Jeudi 13 octobre, l'AKP (parti au pouvoir) et son allié nationaliste du MHP, ont approuvé le projet de loi sur la désinformation déposé en mai dernier. Ce dernier touche à l’ensemble de la sphère médiatique (radios, télévision, réseaux sociaux), et vise à sanctionner la divulgation d’informations "fausses ou trompeuses", en prévoyant une peine allant jusqu’à trois ans de prison.
À huit mois des élections, cette loi fait l’objet de nombreuses controverses quant au respect des libertés fondamentales que sont la liberté d’information et la liberté d’expression.
Des risques d'entrave à la liberté d'expression
Très décriée par l’opposition et par les professionnels du monde médiatique, cette loi constitue également une incitation à l’autocensure, ce qui, à quelques mois des élections (prévues en juin 2023), pourrait porter préjudice à l’opposition, durant la période charnière que représente la campagne électorale.
Le président turc, Recep Tayyip Erdoğan, fait l’objet de nombreuses critiques actuellement en Turquie, et n’est pas porté gagnant dans la majorité des sondages ; cette loi pourrait alors lui permettre d’accroître sa mainmise sur la sphère médiatique.
La loi fragilise également les liens de la Turquie avec l’Union européenne, liens déjà distendus. Le Conseil de l’Europe a dénoncé une "entrave" à la liberté d’expression garantie par la Convention européenne des droits de l’homme ratifiée par la Turquie depuis 1954.
C'est l’article 29 de la loi qui semble soulever le plus de craintes, en ce qu’il établit la possibilité de punir jusqu’à trois ans de prison toute "propagation d'informations fausses ou trompeuses, contraires à la sécurité intérieure et extérieure du pays et susceptibles de porter atteinte à la santé publique, de troubler l'ordre public, de répandre la peur ou la panique au sein de la population". Or, comme l’a dénoncé le responsable de l’IYIP (parti de centre-droit), Ümit Beyaz, ces jugements relèveront de l’arbitraire du gouvernement car "un conseil nommé par le gouvernement déterminera si l’information est réelle ou non. Ainsi, le gouvernement sera en mesure de punir chaque auteur d’information qui ne lui convient pas."
Cette loi ne risque donc pas d’améliorer le rang de la Turquie dans le classement sur la liberté d’informer établi par Reporters sans frontières (RSF), au sein duquel elle occupe actuellement la 154ème place sur 180. L’organisme indépendant a d’ailleurs, conjointement à divers syndicats et associations de journalistes, dénoncé la loi comme une tentative de censure établie par le gouvernement.
> Retrouvez la loi (en turc), publiée au Journal officiel le 18 octobre 2022.