Il y a quelques jours, l’Institut turc des statistiques (TÜIK) déclarait que l’inflation avait dépassé les 21% sur une année. Bien que ce taux soit très élevé, de nombreux politiques et économistes le considèrent largement sous-estimé.
Si le monde entier est aux prises avec l'inflation, la Turquie est dans une situation particulièrement difficile, se plaçant ainsi sur le podium européen de la hausse des prix à la consommation, suivie par l’Ukraine (10,9%) et la Biélorussie (10,5%). L’inflation la plus faible d’Europe est enregistrée au Liechtenstein.
Le TÜIK a annoncé vendredi dernier une augmentation de 3,51% en novembre, portant l'inflation annuelle à 21,31%, selon les données officielles. Mais si, sur la base de ces chiffres, la Turquie est le 11e pays à l’échelle mondiale (le Venezuela a le taux d'inflation le plus élevé au monde avec 1575%), elle serait encore classée plus haut parmi les pays aux taux d'inflation les plus élevés, à en croire les chiffres avancés par certains économistes et politiques.
Les chiffres de l'inflation turque largement remis en question
Le groupe de recherche sur l'inflation ENAGrup a pour sa part effectué un calcul séparé. Il fait valoir qu’en novembre l'inflation annuelle était de 58,65%. Selon ces données, la Turquie se classerait ainsi 6ème au niveau mondial.
Le 5 décembre, le maire d’Istanbul, Ekrem Imamolgu s’est aussi joint au débat sur les “vrais” chiffres de l’inflation dans son pays, en publiant des données qui montrent que le coût “réel” de la vie à Istanbul a augmenté de 50,18% l'année dernière, selon l’agence de planification d’Istanbul (IPA). En effet, l'Agence estime l'augmentation des prix des loyers à 71,6% l'année dernière. Les prix des denrées alimentaires ont considérablement augmenté, le prix d’un litre d'huile de tournesol de 137,59%, le kilo de farine de 109,14%, celui de sucre de 90,71%, et les œufs de 40%. Les produits de première nécessité sont également devenus plus chers, le prix du papier toilette a augmenté de 90,75%, et le prix de l’essence a subi une hausse de 102,72%.
Pour arriver à ces résultats, l'IPA a compilé les prix moyens de 321 produits du quotidien, à partir de 3 000 endroits de la mégapole.
Genel Başkanımız Sayın Kemal Kılıçdaroğlu, TÜİK’in gerçek enflasyon rakamlarını milletten gizlediğini gözler önüne serdi.
— Ekrem İmamoğlu (@ekrem_imamoglu) December 5, 2021
İşte planlama ajansımızın verilerine göre, İstanbul’daki gerçek enflasyon! https://t.co/zL5ATM5wyD
Ces chiffres soutiennent l'affirmation du chef du CHP, Kemal Kılıçdaroğlu, selon qui le TÜIK “cache” les chiffres “réels” de l'inflation.
Kemal Kılıçdaroğlu “refoulé” du TÜIK
Suite à l’annonce des chiffres par le TÜIK vendredi 3 décembre, Kemal Kılıçdaroğlu a tenté d'entrer dans le bâtiment de l'Institut à Ankara pour discuter des données sur l'inflation, mais l’accès lui en a été refusé. Le ministre de l'Intérieur Süleyman Soylu, un fidèle allié du président turc Recep Tayyip Erdoğan, a qualifié la visite de Kılıçdaroğlu de "raid".
La veille, le leader du CHP avait indiqué souhaiter écrire une lettre aux responsables de magasins pour leur demander de ne pas augmenter les prix de certains produits essentiels de consommation (farine, huile etc.).
L’annonce de ces chiffres de l’inflation intervient sur fond de crise de la monnaie turque, qui a perdu environ la moitié de sa valeur face au dollar depuis le début de l’année, conséquence de baisses consécutives des taux d’intérêt ces dernières semaines. Le président turc est bien connu pour considérer les taux d’intérêt élevés comme causes d’inflation et comme ennemis de la croissance, estimant que le coût du crédit élevé dissuade l'investissement et la consommation.