Alors que le bilan des victimes des séismes a été revu à la hausse (plus de 53 000 victimes en Turquie selon le ministère de l’Intérieur), ce mardi 6 février, nous commémorons cet évènement dramatique.
Dans la nuit du 5 au 6 février 2023, à 4h17 du matin très exactement, un séisme de magnitude 7,8 sur l’échelle de Richter frappe la Turquie. Il est suivi d’un second séisme de magnitude 7,6 à 13h24. Une succession d’horreurs pour les habitants des 11 régions touchées dans le sud-est du pays. Les bâtiments s’effondrent, un à un, comme des châteaux de cartes. La belle Antioche n’est plus qu’un champ de ruines. Les survivants pleurent leurs proches qui n’ont pas survécu. Et vient la réalité de l’après: enterrer des dizaines de milliers de personnes, déblayer, mais avant tout, survivre.
Une catastrophe aux conséquences toujours présentes
Les habitants des régions sinistrées se retrouvent sans rien du jour au lendemain. L’aide peine à arriver et lorsqu’elle arrive, elle n’est pas exempte de polémiques. Comme lorsque le croissant rouge turc a vendu (et non donné) 2050 tentes pour plus de 2 millions d’euros à l’organisation indépendante d’aide humanitaire AHBAP.
Les polémiques fusent. Et une interrogation prédomine: comment en est-on arrivé là dans un pays où les risques sismiques sont omniprésents? Qu’a-t-il manqué? Où se trouvent les défaillances?
Après l’état de choc et les premiers jours d’horreur, vient l’inévitable questionnement des normes de constructions. La chasse aux promoteurs véreux débute. La plupart des bâtiments qui se sont écroulés ou ont été endommagés ne répondaient pas aux normes sismiques et, pour certains, avaient également fait l’objet de procédures d’amnisties visant à régulariser ces constructions qui n’étaient pas aux normes. D’ailleurs, le mois dernier s’est ouvert un premier grand procès concernant les constructions non conformes aux normes sismiques (ajouts d'étages illégaux, mauvaise qualité des matériaux de construction, etc.): celui de l'hôtel Isias d'Adiyaman dont l'effondrement a coûté la vie à 72 personnes.
C’est un fait : la mauvaise qualité des bâtiments apparaît avoir joué un rôle majeur dans le lourd bilan humain. Les logements sociaux, eux, (TOKI - Toplu Konut İdaresi Başkanlığı), directement contrôlés par l’État, ont, semble-t-il, fait l'objet de davantage de vigilance et ont globalement résisté.
L’objectif principal du gouvernement est donc une reconstruction au pas de charge, en un an. Mais les défis sont vertigineux. Deux mois après la catastrophe, plus de deux millions de personnes vivent sous des tentes et les dégâts sont estimés à plusieurs centaines de milliards de dollars.
Un an après, ce sont près de 700 000 sinistrés qui vivent toujours dans des conditions extrêmement précaires. Dans le Hatay (région où il y a eu le plus de morts), la population est passée de 1,7 millions d’habitants à 250 000 d’habitants dont les trois quarts vivent encore aujourd’hui dans des conteneurs.
Turquie: la déprime dans les conteneurs pour les rescapés du séisme
Une politique volontariste de reconstruction mais des besoins encore immenses
Le ministère de l’Environnement et de l’Urbanisme a annoncé le 3 février 2024 fournir par tirage au sort, sous deux mois, 75 000 logements aux sinistrés. Il prévoit d’en livrer 200 000 d’ici la fin de l’année. Ce week-end, le président Erdoğan s’est à cette occasion rendu dans la province du Hatay pour remettre symboliquement les clés de 7000 logements à leurs nouveaux occupants. À l’occasion de ce déplacement, lors de la cérémonie d’inauguration du nouvel hôpital de Gaziantep, ce dernier a déclaré que face à cette lourde tâche de reconstruction, l’Etat turc avait fait preuve d’une forte résilience et qu’il fallait lui faire confiance.
L’Etat se mobilise pour une reconstruction de l’espace urbain, dans les meilleures conditions. Mais cette mobilisation prendra plus de temps que prévu. L’urgence devient parfois vitale. Dans le Hatay, l’association médicale turque (Türk Tabipleri Birliği - TTB) a lancé une alerte après avoir constaté que les enfants de moins de cinq ans présentaient des taux de croissance plus lents que la moyenne à cause de la malnutrition. À cela s’ajoute les pénuries d’eau, les problématiques d’hygiène mais aussi les risques sanitaires liés à l’amiante ou encore la gestion à long terme des débris.
Au-delà de la priorité de la prise en charge des populations sinistrées, la sauvegarde du patrimoine culturel de cette région à la riche histoire reste un défi de taille.
Reconstruction du Sud-Est anatolien : le patrimoine culturel, un enjeu de taille
Aussi, le sud-est anatolien a toujours besoin de soutien pour se reconstruire sur le long terme. La solidarité de la société turque, les aides internationales et l'action des ONG sur place permettent d’éclaircir les perspectives de ces milliers de rescapés qui peinent encore à envisager l’avenir. De son côté, l’Union Européenne a annoncé une aide supplémentaire de 26 millions d’euros.
Il s'agit de ne pas oublier, pour les victimes, mais aussi pour mieux prévenir et éviter la répétition d'une telle catastrophe, une grande partie du pays étant sujette aux risques sismiques et notamment la mégalopole d'Istanbul, qui subira un jour ou l’autre, un tremblement de terre majeur.
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