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TÉMOIGNAGES - "Mes parents sont Franco-Turcs"

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La double culture est parfois une gymnastique.
Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 12 juin 2018, mis à jour le 12 juin 2018

Nés d’un père turc et d’une mère française, Tangui, Ebru, Erol et Melodi nous racontent comment ils ont été bercés entre les deux cultures. Entre joie, difficultés et questionnements sur leur identité.

"Je ne me sens ni davantage française, ni davantage turque", explique Ebru. Si la jeune femme se fait appeler par son prénom d’origine turque, son premier prénom est français : héritage de la double culture dans laquelle elle est bercée depuis son plus jeune âge. Née d'un père turc, et d'une mère française, Ebru a grandi en France. C'est à l'adolescence qu'elle a commencé à s'intéresser à son identité culturelle, à force de "toujours être confrontée à mes différences, poursuit-elle. J'ai ressenti du rejet de la part des Turcs de France car ma mère n’était pas turque, que je ne leur ressemblais pas et que je ne parlais pas la langue, à mon plus grand regret."

Ce sentiment complexe est celui qui l'a liée avec Melodi, sa meilleure amie, rencontrée à l'adolescence. "Elle  est dans la même situation que moi : son père est turc et sa mère est française, donc on s'est tout de suite comprises." Et Melodi d’ajouter : "Pour les Turcs, on n'est pas turcs et pour les Français, on n'est pas français. En France, on m'a déjà dit de retourner dans mon pays alors que je suis née ici. On m'a aussi déjà refusé un stage, en me précisant très explicitement que c'était à cause de mon nom de famille qui n'était pas français."

Le besoin de se découvrir

Erol, lui, affirme ne jamais avoir subi de telles discriminations : "Je suis né en France, j'ai grandi en Turquie jusqu'à mes 22 ans. Ensuite, je suis allé en France faire mon master, explique-t-il. Le milieu dans lequel j’ai évolué n’était pas propice au rejet. Autour de moi, il y avait plusieurs personnes dans la même situation puisque j’ai fait ma scolarité au lycée français Pierre Loti, à Istanbul, puis à l'université francophone Galatasaray."

C'est cette université, située au bord du Bosphore, qu'a choisi Tangui pour étudier après le baccalauréat : "À 19 ans, j'ai eu envie de quitter la France, de découvrir le monde et de me découvrir aussi moi-même, explique Tangui, né d'un père turc et d'une mère française. Mes parents ont divorcé quand j'avais quatre ans et j'ai vécu dans un milieu très franco-francais, je ne voyais mon père que toutes les deux semaines."

En arrivant à Istanbul, le premier réflexe de Tangui a été de se faire appeler Bora, son deuxième prénom, d'origine turque. "Je ne l'avais jamais utilisé avant, la famille de mon père m'appelait aussi Tangui. Je pense que je l’ai utilisé en Turquie pour m'intégrer plus vite. Cela permettait aussi de susciter de la curiosité et donc d’ouvrir la conversation…"

Tangui est venu à İstanbul pour étudier.

"J’ai joué avec les clichés"

Après son expérience stambouliote, Tangui se sent "encore plus français qu'avant!" Conséquence des nombreuses soirées crêpes qu'il a organisées avec ses amis turcs et durant lesquelles ils regardaient 'Le fabuleux destin d'Amélie Poulain' ou écoutaient du Brassens. "J'ai joué avec un certain nombre de clichés, admet Tangui. Puis, j'ai fini par vraiment développer une passion pour la culture française." Aujourd'hui, il a beaucoup de mal à se définir : "Je ne me sens pas Franco-Turc, encore moins Turc de France. J'ai moins de mal à me définir comme ‘méditerranéen’. En fait, je suis encore en construction de mon identité et je n'ai pas fini de faire ma propre psychanalyse…" Mais il est sûr d’une chose: sa double culture a influencé son parcours scolaire : "Je réalise actuellement un master en médiation interculturelle. Je m'intéresse à l'identité et aux migrations."

"La mixité est une bonne chose, poursuit Melodi. Grâce à elle, on est plus ouverts sur certains sujets." Son amie Ebru est du même avis : "La richesse, c'est de faire vivre deux cultures. Elles sont différentes certes, mais ne sont pas incompatibles. Cela contribue à l'ouverture d'esprit. C’est une chance. Grâce à cela, je n'ai pas peur d'aller vers les autres et j'ai envie de découvrir différentes cultures."

"Ma double culture est une chance"

La distance avec leur deuxième pays n’a pas rompu le lien qu’elles entretiennent avec lui : "J'ai un rapport très fort avec la Turquie, même si je n'y suis pas allée souvent", explique Melodi. "Moi, je n'y étais allée que deux fois, poursuit Ebru. Depuis que je suis mariée à un Turc, ensemble, nous y allons à toutes les vacances. Nous avons eu un véritable coup de cœur pour Istanbul et si je n'avais pas une situation professionnelle stable en France, peut-être qu'on aurait aimé tenter l'aventure en Turquie."

La double culture, c’est aussi une gymnastique : depuis tout petit, Erol jongle entre les langues : "A la maison, mon père parle turc, ma mère lui répond en français. Avec mon père, je parle turc. Avec ma mère, je parle français. Et quand on communique avec mon frère, on fait un mélange des deux !", s’amuse-t-il. Cela demande aussi d’être souple et d’avoir un pied dans chaque pays : "Je suis fier de mes deux pays, poursuit Erol. J'aime ma double culture et je crois que je me la suis pleinement appropriée, c'est une joie." Et de conclure : "Quand je suis en Turquie, la France me manque. Et à l'inverse, quand je suis en France, c'est la Turquie qui me manque !"

Solène Permanne (http://lepetitjournal.com/istanbul) mercredi 11 octobre 2017 (réédition)

 

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