Fin 2014, la découverte d’une nouvelle ville souterraine dans la province de Nevşehir avait provoqué une ruée vers l’or des archéologues, historiens et autres ethnologues. Un peu plus d’un an après, alors que les recherches se poursuivent, une église orthodoxe aux fresques inconnues prouve que la cité souterraine n’a pas encore fini de nous dévoiler ses secrets.
La Cappadoce est connue pour ses villes souterraines, qui servaient de refuge aux habitants de la région en cas d’invasion. Ces couloirs, pouvant accueillir des dizaines de milliers de personnes, auraient initialement été creusés par les Hittites, qui peuplèrent l’Anatolie au IIème millénaire avant J.-C. Les immenses réseaux souterrains auraient ensuite abrité les premiers chrétiens qui fuyaient les persécutions et qui aménagèrent les villes souterraines en construisant des églises.
Pourtant, les ouvriers de l’office public du logement turc (TOKİ) ne s’attendaient pas à une découverte de cette ampleur lorsqu’ils ont entrepris des travaux autour de la forteresse de Nevşehir, dans le cadre d’un projet de transformation urbaine. Après avoir démoli plus de 1.500 logements, ils s’apprêtaient à en construire de nouveaux lorsque les entreprises d’excavation ont révélé des couloirs visiblement aménagés par la main humaine. Les autorités ont suspendu les travaux pour laisser la place aux investigations des archéologues. L’office public du logement a par la suite repris la direction des travaux de nettoyage, en collaboration avec la municipalité.
La plus grande ville souterraine du monde
Si la découverte de la cité de Nevşehir a suscité un tel engouement lors de sa découverte, c’est notamment en raison de sa taille. Le maire de la ville, Hasan Ünve, a comparé les précédentes découvertes à des “cuisines” face à la taille de cette nouvelle cité. En effet, les réseaux qui s’étendent sur environ 360.000 mètres carrés concurrencent Derinkuyu (photo de gauche/Chloé Degeilh), la plus grande ville souterraine connue jusque-là. Une rivale de taille pour le site le plus visité de la région, comme le souligne la revue National Geographic, qui consacre un article à la ville souterraine de Nevşehir.
Les spécialistes ont également estimé que la construction de celle ville extraordinaire avait débuté il y a 5.000 ans. Les recherches menées sur le site ont révélé des couloirs d’une taille étonnante, “suffisamment large pour y faire passer une voiture” et qui servaient à faire circuler des produits agricoles ou à relier la ville à des sources d’eau, selon les informations du quotidien Hürriyet.
En juin 2015, des représentants de l’UNESCO ont fait le déplacement pour visiter cette cité qui figure d’ores et déjà sur la liste du patrimoine mondial, alors que la municipalité devrait ouvrir les premières visites au public en 2017.
La découverte d’une église qui pourrait bouleverser l’Histoire de l’orthodoxie
Récemment, les archéologues ont fait une nouvelle découverte qui confirme – si besoin était – la richesse historique de cette ville souterraine. Des travaux de rénovation ont mis à jour une église orthodoxe vieille de 1.500 ans, une information relayée par le site du quotidien Hürriyet. La présence d’églises au sein des cités de Cappadoce n’est pas en elle-même une nouveauté, cependant certaines fresques ont retenu l’attention des spécialistes.
Les murs arborent en effet des représentations du Christ montant vers le ciel ou détruisant les âmes des pêcheurs, c’est-à-dire des scènes qui appartiennent aux passages bibliques de l’Ascension et du Jugement Dernier. Les archéologues ont également fait état de scènes de miracles, notamment la multiplication des pains et des poissons. Selon le maire de Nevşehir, “jusqu’à présent, de telles fresques n’ont jamais été vues dans d’autres églises”.
Une découverte prometteuse alors que la majeure partie du bâtiment reste enfouie sous terre. Selon l’archéologue responsable des recherches, Semih İstanbulluoğlu, certains murs ont été endommagés par la pluie ou la neige mais “les fresques retrouveront leur aspect originel après un travail de restauration”. Une partie du toit est cependant visible, ce qui permet de donner une idée de la taille du bâtiment, qui serait plus grand que la plupart des églises découvertes en Cappadoce.
Pour le moment, les travaux des archéologues sont suspendus afin de préserver les peintures de l’humidité extérieure. Les recherches reprendront au printemps, lorsque les températures s’adouciront. Le maire de Nevşehir envisage de transformer cette église en un lieu de pèlerinage.
Noémie Peycelon (www.lepetitjournal.com/Istanbul) mercredi 17 février 2016