akdemir, mufti-adjoint de la ville d'Istanbul, Hayat Nur Artıran, Présidente de la Fondation Internationale Şefik Can pour l'Education et la Culture de Mevlâna, Doğan Bermek, Président de l'Association de Réflexion Alévie, Mgr Çanlı Orhan, chorévêque de l'église syriaque catholique de Turquie ont pris tour à tour la parole.
Caner Akdemir, mufti-adjoint de la ville d'Istanbul
Ensuite, ce fut respectivement au tour d'Esin Çelebi Bayru, 22ème arrière-petite-fille de Rumi et Présidente-Adjointe de la Fondation Internationale Mevlâna, de Mgr Ramzi Garmou, archevêque de l'église chaldéenne catholique de Turquie et du Prof. Dr Kenan Gürsoy, professeur de philosophie et ancien ambassadeur de Turquie près le Saint-Siège, d'intervenir.
Rav Isak Haleva, grand rabbin de Turquie, n'a pas pu se joindre à la rencontre mais a fait parvenir son texte lu par le modérateur.
Le chancelier Vartan Kirakos Kazanjian s'est exprimé au nom de l'archevêque arménien catholique de Turquie, puis le pasteur Behnan Konutgan, représentant l'église protestante de la maison de la Bible Immanuel a pris la parole d'Allemagne où il est actuellement confiné.
Ce fut ensuite au tour du diacre Iakovos Krochak au nom du Patriarcat œcuménique suivi de la pasteur Gabriele Pace pour la Communauté Evangélique de Turquie en langue allemande, elle aussi confinée pour l'heure en Allemagne.
Pasteur Gabriele Pace pour la Communauté Evangélique de Turquie en langue allemande
La parole revint ensuite à Mgr Rubén Tierrablanca González, vicaire apostolique d'Istanbul avant l'intervention de l'archiprêtre Drtad Uzunyan, membre du conseil religieux du Patriarcat arménien de Turquie et responsable des relations inter-églises.
Hayat Nur Artıran a, pour sa part, rappelé entre autres les paroles du prophète « L'humanité entière ressemble à un grand arbre. Les racines de l'arbre, ses branches, ses feuilles, ses fleurs et ses fruits ne se ressemblent aucunement, mais l'arbre tire précisément toute sa valeur de ces différences. » et le verset 48 de la sourate La Table Servie du Coran où Dieu a dit : « Nous avons donné à chacun d'entre eux une règle et une Loi. Si Dieu l'avait voulu, il aurait fait de vous une seule communauté. Mais il a voulu vous éprouver par le don qu'il vous a fait. Cherchez à vous surpasser les uns et les autres dans les bonnes actions.»
Hayat Nur Artıran, Présidente de la Fondation Internationale Şefik Can pour l'Education et la Culture de Mevlâna
Le représentant de la communauté alévie a évoqué l'instruction donnée il y a 1400 ans par l'imam Ali au gouverneur de l'Egypte et rappelée au monde en 1997 par Kofi Annan, alors Secrétaire Général de l'ONU et qui dit : « Tous les êtres humains sont égaux dans la création. »
Vivre ensemble l'amour de Dieu et la fraternité de manière plus forte et d'une façon encore plus sincère pour vaincre la pandémie fut la suggestion proposée par le chorévêque syriaque catholique. Au nom de sa communauté, il a assuré de tout cœur être prêt à prendre part à toutes les propositions de projets et d'actions afin de consolider cette fraternité.
Esin Çelebi Bayru a souhaité terminer son intervention par le message suivant de Rumi et figurant dans le Mesnevi : « Il n'y a point de différence entre les Prophètes puisqu'ils montrent le chemin allant vers Dieu. Leurs chemins est un seul chemin, s'il y a une erreur, elle n'appartient pas au chemin mais à ceux qui l'empruntent. »
Mgr Ramzi Garmou a demandé à Dieu « ...d'accorder à tous les dirigeants du monde, la grâce de la sagesse et du discernement, afin qu'ils travaillent pour la paix et la sérénité entre tous les peuples... »
Le Prof. Dr. Kenan Gürsoy a insisté sur le moment d'épreuves actuel : “[...] un effort pour la considération profonde de notre âme et de notre spiritualité. Bien sûr que ces épreuves et ces interrogations éveilleront en nous notre responsabilité d'observer notre dignité humaine [...] notre besoin de devenir l'homme dans sa vérité essentielle”.
Le diacre Iakonos Krochak a choisi la salutation finale de la 2ème lettre de St-Paul aux Corinthiens « Au reste, frères, soyez dans la joie, perfectionnez-vous, consolez-vous, ayez un même sentiment, vivez en paix ; et le Dieu d'amour et de paix sera avec vous. » pour rappeler les avantages de la solidarité et de l'unité.
Le diacre Iakovos Krochak du Patriarcat œcuménique
Mgr Rubén Tierrablanca González a invité les convives à s'adresser à Dieu avec la prière pour la paix de Saint-François qui commence par : “Seigneur, fais de nous un instrument de ta paix, là où est la haine, que je mette l'amour. Là où est l'offense, que je mette le pardon. Là où est la discorde, que je mette l'union. Là où est l'erreur, que je mette la vérité…”
Mgr Rubén Tierrablanca González, vicaire apostolique d'Istanbul
Le dernier intervenant, en l'occurrence l'archiprêtre arménien Drtad Uzunyan, a résumé la situation actuelle de manière très juste : “D'un côté, nous vivons des jours soucieux et de l'autre, nous pouvons saisir des occasions. C'est comme si Dieu s'adresse à chacun de nous en disant : « Ta vie n'est pas complètement entre tes mains, tous tes projets, tes plans sont arrêtés ou retardés par un virus invisible à l'œil. En effet, les choses coulent tout autour et tu ne remarques pas. Arrête-toi et réfléchis. »”
La rencontre de prière et de partage a été enregistrée et est disponible sous deux formes :
> une vidéo de présentation de 3 mn en cliquant ici
> la vidéo complète de l'événement (langue turque, sous-titrages disponibles en français, en anglais et en turc) visible en cliquant là
Communiquons ces liens à un maximum de connaissances en Turquie et à l’étranger pour semer ensemble des graines de fraternité et de vivre-ensemble afin qu’elles grandissent et se multiplient...
Chacun de nous a été contraint d'appuyer sur le bouton “pause”, de changer de tempo, de devenir prisonnier un temps de sa liberté de circuler et de faire.
Et si chacun prenait un peu de ce temps précieux pour justement poser ses valises, se demander pourquoi et comment la terre en est arrivée à ce stade de ras-le-bol exprimé par cet intrus invisible, quelles erreurs ont été faites par tout un chacun de nous jusqu’à aujourd’hui ?
Et si nous nous engagions personnellement et au quotidien à repartir sur des bases plus saines, moins égoïstes, pour le bien de tous, pour une terre plus harmonieuse et plus belle à offrir aux générations futures ?
Est-ce dans vos projets… ou bien un inconnu invisible devra-t-il continuer à nous titiller et revenir pour attirer notre attention et nous faire sortir de notre condition d'aveugle ?