Les relations entre l’Inde et la Bretagne sont anciennes et ont commencé avec la création de la fameuse Compagnie des Indes orientales dont le siège était basé à Lorient. Durant le XVIIIe siècle, la Bretagne était le point de départ et d'arrivée des navires de commerce qui reliaient la France et l’Inde. Mais, après la Révolution française, cette activité a fortement décliné. A la suite de la signature du Traité de Paris en 1763 avec l’Angleterre, la France ne conserve que cinq comptoirs en Inde.
Depuis 2004, un Français installé à Morlaix et ancien expatrié en Inde, Jean-Claude Breton, tente de raviver les relations entre sa région et le sous-continent et a fondé l'association AADI (Alliance Armor Dupleix Inde). Aujourd’hui, avec son assistance, la rédaction dresse l’historique des liens entre la Bretagne et l’Inde.
Lorient, le siège de la Compagnie française des Indes orientales
Sous l’impulsion de Colbert, Louis XIV signe une Déclaration du Roi portant établissement d'une Compagnie pour le commerce des Indes orientales le 27 août 1664.
L’histoire de Lorient est ainsi intimement liée à l’Inde puisque la ville fut fondée en 1666 avec l'objectif de fournir une base à la nouvelle Compagnie française des Indes orientales.
La Compagnie se voit définir des objectifs vastes et qui sont de trois ordres :
- commercial pour lutter contre la concurrence des produits anglais et néerlandais,
- politique en contribuant au développement d'une marine nationale et en affirmant la présence française sur les mers,
- culturel et religieux, en propageant la culture française, dans une mission “civilisatrice” et en évangélisant les “païens”.
Attentif à la question du textile, Colbert s'est intéressé aux efforts de ses prédécesseurs à l'époque d'Henri IV, pour développer la culture de la soie. Il sait que la communauté arménienne de Marseille, par ses liens avec l'Orient, importe des indiennes, ces cotonnades légères et fines, qui plaisent par leurs couleurs gaies.
La Compagnie des Indes orientales vise d'abord cette activité, alors que le commerce du poivre est dominé par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales. Lorsqu'elle prend son essor, de Pondichéry et Calcutta, 8 à 10 vaisseaux chargés de tissus arrivent annuellement à Lorient.
L'activité de la Compagnie française des Indes orientales ne dura pas longtemps, elle fut fusionnée dans la Compagnie perpétuelle des Indes. En revanche, Lorient continua à prospérer au XVIIIe siècle grâce aux commerces en provenance d’Inde et de Chine (thé, café, poivre, cotonnades, porcelaines…) et aux activités liées à la traite négrière.
La ville de Lorient a dédié un musée aux différentes compagnies françaises des Indes : musee.lorient.bzh
Joseph-François Dupleix, breton par adoption et pionnier des relations franco-indiennes
Le futur gouverneur des comptoirs français en Inde, Joseph-François Dupleix a vécu une partie de son enfance à Morlaix en Bretagne où son père était en charge de la manufacture des tabacs.
A 18 ans, il embarque à Lorient à la recherche d’un avenir dans les colonies françaises. Il foule la côte de Coromandel au Sud-Est de l’Inde pour la première fois en 1722 et restera 34 ans dans le sous-continent au service de la Compagnie française des Indes orientales.
En Inde, Dupleix révèle des qualités d’organisateur et d’analyse. Comme Directeur du Bengale entre 1731 et 1740, il redresse la situation du comptoir de Chandernagor.
Puis, nommé par le roi Gouverneur de Pondichéry, couvrant l’ensemble des intérêts de la Compagnie francaise des Indes orientales, il met en place et poursuit avec succès une politique cohérente et applique sa vision qui considère que le commerce français aux Indes ne peut être rentable qu’avec l’accès à des revenus locaux fixes et abondants. Il justifie ainsi une politique d’expansion en s’appuyant sur des souverains locaux, qui va à l’encontre des consignes strictement commerciales de la Compagnie.
“Grâce à cette vision, aux succès sur le terrain et à la qualité de ses adjoints comme Bussy, la zone d’influence française à l’époque de Dupleix couvre le Deccan et le Sud de l’Inde, soit bien plus que celle des Anglais,” raconte Jean-Claude Breton.
Le journal d’Ananda Ranga Pillai, un courtier tamoul qui exerca le rôle de traducteur, intermédiaire avec les fabricants locaux, sorte de secrétaire diplomatique pour Dupleix, est une mine de renseignements sur les événements et mœurs de l’époque.
De 1736 à 1760, ce document en tamoul de 5 000 pages couvre “la période qui vit la montée, l’apogée et la ruine de la puissance Française en Inde”. Certaines parties du document ont été traduites en français, la version complète des douze cahiers rédigés par le courtier indien n’existe qu’en traduction anglaise (et tamoule depuis 2005) (source Bibliothèque universitaire des langues et civilisations).
Mais, la direction de la Compagnie francaise des Indes orientales, basée en métropole, s’inquiète devant les risques courus par Dupleix et l’insuffisant potentiel de la zone pour satisfaire simultanément la France et l’Angleterre qui se font concurrence sur le sous-continent. Face aux pressions des Anglais dans le cadre du règlement des conflits entre les deux puissances, la Compagnie francaise des Indes orientales rappelle Dupleix en France et le démet de ses fonctions. Le Traité de Paris en 1763 consacrera le désastre français en Inde. Dupleix meurt la même année à Paris, ruiné et épuisé par son contentieux avec la Compagnie (source association AADI Morlaix - Alliance Armor Dupleix Inde).
Après le rappel de Dupleix, les Anglais ont appliqué avec succès, à leur profit, le système que ce dernier avait initié. La France ne conserva que les cinq comptoirs de Chandernagor, Karikal, Mahé, Pondichéry et Yanaon. Ils ont été restitués formellement à l’Union Indienne le 1er novembre 1954.
Joseph-François Dupleix, reconnu tardivement par la France
“Sauf à de rares moments, Dupleix a été généralement ‘oublié’ par l’Histoire en France, alors que son apport est reconnu par les Britanniques et est enseigné aux étudiants indiens dans le cadre de l’histoire de leur accès à l’indépendance en 1947”, confie Jean Claude Breton.
Joseph-François Dupleix quitte Pondichéry en 1754, mais la France ne reconnaît sa contribution qu'en 1870, avec la commande de deux statues, l'une à Pondichéry et l'autre dans le Nord de la France, dans sa ville de naissance à Landrecies.
A Pondichéry, la statue, qui le représente comme un homme d'une stature dominante, est maintenant située sur l'avenue Goubert au bout de Rock Beach. Elle avait été installée pour la première fois le 16 juillet 1870 au milieu du parc Bharathi, mais, en 1979, elle a été déplacée vers la plage. La restauration de la statue de Dupleix a été entreprise par le Département des travaux publics (PWD) du gouvernement de Pondichéry en 2014.
À Landrecies, la statue de Dupleix se tient devant la mairie et la ville a consacré un musée à l’ancien gouverneur de Pondichéry.
A Paris, dans le 15e arrondissement, une station de métro et une rue portent le nom de Dupleix. A l’occasion du 250eme anniversaire de la mort de Joseph-François Dupleix, le 26 juin 2013, la RATP, la Marine nationale et la Ville de Morlaix ont inauguré un panneau mémoriel dans la station de métro éponyme.
Plusieurs bâtiments de la Marine nationale ont porté le nom de Dupleix dont le dernier en date, une frégate de lutte anti-sous-marine, parrainée par la ville de Morlaix et désarmée en 2015. Mais la coque de la frégate continue de servir : en 2016, elle a été installée comme brise-lames dans la rade de Toulon.
“Le tableau du peintre de marine brestois Pierre Péron, qui ornait la cabine du Commandant du Dupleix, est désormais exposé dans le grand escalier de l'Hôtel de Ville de Morlaix,” indique Jean-Claude Breton.
La suite des relations entre l'Inde et la Bretagne la semaine prochaine : La gastronomie bretonne et les épices…
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