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VIOLENCES - Près de 2.000 femmes turques tuées en huit ans

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L’association Kadın Cinayetlerini Durduracağız milite contre les féminicides ©Kadın Cinayetlerini Durduracağız
Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 27 novembre 2017, mis à jour le 27 novembre 2017

Face à la recrudescence des meurtres de femmes en Turquie ces dernières années, les militants dénoncent la réduction fréquente des peines pour les condamnés et des mesures de prévention insuffisantes.

Elles s’appelaient Selva, Zeynep, Helin, Lina ou Derya. Toutes sont récemment mortes sous les coups d’un homme. En Turquie, près de 2.000 femmes ont été tuées au cours des huit dernières années. 

Ce chiffre alarmant est celui publié par l’association Kadın Cinayetlerini Durduracağız (Nous allons stopper les féminicides). Sur internet, le collectif recense tous les meurtres de femmes en une cartographie. Noms, prénoms, âges, origines, circonstances de la mort et tentatives de "justification" des accusés… Le site montre l’hétérogénéité des profils et un mécanisme assez récurrent. Plus d’une femme sur deux ont été tuées par son compagnon ou ex-compagnon. 213 ont été tuées par leur père, leur fils ou leur frère. 

Tuée pour un oubli de sauce tomate

Selon les statistiques, Bayburt est la seule des 81 provinces de Turquie où aucun féminicide n’a été signalé. Istanbul, la province la plus peuplée de Turquie, est aussi celle qui en enregistre le plus : 261 femmes y ont été tuées depuis 2010. A Izmir, 139 femmes sont mortes sous les coups d’un homme. Elles sont 105, à Ankara. En Turquie, quatre femmes sur dix disent avoir été victimes de violences domestiques. 

Dans la plupart des cas, les meurtriers "justifient" leur acte par des soupçons de tromperie, une demande de divorce mal digérée, un refus de se remettre ensemble ou par les prétendus "crimes d’honneur". Une femme a aussi été tuée car elle n’a pas mis de sauce tomate dans le plat qu’elle avait cuisiné, d’autres parce qu’elles ont refusé de donner le mot de passe de leur téléphone… 

Mesures de prévention insuffisantes

Sur les 1.915 femmes tuées depuis 2010, au moins 237 victimes se savaient en danger et avaient préalablement demandé à être protégées par l’Etat. Ces statistiques montrent que les mesures préventives actuelles sont loin d’être suffisantes. C’est le cas du dispositif de bracelets électroniques sur les conjoints violents, mis en place il y a deux ans. Le bilan est pour le moment anecdotique : 60 bracelets électroniques seulement ont été distribués et aucun, à Istanbul. 

Les militants de la lutte contre les violences faites aux femmes dénoncent aussi la réduction des peines pour les condamnés en raison d’une "bonne conduite" durant leur procès. C’est ce dont a bénéficié Masum Demirtaş, l’an dernier, dans la province de Batman, au sud-est de la Turquie. En 2016, l’accusé avait torturé sa sœur à mort, en l’électrocutant. "C'est révoltant de voir que certains coupables ont des réductions de peine juste parce qu'ils portent un costard, une cravate et disent qu'ils sont désolés au tribunal", déplorait Merve Gezen au petitjournal.com d’Istanbul, à l’occasion de la sortie de son court-métrage Scrabble, dédié aux femmes violentées, violées ou tuées. 

Nouveau plan du gouvernement

"En Turquie, le concept d’égalité hommes-femmes est loin d’être acquis", selon Zelal Ayman, responsable du Programme d’éducation aux droits humains des femmes (KIHEP) Elle ajoute  : "Les femmes sont encore vues comme des citoyens de deuxième classe. Au-delà de la protection, il revient à l’État – au pouvoir politique – d’accélérer les mesures de prévention. Cela veut dire notamment soutenir les femmes dans un ensemble de domaines, de la participation à la vie politique à l’éducation ou au marché du travail. Et cela doit commencer dès l’enfance. Il faut enseigner à l’école l’égalité hommes-femmes."

Dimanche, Recep Tayyip Erdoğan a annoncé qu’un nouveau plan d’action économique et social pour les femmes serait lancé l’année prochaine. La veille, des milliers de femmes à travers la Turquie sont descendues dans les rues à l’occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Elles étaient des centaines sur l’avenue d’Istiklal d’Istanbul, à dénoncer la recrudescence des meurtres de femmes en Turquie ces dernières années. 

Solène Permanne (http://lepetitjournal.com/istanbul) mardi 28 novembre 2017

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