Savez-vous ce que révèlent les formes laissées au fond d’une tasse de café turc ? Héritée de l’Empire ottoman, la divination par le marc, ou kahve falı, demeure une pratique vivante en Turquie.


L’art du « Kahve falı »
Dès que le café se fut imposé dans la haute société ottomane au XVIe siècle, il devint un véritable art de vivre et le symbole culturel de l’hospitalité. On créa même, au palais de Topkapı, la fonction de « Grand Cafetier » ou « Kahvecibaşı », réservée à un dignitaire de confiance chargé de préparer en personne le breuvage du sultan et de le lui servir dans une tasse de porcelaine précieuse reposant sur un support en or.

Mais très vite, l’engouement pour cette boisson nouvelle venue du Yémen s’empara de toutes les classes sociales et c’est en 1554 que fut créé à Istanbul le premier établissement servant du café. Et même si certains traditionalistes considéraient d’un mauvais œil ces lieux permettant des réunions d’opposants potentiels, la cérémonie du café s’imposa comme un rituel incontournable, d’autant plus qu’on y avait très vite adjoint la pratique de la divination par la lecture du marc, appelée « caféomancie» et en turc, « Kahve falı ». Les peintres orientalistes ont d’ailleurs fait de la cérémonie du café l’un de leurs sujets de prédilection.

Comment interprète-t-on le marc de café ?
Le café turc, moulu très fin, est cuit avec de l’eau -avec ou sans sucre- dans une petite casserole et retiré du feu juste avant l’ébullition. Après que la personne ait bu le café, elle retourne la tasse sur la soucoupe et attend son refroidissement. Pour lire le marc, on déchiffre les symboles laissés sur les parois de la tasse et dans la soucoupe. Après, il est d’usage de rincer la tasse pour que l’eau efface les prédictions défavorables ou au contraire, accélère l’accomplissement des bonnes.

La signification des symboles
Les signes sont codifiés et reposent sur des croyances populaires ancestrales. Ce qui est en haut de la tasse matérialise le futur proche, le milieu, les faits de l’avenir et le fond, les obstacles liés au passé. Les références animales abondent : un oiseau annonce une bonne nouvelle, un poisson, la chance ; un serpent, un danger caché, le chien, la fidélité, le chat, la trahison, le cheval, la victoire. On trouve aussi de nombreux dessins tirés du monde de la nature : une étoile incarne la chance, la montagne, une difficulté, la lune, des sentiments amoureux, le soleil, le bonheur. Quant à l’univers des objets, il est aussi décrypté : une clé montre un nouveau projet, une chandelle laisse présager un problème, une boucle d’oreille, une rentrée d’argent, un verre à pied, la divulgation de vos secrets. De nombreux manuels expliquent aux débutants la signification des métaphores. Mais à ces lectures s’ajoutent les interprétations personnelles de la personne, qui va commenter en fonction des formes qu’elle « voit » et de la puissance de son imagination, jusqu’à créer des histoires complètes.

Et aujourd’hui ?
Même si tout le monde ne croit pas aux prédictions, la pratique de la divination par le marc est un divertissement prisé, souvent utilisé pour trouver la réponse à une question précise, au point que de nombreux cafés, nommés « Fal Kafe », en particulier à Kadiköy, Taksim ou Beşiktaş, en proposent à leurs clients des séances. Il est fréquent aussi, dans les classes aisées, d’organiser des séances de « fal » en faisant appel à un(e) voyant(e) réputé(e) qui vient lire le marc pour plusieurs personnes. Alors, vous vous lancez ? Vous avez vu un cœur ?

















































