Deux bombes ont explosé dans des bureaux du Parti démocratique des peuples (HDP) à Mersin et Adana, dans le sud de la Turquie, faisant six blessés ce lundi, à moins de trois semaines des élections législatives prévues le 7 juin. Les jours des blessés ne sont pas en danger.
À Adana, où avait eu lieu la veille un meeting du HDP, la bombe aurait été dissimulée dans un colis et déposée dans une salle de réunion utilisée tous les matins par les membres du parti, rapporte le quotidien Radikal. Selon un communiqué de presse publié par le HDP, l'explosion a fait six blessés parmi lesquels son co-président provincial, Hüseyin Beyaz. À Mersin, un bouquet de fleurs reçu le 17 mai aurait été posé sur le balcon trois minutes seulement avant qu'il n'explose, lundi matin, ne faisant cette fois aucun blessé, toujours selon le Radikal. Un meeting du co-président du parti, Selahattin Demirtaş, était justement prévu à Mersin ce lundi.
Ces deux attentats concomitants s'ajoutent à de nombreuses autres attaques dont des bureaux ou membres du HDP ont été la cible à travers le pays ces dernières semaines (une carte en ligne recense ces agressions). Le parti affirme ainsi, dans son communiqué de lundi, avoir fait l'objet de 60 attaques depuis le début de la campagne. En avril dernier, deux hommes avaient ouvert le feu contre le siège du HDP à Ankara.
Le HDP a accusé lundi “des forces obscures soutenues par le pouvoir politique” d'être à l'origine de ces attaques. Son communiqué de presse pointe du doigt “la responsabilité politique” du président Recep Tayyip Erdoğan, du Premier ministre Ahmet Davutoğlu ainsi que du Parti de la justice et du développement (AKP, au pouvoir) qui “nous prennent pour cible tous les jours dans leurs discours”, rapporte le Hürriyet Daily News. Une accusation considérée comme “très probable” hier par Kemal Kılıçdaroğlu, chef du principal parti d'opposition (CHP, Parti républicain du peuple), qui a dénoncé une “provocation”.
Selon Hüseyin Beyaz (membre du HDP, victime de l'attentat d'Adana), l'attaque a été organisée pour perturber la campagne de son parti, qui tentera le 7 juin de dépasser le barrage de 10% des voix au niveau national, condition sine qua non pour entrer au Parlement. “Un tel accident provocateur ne pourra jamais nous accabler. Nous allons continuer nos travaux”, a-t-il déclaré. La députée HDP Pervin Buldan s'est emparée de son compte Twitter pour critiquer sévèrement le gouvernement: “ni le président, ni le Premier ministre, ni d'autres responsables gouvernementaux ne devraient condamner les attaques d'aujourd'hui. Ils devraient se taire. Ça suffit !”
De son côté, le gouvernement a immédiatement dénoncé les attentats. Le Premier ministre Ahmet Davutoğlu a promis de traduire les coupables devant la justice. “Je condamne fermement cette attaque”, a-t-il lancé lors d'un rassemblement dans la ville de Karaman, dans le centre de la Turquie. Il a assuré avoir donné des "instructions claires" pour une enquête à grande échelle mais a toutefois mis en garde contre toute campagne de diffamation visant son parti, l'AKP.
Le vice-Premier ministre Yalçın Akdoğan a aussi réagi : “je condamne les attaques contre les bureaux du HDP à Adana et Mersin et je souhaite un rétablissement rapide aux citoyens blessés”, a-t-il déclaré dans un message publié sur Twitter. Le ministre de la Culture et du Tourisme, Ömer Çelik, a quant à lui dénoncé une “attaque contre le processus électoral”. “Une attaque contre un parti politique est une attaque contre tous les partis et la démocratie. Cette attaque a été organisée contre le HDP, tous les autres partis ainsi que contre le processus électoral", a-t-il assuré avant d'ajouter qu'une unité spéciale avait été formée par la Police, la Gendarmerie et l'Organisation nationale des renseignements (MİT)pour enquêter sur cette affaire.
Shadia Darhouche (www.lepetitjournal.com/Istanbul) mardi 19 mai 2015