Salarié détaché, expatrié ou retraité… Selon les raisons de votre installation en Turquie, les systèmes de sécurité sociale diffèrent. Sevda Gög, avocate conseil du Consulat général de France à Istanbul, nous aide à y voir plus clair.
Lepetitjournal.com d'Istanbul : Que prévoit la Convention générale du 20 janvier 1972 sur la sécurité sociale entre France et la Turquie, pour les salariés détachés et salariés expatriés ?
Sevda Gög : Il convient avant tout de souligner la distinction entre les salariés détachés et les salariés expatriés au sens de la Sécurité sociale.
Un salarié expatrié peut-être un salarié qui a été recruté par une entreprise étrangère pour travailler à l'étranger ; un salarié qui a été envoyé travailler à l'étranger pour une durée limitée mais qui a un employeur n'ayant pas choisi le régime de détachement, qui sera donc affilié à la caisse de sécurité sociale de l'Etat du lieu de travail ; ou un salarié qui bénéficiait du statut de détaché mais qui a atteint la durée maximale de détachement, continuant de vivre à l'étranger.
Un salarié détaché est un salarié que son employeur met temporairement à la disposition d'une autre entreprise située hors de France, qui est le plus souvent une société filiale ou appartenant au même groupe ; un salarié qui doit être en poste dans l'entreprise préalablement à son départ pour l'étranger. Le détachement est forcément temporaire et sa durée varie suivant la mission confiée au travailleur détaché (prononcé pour une durée variant de 6 mois à 3 ans). Par ailleurs, le contrat de travail du salarié partant à l'étranger continue à s'appliquer.
Le principe de la Convention est que les ressortissants français qui exercent en Turquie une activité salariée ou assimilée, de nature permanente ou saisonnière, sont soumis aux législations de sécurité sociale turques et en bénéficient, ainsi que leurs ayants droit résidant en Turquie, dans les mêmes conditions que les ressortissants turcs. Ils sont donc assujettis au régime de sécurité sociale du pays du lieu de travail et cotisent dans ce pays. C'est le cas des expatriés. En situation d'expatriation, les obligations de l'employeur vis-à-vis de la sécurité sociale française prennent fin. L'expatrié aura recours à une affiliation au régime de protection sociale du pays d'expatriation. Il ne bénéficie plus de droits à l'Assurance Maladie française. Mais il peut tout de même s'assurer volontairement à la Caisse des Français de l'étranger (l'adhésion à la CFE ne dispensant pas de cotiser au régime obligatoire du pays d'expatriation).
Par dérogation au principe de la convention, ne sont pas assujettis au régime de sécurité sociale du pays du lieu de travail, et demeurent soumis au régime de sécurité sociale du pays d'origine :
a) de plein droit, les travailleurs salariés détachés par leur employeur dans l'autre pays pour y effectuer un travail déterminé, pour autant que la durée du détachement n'excède pas trois ans, y compris la durée des congés ;
b) sous réserve de l'accord préalable et conjoint des autorités administratives compétentes des deux pays, les travailleurs salariés détachés par leur employeur dans l'autre pays pour y effectuer un travail déterminé dont la nature, initialement prévue ou non, doit se prolonger au-delà de trois ans.
Il en est de même des travailleurs salariés des entreprises publiques ou privées de transport de l'un des pays contractants, occupés dans l'autre pays, soit de manière permanente, soit à titre temporaire, soit comme personnel ambulant, qui restent soumis au régime de sécurité sociale en vigueur dans le pays où l'entreprise a son siège.
Toutefois, lorsque l'entreprise possède sur le territoire de l'autre pays une succursale ou une représentation permanente, l'arrangement administratif déterminera les conditions dans lesquelles les travailleurs occupés par celle-ci pourront être assujettis à la législation du pays où sont installés ces établissements.
Les travailleurs français ou turcs détachés et les personnels ayant exercé la faculté d'option pour l'application de la législation du pays d'origine, ainsi que les membres de leur famille qui les accompagnent, bénéficient des prestations des assurances maladie et maternité pendant toute la durée de leur séjour dans le pays où ils sont occupés dans les conditions suivantes :
- Le service des prestations en nature (soins) est assuré par l'institution du pays de la nouvelle résidence ou de séjour du travailleur suivant les dispositions de la législation applicable dans ce pays, en ce qui concerne l'étendue et les modalités du service desdites prestations ;
- Le service des prestations en espèces (indemnités journalières) est assuré par l'institution d'affiliation de l'intéressé.
Quelles sont les spécificités pour les fonctionnaires titulaires détachés à l'étranger ?
La convention ne s'applique pas aux fonctionnaires civils et militaires et les personnels assimilés, aux agents diplomatiques ou consulaires de carrière ainsi qu'aux fonctionnaires appartenant au cadre des chancelleries et aux agents mis par l'un des Etats à la disposition de l'autre sur la base d'un contrat d'assistance technique, lesquels sont régis par les dispositions relatives à la sécurité sociale qui sont prévues ou seront prises dans les accords de coopération passés entre les deux pays.
Les personnels salariés des postes diplomatiques ou consulaires, autres que ceux visés ci-dessus, de même que les travailleurs, au service personnel d'agents de ces postes, ont la faculté d'opter pour l'application de la législation du pays accréditant (pays représenté), pour autant que ces salariés ne soient pas des ressortissants de l'État accréditaire (pays d'accueil). Ce droit d'option ne peut être exercé qu'une seule fois dans les conditions et délais fixés par l'arrangement administratif.
Qu'en est-il pour les retraités ?
Leurs droits varient en fonction de la caisse débitrice des pensions. Le fait d'être titulaire d'une pension de vieillesse liquidée par totalisation des périodes d'assurance accomplies sur le territoire des deux États, ouvre droit aux prestations en nature (soins) des assurances maladie et maternité. Ces prestations sont servies au titulaire de la pension ainsi qu'aux membres de sa famille par l'institution de l'État sur le territoire duquel il réside, comme s'il était titulaire d'une pension au titre de la seule législation de cet État. La charge desdites prestations incombe à l'institution de ce dernier État.
Le titulaire de deux pensions de vieillesse, française et turque, ayant fait l'objet d'une liquidation séparée, bénéficie pour lui-même et les membres de sa famille des prestations en nature (soins) des assurances maladie et maternité dans les termes de la législation de l'État sur le territoire duquel il réside et à la charge de l'institution de cet État.
Le titulaire d'une pension de vieillesse ou d'une pension d'invalidité ou d'une rente d'accident du travail, due au titre de la seule législation de l'un des États contractants, a droit et ouvre droit aux prestations en nature (soins) des assurances maladie et maternité lorsqu'il réside sur le territoire de l'autre État. Lesdites prestations sont servies au titulaire de la pension ou rente ainsi qu'aux membres de sa famille par l'institution de l'État sur le territoire duquel il réside, comme si l'intéressé était titulaire d'une pension ou rente au titre de la législation de ce dernier État. L'ouverture du droit auxdites prestations est déterminée suivant les dispositions de la législation du régime débiteur de la pension ou de la rente. L'étendue, la durée et les modalités du service des prestations sont déterminées suivant les dispositions de la législation de l'État de résidence du pensionné ou du rentier. La charge de ces prestations incombe au régime de sécurité sociale débiteur de la pension ou de la rente, lequel rembourse au régime de sécurité sociale de l'État de résidence du pensionné ou du rentier les trois-quarts des dépenses y afférentes, sur la base d'un montant forfaitaire et selon les modalités déterminées par arrangement administratif.
Le titulaire de cette pension doit s'adresser aux services de caisse de sécurité sociale de son lieu de résidence en Turquie. La caisse turque certifiera, après vérification, qu'il n'est pas susceptible de bénéficier de la prise en charge des soins de santé au titre de la législation turque et adressera, ensuite, le formulaire de liaison SE 208-08 (demande d'attestation du droit aux soins de santé) à l'institution française débitrice de la retraite de base qui établira soit le formulaire SE 208-09 (attestation du droit aux soins de santé), soit le formulaire SE 208-10 (notification de rejet).
Si le droit est reconnu (formulaire SE 208-09 délivré), les prestations en nature de l'assurance maladie (remboursement des soins) seront servies au titulaire et à ses ayants droit résidant habituellement avec lui par la caisse turque comme s'il était titulaire d'une pension au titre de la seule législation turque.
Que faire si l'on ne possède pas de protection sociale en France ?
Si l'intéressé n'a aucune couverture sociale ni en France, ni en Turquie et réside depuis plus d'un an en Turquie il pourra demander à cotiser de sa propre initiative auprès de la caisse de sécurité sociale turque pour bénéficier de l'assurance maladie et maternité ou encore souscrire à une assurance privée si la demande n'est pas reçue par la caisse de sécurité sociale (art. 60(d) de la Loi portant numéro 5510 des Caisses de sécurité sociale).
Propos recueillis par Solène Permanne (http://lepetitjournal.com/istanbul) mercredi 26 avril 2017