En dépit des craintes exprimées par l'ONU et du volte-face de Donald Trump hier en fin d'après-midi, les troupes turques auraient commencé, hier soir, à bombarder des positions du PYD en Syrie.
« Nous ne savons pas ce qui va se passer. [...] Nous nous préparons au pire. » Le coordinateur humanitaire de l'ONU pour la Syrie, Panos Moumtziz, ne cachait pas son inquiétude, hier, après que Donald Trump a fait part, dimanche soir, de sa volonté de retirer les troupes américaines de la frontière turco-syrienne, ouvrant ainsi la voie à une offensive de la Turquie contre les milices kurdes du PYD stationnées dans le nord-est de la Syrie.
Hier matin, Recep Tayyip Erdogan a d'ailleurs confirmé qu'une telle attaque pourrait avoir lieu « à tout moment ». « Il est hors de question pour nous de tolérer plus longtemps les menaces provenant de ces groupes terroristes », a-t-il déclaré.
Daech
Cherchant des appuis auprès de la coalition, les Forces démocratiques syriennes (FDS), affiliées au PYD, ont prévenu qu'une incursion turque pourrait inciter les chefs de l'Etat islamique (EI) encore en vie à « sortir de leur cachette », en même temps qu'elle mettrait en péril les prisons qu'elles contrôlent et dans lesquelles sont enfermés de nombreux jihadistes. Une perspective redoutée par la France et qui a conduit le Quai d'Orsay, hier après-midi, à appeler la Turquie à « éviter une initiative qui irait à l’encontre des intérêts de la Coalition globale contre Daesh dont elle fait partie ». « Les combattants terroristes sont en détention [en Syrie], y compris ceux de nationalité étrangère, doivent faire l’objet d’un jugement là où ils ont commis leurs crimes. Ce jugement et leur détention sûre dans le nord-est de la Syrie sont par ailleurs un impératif de sécurité pour éviter qu’ils ne viennent renforcer les rangs des groupes terroristes. »
« La Turquie va continuer de se battre contre Daech et ne le laissera pas revenir, que ce soit sous une forme ou une autre », a tenté de rassurer le porte-parole de la présidence turque, Ibrahim Kalin, dans un message posté sur Tweeter. Quant à la question des prisonniers jihadistes, Recep Tayyip Erdogan a assuré que le nombre de 10 000 avancé par le FDS était « exagéré » et ajouté qu’ « un travail était actuellement réalisé pour savoir quelles mesures devaient être prises afin de neutraliser rapidement les membres de Daesh emprisonnés ».
Bombardement
Il n'empêche : au-delà de la France ou de l'ONU, la perspective d'une intervention armée de la Turquie en Syrie suscite également de vives inquiétudes outre-Atlantique. Sous le feu des critiques depuis l'annonce du retrait des troupes américaines, Donald Trump a donné l'impression de rétro-pédaler hier, en mettant sérieusement en garde Ankara. « Si la Turquie fait quoi que ce soit dont j’estime, dans ma grande et inégalable sagesse, que cela dépasse les bornes, je détruirai et anéantirai complètement l’économie de la Turquie », a tweeté le Président américain.
Un avertissement qui ne semble pas avoir dissuadé Ankara. A l'heure où nous écrivons ces lignes (lundi soir à 22 heures), plusieurs sources indiquent que les troupes turques auraient commencé à bombarder des positions tenues par le PYD à proximité de la ville frontalière de Malikiyah, au nord de Hassaké.
Jonathan Grimmer et Jeanne Leblond