

Les huiles alimentaires usagées, fléau pour la nature et les canalisations, sont encore trop peu recyclées. Un habitant de Çorum, au centre de l'Anatolie, a inventé une machine de collecte qui sépare les résidus de l'huile pure, laquelle pourra ensuite être utilisée comme agrocarburant. La machine, baptisée BAYTOM, intéresse déjà de nombreuses agglomérations et sera présentée à la prochaine conférence des Nations Unies sur le développement durable
Le mode d'emploi est enfantin : pressez le bouton vert, ouvrez le couvercle, versez votre huile, refermez le couvercle (voir photo ci-dessous ET). Pendant une quinzaine de secondes, la machine analyse le liquide. L'huile se déverse ensuite dans un bidon d'une capacité de 60 litres. Les éventuels autres liquides, l'eau par exemple, sont recueillis dans un deuxième bidon, juste à côté.
Ce procédé électronique breveté, tenu secret, qui sépare en quelques secondes l'huile végétale usagée de ce qui n'en est pas, c'est ce qui fait de cet appareil une petite révolution. ?Un litre d'huile usagée pollue un million de mètres cube d'eau !? informe la machine, en guise de remerciement.
En bonus, elle distribue une récompense en fonction de la quantité d'huile versée. Le plus souvent, un coupon de réduction. L'inventeur a imaginé ce petit encouragement pour convaincre son public cible : des gens qui, jusqu'ici, se débarrassaient de leurs huiles alimentaires dans l'évier, sans se poser de questions.
Un litre d'huile végétale fournit autant d'énergie qu'un litre de pétrole
Cet inventeur s'appelle Erol Tonga, professeur de chimie à Çorum, une ville d'Anatolie centrale. Pour développer sa machine, il a reçu le soutien de l'Association des industriels de l'huile végétale et du ministère de l'Environnement. Il est parti d'un constat tout simple : contrairement aux huiles alimentaires usagées collectées chez les restaurateurs, l'huile des particuliers vaut de l'or.
?Parmi toutes les huiles végétales usagées, celle des ménagères présente de loin la meilleure qualité, tout simplement parce qu'elle n'a été cuite que deux ou trois fois?, explique-t-il. ?Quand cette huile arrive dans les canalisations, elle perd une grande partie de son énergie, d'où l'intérêt de la récupérer directement auprès des particuliers, avant qu'elle ne soit jetée dans l'évier. Un litre d'huile végétale fournit à peu près autant d'énergie qu'un litre de pétrole !? observe-t-il.
Erol Tonga s'est associé à une entreprise et vient de boucler la phase pilote de son projet avec 80 machines installées dans plusieurs villes d'Anatolie (mais pas encore à Istanbul). L'inventeur s'est adressé aux mairies, et pour cause : ce sont elles qui déboursent chaque année des millions pour nettoyer les canalisations encrassées par ces huiles.

Pourtant, certaines réactions lui laissent un souvenir amer. ?On m'a souvent ri au nez?, reconnaît-il. ?On m'a aussi répondu que la machine, qui coûte 1.300 euros, était chère. Quand j'entends cela d'un responsable municipal qui vient de me dire qu'il dépense six millions tous les ans en budget nettoyage, je n'ai qu'une envie, c'est de prendre la porte ! A l'étranger, les réactions ont été très différentes et nous avons déjà beaucoup de demandes.?
Berlin, Londres et d'autres villes d'Autriche, de Suisse, de Bulgarie, de Serbie, et même des Etats-Unis ou du Canada sont intéressées par la machine. Erol Tonga a promis des livraisons à partir d'octobre, le temps de mettre au point la version définitive. Il espère produire 2.000 exemplaires cette année, et 30.000 d'ici cinq ans.
En France, la ville de Givors, dans la banlieue lyonnaise, pourrait bien être pionnière. La mairie apporte son soutien à Gürsel Çakar, un entrepreneur turc installé à Lyon depuis dix ans, chargé de distribuer la machine en France.

"L'objectif à terme est d'installer 20.000 machines en France. Des machines qui, bien sûr, parleront français?, précise Gürsel Çakar. Dans un premier temps, l'entrepreneur envisage d'importer les machines en pièces détachées et d'assurer le montage à Lyon.
?Ensuite, l'idée serait d'importer uniquement le système et de fabriquer la caisse de la machine en France. Cela créerait de l'emploi sur place et réduirait nos coûts de transport?, assure-t-il avant d'ajouter, un grand sourire aux lèvres : ?Que la machine soit fabriquée en France ou ailleurs, nous veillerons à apposer la mention ?Technologie turque produite par des ingénieurs turcs?. Car mine de rien, pour une fois, nous sommes en avance sur les autres pays européens. C'est une fierté pour nous.?
La machine présentée à Corum par Erol Tonga, premier à gauche (photo ET)
Autre motif de fierté pour Erol Tonga, l'inventeur : sa machine, mise au point dans un laboratoire d'une ville moyenne d'Anatolie, par cinq personnes dont lui-même, représentera la Turquie à la prochaine conférence des Nations Unies sur le développement durable, qui se tiendra fin juin à Rio de Janeiro.
Anne Andlauer (www.lepetitjournal.com/istanbul) jeudi 31 mai 2012





































